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Contes défaits de mon ciel de lit. - Page 5

  • " Le jeu de la tentation."

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    Il aura suffit d’un rien pour que mon destin me rattrape à la vitesse d'un cheval emballé.


    Je ne crois pas aux coïncidences ; elles n'existent que lorsqu'une fée aux intentions malignes prend soin de les provoquer.


    En l'occurrence, cette Carabosse aux sortilèges venimeux, pris les traits adipeux de mon éternelle Archnémésis, mon génie corrupteur familier, mon " énnamie " de toujours : «  La Miss ».

    Alors que j'étais sans nouvelles de la créature depuis des lustres, cet histrion hystérique, ce vilain coq de salon, ce crotale de l'Eden, choisit de se manifester Lundi soir, à l'heure ou je m'apprêtais à quitter mes bureaux.

    Elle entra sans se faire annoncer, comme un piège que l'on redoute, onctueuse et parfumée, liante et cajoleuse, m’inonda d'une affection visqueuse, de paroles plus sucrées que confitures de roses, pleura un peu de l'œil droit tandis que le gauche détaillait avec la précision médicale d'un scanner chaque fibre de ma peau, s'enquit de mes amours, m'assomma du récit des siennes et m'invita à diner.


    J'acceptais, autant par désœuvrement que par curiosité. Je me doutais bien que le retour inopiné de cette méchante langue ne devait rien au hasard et brulais de savoir vers quels sentiers tortueux elle entendait diriger mes pas indécis.
    Je le découvris à l'issue d'un repas mortel tant par la qualité des mets dégustés, que par la redondance d'une conversation, essentiellement tournée vers le nombril de la « Miss » et ses fulgurants succès Parisiens sur la scène transformiste.

    Sans avoir l'air d'y toucher, l'ex gambilleuse m'entraina dans un nouveau bar, « So chic, sister », ou, prétendait elle, m'attendait une fort jolie surprise.

    La surprise en question trônait derrière les cylindres de verre colorés d’un comptoir dont le renflement agressif évoquait l’étrave d’un navire.

    « Baby Gigolo », semblable à, ce qu'en lui même enfin, il n'avait cessé d’être.

    Le chevalier noir de mes nuits blanches !

    La plus grande putain de l’Est Parisien.

    Le seul homme au monde, auquel je n'ai jamais su résister !

    Andrea, quoi !

    Des siècles, déjà, depuis qu'il avait choisi son camp.
    Des siècles depuis qu'il s'était embarqué, sans un mot, sans un au revoir, parmi les bagages griffés Hermès d'un notable Autrichien aussi nanti en millions qu'en années . Des sècles, qu'il nous la jouait " Gigi l'Amoroso ; no news c'était good news "....
    Trois ans que je n'avais pas pensé à lui une seule seconde.

    Rayé des tablettes, tombé aux oubliettes, effacé comme un dessin sur la buée d'une vitre.

    Sans que je l’ais voulu, il s'était estompé de ma mémoire à la manière d'un rêve érotique dont ne subsiste au réveil qu'un parfum diffus que l'on peine à associer à une peau, une chair, un corps précis.

    Il est vrai, que les parfums se souviennent mieux que nous.

    Andrea sentait le cul, la bite, le sperme, l'incarnat d'instants ou la honte le disputait à la jouissance.

    Ni fuck Buddy ni amant régulier et pourtant un peu des deux.

    Comment expliquer l'obscure alchimie qui soudain bouleverse deux personnes qui ne s'aiment pas, qui ne s'aimeront jamais, qui pas une seconde n'envisagent la possibilité d'un embryon d'histoire commune, mais qui ne peuvent résister au terrifiant élan physique qui les pousse l'une vers l'autre ?

    Nous ne nous sommes jamais cherché; nous nous sommes même fuis; nous nous sommes toujours trouvés.
    Nous avons franchis dans les bras l'un de l'autre des étapes sensuelles que nous n’imaginions pas franchir dans nos rêves les plus crus.

    " Il n'y a pas de belles histoires de cul " chantait Gainsbourg.
    A voir, mon vieux Serge, à voir !

