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truffaut

  • " Un professionel de la profession."

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    Lorsque vous fréquentez le monde interlope de la nuit, vous êtes amenés à rencontrer toutes sortes de créatures hautement improbables que vous n'auriez pas eut la moindre chance de croiser au soleil de midi.

     De fausses gloires en authentiques stars, de barons de la drogue en capitaines d’industrie, de fleurs du mal en illuminés, j’ai, au cours de ma vie, affronté à peu prés tous les mensonges de ce monde des merveilles ou même Alice et son lapin blanc eussent finis à la sauteuse.

    Ne manquait à ma collection qu’un acteur de pornos.

    Cette déplorable lacune fut comblée au cours d'une nuit d’Aout, maussade et poisseuse, dans une boite à Partouzes destinée à une clientèle hétéro.

    Mais que Diantre allaient donc foutre « Mauvaise. Graine » et son inséparable faux frère entre le quai de la Seine et le parc de la Villette, dans un Lupanar ou des gisquettes énervées du berlingot aguichaient moult membrus mateurs de moniches malapprises ?


    Nous visitions , ne vous déplaise , en curieux , en touristes , ceci à l’invitation du gérant , un adorable voyou, ami de jeunesse de nos pères respectifs, lequel nous accueillait comme les fils qu’il n’avait pas , puisqu’en dépit d’efforts enthousiastes et répétés il n’engendrait que des pisseuses ( plus une bonne dizaine de bâtards de sexes indéterminés , inconnus et pas reconnus qu’il essaimât du temps ou il officiait comme mercenaire au Cambodge et en centre Afrique)


    L’endroit, doté d’un restaurant en rotonde ou l’on dinait à l'ombre piquée des brefs et tièdes scintillements dispensés en avare par de pudiques chandelles, paraissait, pour peu qu'on ne prétât attention à la quasi nudité des serveurs, parfaitement convenable, voire complètement anodin.

    Un salon bar décoré de laques bleues et de bois de roses accueillait le chaland. Une volée de marches menait au premier cercle de l'enfer , une discothèque singeant avec malice la folie baroque d'un petit théâtre à l’Italienne ou le sourd bourdonnement des ors tempérait le tapage des soieries rouges bordel.

    Le reste n’était que dédale de couloirs ouvrant sur des chambres faussement bourgeoises ou de vastes pièces nues aux sols jonchés d’épais matelas.

    Ai-je besoin de préciser que je ne quittais pas le bar, engoncé jusqu'au goitre dans des discussions de pochards, tandis qu’un David plus aventureux jouait les explorateurs de l’étrange un sourire musard aux lèvres ?

    « -Tu as une touche, gamin, me dit « Jean-de-la-lune », ce soir là ; et même une fort jolie touche!

    Bien que circonspect, mon œil radar s'alluma aussitôt.

    « -Tu te fiches de moi ? Non ! Ou ça ?

    « -Dix heure et quart ; le box prés de la colonne. Six mecs ; le tiens c’est le blondin.

    Je détournais la tête avec toute la discrétion dont j'étais incapable.

     


    Effectivement un très joli garçon athlétique et bronzé me souriait aves insistance.

    « -Tu connais ? Glissais-je à « Jean-de-la-lune ».
    « -Non, sont pas du coin. D'ailleurs la plupart ne parlent même pas français.
    « -Anglais ?
    « -Plutôt hollandais, ou un patois dans le genre
    .


    Nous étions bien avancés tant notre habilité à manier les rudes subtilités de l'Utrechtois-ablasserwaards touchait au néant absolu !

    Etrangement, plus je regardais ce garçon, plus je lui trouvais un visage familier.

    « -Peut être un client à toi ? suggéra « Jean-de-la-lune ».
    « -Je n’oublie jamais un client.
    « -Un ancien amant, alors !
    « -Je les oublie encore mois. Même les mauvais! Surtout les mauvais !

    David regagnant l'abreuvoir de son pas nonchalant, j'agrippais son bras et lui désignais le mystérieux gandin.

    « -Ecoute voir, mon amour, le mec, là bas, chemise blanche, yeux bleus ; sa frime te dirait rien par hasard ?

    David écarquilla ses grands yeux myopes, scruta l'obscurité du claque puis dans un haut le corps éclata d'un rire semblable à l'éveil d'une forêt vierge lorsque l'hystérie des macaques annonce l'approche d’un prédateur.

    « -Bien sur que je le connais ; se gondola t il. Et toi aussi d'ailleurs ! Il jouait dans le film de boules qu'on a maté la semaine dernière chez la Benguala

    Je me frappais le front du plat de la main.


    Bon sang, mais c'est bien sur !

    Le Cadinot's boy.



    Je me souvenais, en effet, d’avoir regardé vaguement et sans trop y prêter attention, un charmant conte pour enfants dissipés, au cours d'une soirée tapioles, tapas, téquila.

    Comment avais je pus oublier des ...yeux pareils ?

    « - Même que tu as dis que tu te le ferais bien, ajouta mon faux frangin, décidé à me crucifier telle une hulotte au porche d'une église Vendéenne. Alors, qu’est ce que tu attends, grande cheminée, tire donc !

    Le garçon à présent s'avançait vers le comptoir ; la démarche conquérante, un sourire 100.000 volts sur ses lèvres groseilles.


    Je pris la fuite entrainant à ma suite un David outré par mes vilaines manières.


    Nous gagnâmes le salon bar ou la musique plus discrète invitait au flirt et à la conversation.

    « -Ce n'était pas la peine de vous sauver ; je n'avais pas l'intention de vous manger. Du moins pas immédiatement.

    Une voix masculine, basse et amusée.
    Un parfum urbain, brutal et sensuel; une odeur de bitume et de café fort que réchauffait un frisson de réglisse.

    Je me détournais et reçu en plein visage un regard ou l'on ne voyait que du bleu.
    Frappé jusqu’au fond du cœur (d’une atteinte imprévue blablabla) je chancelais.

    « -Je ne me suis pas sauvé, bredouillais je piteusement. C'est mon pote là ; il ne supporte pas la fumée.

    David, occupé à allumer un robuste Vegas Robaina on ne peut plus Cubain, s’éboula en une quinte de toux admirablement feinte.

    « -C'est ce que je vois ; constata l'acteur goguenard. Vous permettez que je vous offre un verre ?

    Demande-t-on à un aveugle s'il veut voir ?

    J’acquiesçais, rougissant comme une rosière à l’heure de sa première saillie.

    Nous trinquâmes.

    Le garçon me sourirait de ses dents admirablement blanches.
    Je lui fis voir que les miennes n'étaient pas d’égueulasses non plus.

    « - Vous avez de très jolis yeux ; me dit il. D’un vert peu commun, presque translucide, avec une légère nuance de jaune.

    Plutôt que de lui retourner le compliment, je tentais une boutade.

    « - Le vert pour l’espérance, le jaune pour la cirrhose.

    Il rit par politesse avant de me demander mon prénom.

    A toute hâte je déclinais mon identité complète ; pour un peu je lui eus récité mon acte de naissance et mon numéro de sécu.

    « -Et toi ?

    Je m'attendais à un pseudonyme à la mord-moi- le- chose, du genre Kevin Hard ou Florian Hole.

    Il me donna un prénom français bien banal suivi d'un