    Et voila que nous nous retrouvions face à face ; pas plus surpris que cela au demeurant ; et voila que nous reprenions avec l'aisance de l’habitude, la conversation, là ou nous l'avions interrompue ; en plein milieu d'anecdotes salaces dont nous nous repaissions avec l'appétit sanguinaire de males dominants en compétions au sein d'une meute.

    La " Miss " jubilait tandis qu’Andrea et moi nous reconnaissions sans même nous regarder.

     

    Nous avions vieilli, mais pas changé. Nos styles de beauté se complétaient toujours aussi harmonieusement et nos corps échauffés par leur proximité s'impatientaient d'entrer en guerre.


    Les " Rhum-Carambar " que nous buvions symbolisaient assez bien l'étrange mélange de rudesse et de fondant dont se paraient nos retrouvailles.

    Paradis perdu, cercles vicieux d’un enfer à venir.

    A la fermeture, c'est sans nous concerter que nous abandonnâmes une « Miss » gentiment complice, pour marcher côte à côte, en silence dans les rues désertées.

    Andrea habitait à deux pas, un bel appartement moderne aux volumes aérés, aux tonalités sobres de vanille et de marron glacé. Un appartement de "Grand-Chasseur-Blanc" ou s'affichait sa passion de l'Afrique et de l'art tribal.
    Nous nous assîmes dans un salon dont les baies vitrées ouvrant sur un balcon en rotonde disparaissaient derrière des panneaux d'Acajou aux veines corallines.

    Sagement, l’un en face de l’autre, séparé par une table à café un peu mastoc en ivoire et bois d’ébène.

    Faute de Rhum-Carambar, nous bûmes du Gin avec du sirop de Fraises, tandis que basse et violons jouaient "le Canon de Pachelbel".

    Nous parlâmes un peu de nos vies.
    De la sienne désespérément vide.
    De la mienne si pleine qu'elle craquait de toute part.
    Nous convînmes que cela revenait au même.

    Andréa m'avoua que je l'avais cruellement blessé un jour que je lui avais jeté à la face qu'il n’était ni ne serait jamais mon ami.
    Je m'en étonnais ; il s'était toujours posé, moins en amant qu'en partenaire de sexe " itinérant " ; dégraissant nos rapports jusqu'à les priver de mots qui n'entrassent dans le cadre strict d'un jeu de rôles aux finalités nettement précisée ; or, il n'ignorait pas que mes meilleurs amis, mes complices, mes confidents, n'étaient autres que mes amoureux.
    Il voulu savoir pourquoi je ne l'avais jamais compté au nombre desdits amoureux. Je lui retournais la question sans y répondre. Il sourit, un peu triste, un peu railleur.

    « - Toujours ton esprit tordu !

    Puis il vint s’asseoir sur l’accoudoir du fauteuil que j’occupais, passa son bras autour de mes épaules tandis que j'inclinais ma tête vers la sienne.

    Il parla longtemps, dans le vide, dans la nuit, dans le ventre grommelant de la ville.
    Il dit que je l'avais toujours terrifié ou plutôt que l'absence de limites propre à notre relation l'avait toujours épouvanté ; que nos folies respectives en l'absence du moindre garde fou nous auraient entrainées trop loin, qu'il ne connaissait que trop bien ma propension à m'amouracher d'hommes fragiles, d'hommes en devenir et qu'à l’évidence, il ne correspondait pas au schéma. Il ajouta cynique, que s'il avait baisé la terre entière pour gagner sa vie, il lui suffisait, à chaque fois, de penser à moi pour parvenir à combler le moins bandant de ses michetons.

    Les hommes de ma vie m'ont souvent gratifié des compliments peu banals, mais jamais aucun ne m'avait comparé à une pilule de Viagra.

    Je choisis d'en rire, de peur d'avoir à en pleurer.

    Je répondis, et je mentais à peine, que je connaissais de lui que son sexe et que cela ne me suffisais pas ; qu'en dépit de ce rôle pernicieux de " prince des indécences " que je me plaisais à jouer, je demeurais un incurable romantique ; et au fond, tout au fond, là ou personne ne s'aventure jamais, un tout petit garçon.

    Il dit, merci bien, que je ne lui apprenais rien, et qu'on pourrait aller tirer un coup maintenant que nous avions mis les choses au clair.

    Je pensais deux secondes au corps d’Andrea; une seconde aux yeux de Christophe.

    Il m'en couta plus que je ne saurais l'avouer en ces lignes, mais, je refusais.

    Tranquillement.
    Sereinement, en apparence.

    D'un simple signe de dénégation qu'accompagnait un sourire d'excuse ; vous savez, l'un de ces sourires qui ne montrent pas les dents par crainte de mordre au fruit du péché.

    Andrea n'insista pas.
    « - Partie remise, « Mauvaise. Graine » ?
    « -Partie remise « Baby Gigolo » !

    Dans l’escalier, tandis que je prenais la fuite, je songeais que, décidément j’étais la reine des connes, qu’un bon coup de bite s’attrape par les temps qui courent à peut près aussi facilement que la cagnotte du loto et pourquoi te flagelle tu à plaisir connasse ?

    Ainsi, je fis volte-face et remontais sonner.

  • " Un professionel de la profession."

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    Lorsque vous fréquentez le monde interlope de la nuit, vous êtes amenés à rencontrer toutes sortes de créatures hautement improbables que vous n'auriez pas eut la moindre chance de croiser au soleil de midi.

     De fausses gloires en authentiques stars, de barons de la drogue en capitaines d’industrie, de fleurs du mal en illuminés, j’ai, au cours de ma vie, affronté à peu prés tous les mensonges de ce monde des merveilles ou même Alice et son lapin blanc eussent finis à la sauteuse.

    Ne manquait à ma collection qu’un acteur de pornos.

    Cette déplorable lacune fut comblée au cours d'une nuit d’Aout, maussade et poisseuse, dans une boite à Partouzes destinée à une clientèle hétéro.

    Mais que Diantre allaient donc foutre « Mauvaise. Graine » et son inséparable faux frère entre le quai de la Seine et le parc de la Villette, dans un Lupanar ou des gisquettes énervées du berlingot aguichaient moult membrus mateurs de moniches malapprises ?


    Nous visitions , ne vous déplaise , en curieux , en touristes , ceci à l’invitation du gérant , un adorable voyou, ami de jeunesse de nos pères respectifs, lequel nous accueillait comme les fils qu’il n’avait pas , puisqu’en dépit d’efforts enthousiastes et répétés il n’engendrait que des pisseuses ( plus une bonne dizaine de bâtards de sexes indéterminés , inconnus et pas reconnus qu’il essaimât du temps ou il officiait comme mercenaire au Cambodge et en centre Afrique)


    L’endroit, doté d’un restaurant en rotonde ou l’on dinait à l'ombre piquée des brefs et tièdes scintillements dispensés en avare par de pudiques chandelles, paraissait, pour peu qu'on ne prétât attention à la quasi nudité des serveurs, parfaitement convenable, voire complètement anodin.

    Un salon bar décoré de laques bleues et de bois de roses accueillait le chaland. Une volée de marches menait au premier cercle de l'enfer , une discothèque singeant avec malice la folie baroque d'un petit théâtre à l’Italienne ou le sourd bourdonnement des ors tempérait le tapage des soieries rouges bordel.

    Le reste n’était que dédale de couloirs ouvrant sur des chambres faussement bourgeoises ou de vastes pièces nues aux sols jonchés d’épais matelas.

    Ai-je besoin de préciser que je ne quittais pas le bar, engoncé jusqu'au goitre dans des discussions de pochards, tandis qu’un David plus aventureux jouait les explorateurs de l’étrange un sourire musard aux lèvres ?

    « -Tu as une touche, gamin, me dit « Jean-de-la-lune », ce soir là ; et même une fort jolie touche!

    Bien que circonspect, mon œil radar s'alluma aussitôt.

    « -Tu te fiches de moi ? Non ! Ou ça ?

    « -Dix heure et quart ; le box prés de la colonne. Six mecs ; le tiens c’est le blondin.

    Je détournais la tête avec toute la discrétion dont j'étais incapable.

     


    Effectivement un très joli garçon athlétique et bronzé me souriait aves insistance.

    « -Tu connais ? Glissais-je à « Jean-de-la-lune ».
    « -Non, sont pas du coin. D'ailleurs la plupart ne parlent même pas français.
    « -Anglais ?
    « -Plutôt hollandais, ou un patois dans le genre
    .


    Nous étions bien avancés tant notre habilité à manier les rudes subtilités de l'Utrechtois-ablasserwaards touchait au néant absolu !

    Etrangement, plus je regardais ce garçon, plus je lui trouvais un visage familier.

    « -Peut être un client à toi ? suggéra « Jean-de-la-lune ».
    « -Je n’oublie jamais un client.
    « -Un ancien amant, alors !
    « -Je les oublie encore mois. Même les mauvais! Surtout les mauvais !

    David regagnant l'abreuvoir de son pas nonchalant, j'agrippais son bras et lui désignais le mystérieux gandin.

    « -Ecoute voir, mon amour, le mec, là bas, chemise blanche, yeux bleus ; sa frime te dirait rien par hasard ?

    David écarquilla ses grands yeux myopes, scruta l'obscurité du claque puis dans un haut le corps éclata d'un rire semblable à l'éveil d'une forêt vierge lorsque l'hystérie des macaques annonce l'approche d’un prédateur.

    « -Bien sur que je le connais ; se gondola t il. Et toi aussi d'ailleurs ! Il jouait dans le film de boules qu'on a maté la semaine dernière chez la Benguala

    Je me frappais le front du plat de la main.


    Bon sang, mais c'est bien sur !

    Le Cadinot's boy.



    Je me souvenais, en effet, d’avoir regardé vaguement et sans trop y prêter attention, un charmant conte pour enfants dissipés, au cours d'une soirée tapioles, tapas, téquila.

    Comment avais je pus oublier des ...yeux pareils ?

    « - Même que tu as dis que tu te le ferais bien, ajouta mon faux frangin, décidé à me crucifier telle une hulotte au porche d'une église Vendéenne. Alors, qu’est ce que tu attends, grande cheminée, tire donc !

    Le garçon à présent s'avançait vers le comptoir ; la démarche conquérante, un sourire 100.000 volts sur ses lèvres groseilles.


    Je pris la fuite entrainant à ma suite un David outré par mes vilaines manières.


    Nous gagnâmes le salon bar ou la musique plus discrète invitait au flirt et à la conversation.

    « -Ce n'était pas la peine de vous sauver ; je n'avais pas l'intention de vous manger. Du moins pas immédiatement.

    Une voix masculine, basse et amusée.
    Un parfum urbain, brutal et sensuel; une odeur de bitume et de café fort que réchauffait un frisson de réglisse.

    Je me détournais et reçu en plein visage un regard ou l'on ne voyait que du bleu.
    Frappé jusqu’au fond du cœur (d’une atteinte imprévue blablabla) je chancelais.

    « -Je ne me suis pas sauvé, bredouillais je piteusement. C'est mon pote là ; il ne supporte pas la fumée.

    David, occupé à allumer un robuste Vegas Robaina on ne peut plus Cubain, s’éboula en une quinte de toux admirablement feinte.

    « -C'est ce que je vois ; constata l'acteur goguenard. Vous permettez que je vous offre un verre ?

    Demande-t-on à un aveugle s'il veut voir ?

    J’acquiesçais, rougissant comme une rosière à l’heure de sa première saillie.

    Nous trinquâmes.

    Le garçon me sourirait de ses dents admirablement blanches.
    Je lui fis voir que les miennes n'étaient pas d’égueulasses non plus.

    « - Vous avez de très jolis yeux ; me dit il. D’un vert peu commun, presque translucide, avec une légère nuance de jaune.

    Plutôt que de lui retourner le compliment, je tentais une boutade.

    « - Le vert pour l’espérance, le jaune pour la cirrhose.

    Il rit par politesse avant de me demander mon prénom.

    A toute hâte je déclinais mon identité complète ; pour un peu je lui eus récité mon acte de naissance et mon numéro de sécu.

    « -Et toi ?

    Je m'attendais à un pseudonyme à la mord-moi- le- chose, du genre Kevin Hard ou Florian Hole.

    Il me donna un prénom français bien banal suivi d'un nom de famille qui ne l'était pas moins.

    « -Et que fait il dans la vie ce charmant Vania ?
    « - Je viens de signer avec un Tour Operateur. Je crée des circuits à la carte pour une clientèle haut de gamme, répondis-je.
    « -Tu ne me demande pas quel est mon métier ? S’enquit mon soudoyeur, moqueur.

    J'eus un geste de la main comme pour jeter du sel derrière mon épaule.
    Conjurons le mauvais sort et tout se passera bien.

    « - Oui, non ! Quelle importance ?
    « - Et bien, je vais te le dire quand même. Je fais des films.
    « - Ah, super, Melville, Cassavetes, Truffaut.

    Sans même m'en rendre compte, je ne citais que des cinéastes morts.

    « - Plutôt Cadinot. Tu connais J. D.C. ?

    Prétendre le contraire eut été stupide.

    « -Ca te dérange ? demanda t il en posant comme par inadvertance sa main sur la mienne. Que je sois dans " l'industrie ", je veux dire ?


    Plutôt que de jouer les vierges folles je mêlais mes doigts aux siens et décidais de me montrer sincère.

    « - Si je devais t’épouser, ça pourrait constituer un problème.

    Il se pencha vers mon visage, embrassa sans la moindre pudeur le coin de mes lèvres.

    Je me fis violence pour ne pas mordre au sang cette bouche gourmande.

    « -Pourquoi ? C'est un métier comme un autre et un fantasme très banal. De plus ça paie bien et j'ai la chance de pouvoir choisir mes partenaires. Ca vaut toujours mieux que le tapin, tu ne crois pas ?

    Je ne croyais rien du tout ; j'étais liquéfié par son charme.

    Intelligent, fin, sensible il était à mille lieues de l'image relativement malsaine que j'avais des professionnels de la profession.

    Mon trouble était tel que je ne savais plus vraiment ce que je faisais.

    « -Je crois que tu allumes ta cigarette à l’envers, me fit remarquer le joli cœur.

    Je grognais, tout autant agacé par ma propre maladresse que par la limpidité avec laquelle s’affichait mon émotion.

    « -Ma cigarette est à l’endroit. C’est ce foutu bar qui est à l’envers ! Répliquais-je.
    « -Trop bu ?
    « -Jamais assez.

    Ayant dit, je commandais une autre tournée.

    Les verres défilant, l’heure tournant me vinrent d’inévitables pensées salaces.

    Ca devait savoir se tenir, sous l’homme, un acteur de pornos.
    Ca devait pratiquer des trucs insensés, des agaceries inédites, des subtilités Mandarines, des raffinements de harems Ottomans.
    A moins que ça ne baise mécaniquement, comme on s’acquitte d’un boulot pas réellement fastidieux mais que la force de l’habitude rend monotone.

    Mon adonis interrompit mes rêveries licencieuses.

    « -Je peux te poser une question intime ?

    L’alcool aidant, je prenais de l’assurance, jouais les agents provocateurs.

    « -Chéri, tu as quasiment collé ta langue au fond de ma gorge. Je ne vois pas ce qui pourrait être plus intime.

    « - Et bien, demander à quelqu’un d’aussi ostensiblement gay ce qu’il fiche dans un club échangiste hétéro.

    Ostensiblement gay, il en avait de bonnes le poupon gonflable !

    A croire que c’était moi qui, la raie bienheureuse, ouverte ainsi qu’une huitre un soir de réveillon, me faisais sodomachiner face caméra.

    « -Le patron est un ami. Et toi ?
    « -J’accompagne des potes Bulgares. Tu sais ces mecs qui tournent des films pédés pour le pognon mais préfèrent les filles.
    « - On parle d’autre chose ?
    « - On parle d’autre chose !

    Nous devisâmes ainsi un moment agréablement ; jusqu'à ce David vienne me taper sur l’épaule.

    « -Je m’emmerde, je me barre, je vais au Queen. Tu gardes la caisse ? Tu prends un taxi ? Monsieur te ramène ?

    Mon acteur passa un bras déjà possessif autour de ma taille.

    « - Je le ramène.

    Il me ramena, en effet !


    Chez lui.

    L’appartement était minuscule mais clair et propre, le rosé frais, les cigarettes odorantes, l’acteur embrassait comme un dieu.

    Je ne sais comment je me retrouvais dans une chambre aux murs crépis jaune soleil, allongé tout nu sur la courtepointe aux motifs provençaux d'un lit de plumes, la bouche de l'adonis plus bas que mon nombril.


    Et c'est ainsi que se termine mon histoire.

    Non ?

    Vous en voulez encore ?

    Mais une question d'abord : Avez vous déjà couché avec un acteur de porno ?

    Non !

    Et bien moi non plus.

    A mesure que cet habile jeune homme s'en amusait, coquette rétrécissait.


    J'avais pourtant à cette époque le chibre fringuant et le derrière mutin, pourtant ce matin là tous deux affichaient le pavillon Suisse de la neutralité.

    Mon amant, si du moins je peux l'honorer de ce nom, ne pouvait se flatter, du reste, de meilleures performances.

    Après quelques amabilités réciproques restées lettre morte nous nous regardâmes en riant.


    « -C'est la première fois, tu sais ! me dit-il simplement.

    Je n’en doutais pas un seul instant.


    Manque de bol, il fallait que ça tombe sur moi.

    « - Qu'est ce qui t'arrives ?
    « -Je tourne encore cet après midi. et il n’est pas recommandé de baiser une veille de tournage. C’est nuisible à la qualité de la performance. Valable comme excuse, non ? Et toi, quel est ton problème ?

    Aucune gène ; aucune honte. Nos échecs mutuels nous rendaient complices, fraternels.
    « -Chais pas, le coté professionnel de la profession, sans doute. La trouille de ne pas être à la hauteur de tes partenaires habituels. On arrête les frais ?
    « -On arrête ! Mais je n’ais pas envie que tu partes. Je voudrais rester un moment, comme ça, avec toi .Je suis bien dans tes bras.

    Il enfouit son visage dans mon cou, se blottit contre ma poitrine.
    Il avait quelque chose de fragile et d'infiniment attendrissant ; quelque chose de perlé que l'on trouve à la sueur des enfants.

    Au moment de le quitter, alors que le soleil était déjà haut dans le ciel, il me rappela sur le pas de la porte et m'embrassa très tendrement.

    « -Dis moi beau gosse, ça te dirait de tourner dans une production adulte ?

    Je claquais gentiment sa joue.

    « -Avec toi ? Pourquoi pas. Ce sera le seul film de boules ou personne ne bande !

  • " L'adieu au guerrier."

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    J’étais à peine majeur lorsque je rencontrai le garçon pour lequel je commis ma première folie amoureuse.


    Nous l’appelleront « Le Pacha » puisqu’il répondait au grade de quartier maitre dans la marine nationale.


    Le terme de « Pacha » dans l’argot des marins désigne le commandant d’un navire. Or commandant de navire, il l’était comme moi danseuse nue au « Crazy Horse ». Cependant ce surnom me semblait parfaitement convenir à sa nature dolente comme à son gout prononcé pour la plus parfaite oisiveté ; je l’aimais en tous cas beaucoup plus que celui officiel de « Crabe » qu’il devait aux chevrons rouges de son insigne de grade rappelant les pinces d’un crustacé.


    Nous nous rencontrâmes au « Queen » ; un Dimanche si je me souviens bien ; aux temps bénis ou pour accéder à ce saint des saints nous classant définitivement parmi les gens « in » , nous acceptions , de bonne grâce, d’être traités comme les voyageurs du métro New Yorkais , un Vendredi soir veille de fête , à l’heure ou des milliers de bureaux vomissent dans la rue des centaines de milliers d’employés , ou certains , moins jeunes , moins jolis ou moins rusés que nous ne l’étions , payaient à prix d’or des consommations que les serveurs , distraits , leur apportaient ou non selon leur humeur .

    La nuit largement entamée, j’étais saoul à ne plus savoir comment je m’appelais ; mais pas au point de laisser échapper cet immense gaillard, les cheveux taillés ras ; la mâchoire carrée ; les yeux légèrement fendus en oblique d’un bleu intense et liquide dans lequel on aurait aimé nager vers la promesse d’une ile.


    Vêtu d’un pantalon à pinces de toile noire comme on en faisait plus depuis 1982, d’une sage chemisette blanche boutonnée jusqu’au col, il dansait gauchement parmi les folles à boas et les athlètes en strings, indifférent aux mouvements de la foule comme au rythme de la musique.


    Je le trouvais emprunté, maladroit, provincial ; bref terriblement attendrissant.

    « - On dirait Balloo du « Livre de la Jungle » ; se moqua David à mon oreille.


    Je lui assénais une petite tape amicale sur la joue.


    « - Dans ce cas, je veux bien être son Mowgli.
    « - En plus, tu as vu la touche ? Je te parie qu’il est hétéro ! objecta mon empêcheur de draguer tranquille.


    J’esquissais un sourire que je voulais insolent.
    « - Raison de plus !

    Hétéro, il ne l’était manifestement pas, puisque trente secondes plus tard, après avoir feints de trébucher contre sa large poitrine (« Pardon, je suis un peu saoul ») je titillais de ma langue le fond de sa gorge sans qu’il songeât à me flanquer l’avoinée que mon impertinence méritait.

    A la fermeture, nous l’embarquâmes ; sans nous soucier de lui demander son avis, ni de savoir s’il était accompagné ou non ; chez David, dont le père, producteur de cinéma, absent pour cause de tournage Africain ne risquait pas de venir troubler nos turpitudes : autrement dit dans l’appartement mitoyen de celui ou mon propre géniteur et son épouse feignaient d’ignorer les bacchanales orchestrées de l’autre coté de la cloison.

    Tandis que nos pseudos amis s’achevaient gaillardement à coups de shoots de Téquila et de rails de coke, « le Pacha » et « Mauvaise. Graine » s’enfermèrent à double tour dans la chambre d’amis ou, bien entendu, ils jouèrent à la bataille navale jusqu’au lendemain matin.

    Quoi qu’il en soit, quant à des raisons suffisamment évidentes pour que je m’abstienne de les énumérer ici, il ne me fallut pas mille ans avant de me découvrir amoureux dans toute la splendide inconscience, la merveilleuse voracité de mes dix huit ans.

    « Le Pacha » brulant des mêmes feux, s’en suivirent six jours de folle passion, passés essentiellement à faire l’amour avant que le glas d’un départ annoncé ne vienne tempérer nos priapiques ardeurs.

    Je vous épargnerais la litanie des « ne me quitte pas » et autres « mais je ne pourrai jamais vivre sans toi » que nous déroulâmes à plaisir telle la bobine d’un mélo-raclette ; nos adieux déchirants sur un quai de gare , ma course éperdue dans le sillage de ce train qui emportait mon amour vers Toulon, sachez simplement que si un jour on tire un film de cette histoire il faudra impérativement vendre des kleenex pendant la projection sous peine de voir la salle noyée avant la fin du premier quart d’heure.


    S’en suivirent deux semaines de correspondance tragique, de coups de fil désespérés, avant que je ne me décide, ma vie m’étant devenue intenable, Paris haïssable, à tout plaquer pour rejoindre mon homme aux rives de la plus belle des mers du monde.


    Mon Saint homme de père tomba des nues lorsque je lui annonçais ma décision.


    « -Tu es saoul ? Drogué ? Malade ? Tu me fais un poisson d’Avril au mois de Mars ?


    Je le rassurais aussitôt : jamais je n’avais été plus sérieux.

    « -Et de quoi comptes tu vivre à Toulon ?


    J’objectais que je trouverais un job. Après tout travailler ne devait pas être bien terrible puisque plein de gens s'y risquaient.


    Ricanement du paternel.


    « - Parce que tu sais faire quelque chose de tes dix doigts ! Voilà qui est nouveau.


    En dépit de ma mauvaise foi, je convins qu’il n’avait pas tort.
    « - J’espérais que tu accepterais de m’aider financièrement.


    Pour la toute première fois mon père me dévisagea avec sévérité.


    « - Tu es majeur, je ne peux donc légalement t’empêcher de partir si tel est ton désir. Mais sache que tu fais une énorme bêtise. Tu te crois grand, tu te crois fort, tu te crois amoureux d’un garçon que tu ne connais pas, tu te crois armé pour la vie à deux et ses petites misères, vas mon fils, vie ta vie, seulement ne compte pas sur moi pour t’aider à te fourvoyer ! Et puis Toulon, franchement ! Tu n’y tiendras pas huit jours !


    J’y teins huit mois.


    Suite au refus de mon père, je m’en allais pleurnicher auprès de mes tantes, lesquelles nourries de romans roses et de films Hollywoodiens, compatirent à ma misère, acceptant même de me doter d’un joli magot aux conditions expresses que je taise leur rôle dans mon escapade et que je promette de leur téléphoner tous les jours.


    Je partis donc d’un cœur léger et retrouvais mon « Pacha » avec transports, bien décidé à gouter sans limites aux délices d’un amour conquis de si haute lutte.

    Hélas, je ne tardais pas à réaliser que si j’aimais sincèrement « Le Pacha », l’amour, l’amour avec « Le Pacha », j’aimais encore mieux mon confort et mes aises et que la passion dans 20 m2 avec chiottes sur le pallier, eau chaude uniquement entre sept et huit heures du matin, lorsqu’en plus il faut se farcir les courses, le ménage et la bouffe ; cette passion là possédait un léger gout de rance auquel mon palais de fin gourmet ne s’accoutumait pas.


    Toulon ; mon père avait raison ; et j’en demande pardon aux Toulonnais si toutefois certains d’entre eux me lisent, n’est pas une ville bien agréable, ni bien folichonne.

    Bref je m’y emmerdais à cent sous de l’heure et ce n’était pas un semblant de milieu gay -composé pour l’essentiel d’un bar, « Le Texas », lui plutôt sympathique ; d’un resto dont par charité Chrétienne je tairais le nom et d’une boite, « Le boy z Paradise », ou des travelos de l’âge de ma grand-mère se produisaient sur des chansons d’Annie Cordy - qui risquait d’enjoliver mes humeurs maussades.

    Mon orgueil m’interdisant toute marche arrière je rongeais mon frein jusqu’à ce que « Le Pacha » ne vienne m’annoncer, le teint cendreux et l’œil humide, qu’il embarquait à destination de Djibouti pour une escale de six mois.


    Je ne me souviens pas de ce que je ressentis à ce moment précis ; sans doute un lâche soulagement ; mais voici ce que je notais dans mon journal intime à la date de son départ :

    « Il s’en va.
    Il part sur la mer indigo à bord d’un navire blanc fierté de notre marine Nationale.
    Il ne reviendra pas avant de longs mois.
    Destination Djibouti.
    J’ai regardé dans un Atlas ou ça se trouvait.
    C’est loin, très loin …….
    « Le Pacha » pleurait tandis qu’il me serrait à me briser contre son grand corps massif.
    Il disait des bêtises, il disait des guimauves.
    Il disait qu’il avait peur. Il ne savait pas de quoi. Il ne savait pas pourquoi.
    Il voulait me faire l’amour, encore une fois, avant de me dire adieu.
    Je l’ai trouvé laid comme un homme qu’on aime plus.
    « - Tu m’attendras, suppliait il, tu ne me tromperas pas !
    J’ai promis tout ce qu’il a voulu, mais in petto je me disais « Pars tranquille, mon grand, je n’ai jamais autant envie de te tromper que lorsque tu es là. »

    Le bâtiment emportant « Le Pacha » n'avait pas quitté la rade Toulonnaise que déjà j’embarquais pour Paris ou mon père me reçu sans un commentaire, sans un reproche.


    "Le pacha" m'écrivit des mois durant sans même que je daigne ouvrir ses lettres.


    Puis il téléphona.


    Je lui fis répondre que j'étais décédé dans la paix du Christ Roi.


    Parfois, il me plait à imaginer qu'il espère encore ma résurrection.


    En revanche au cours des semaines qui suivirent je refusais systématiquement de sortir avec tout garçon qui habitat à plus d'un jet de pierre de mon XVIème natal.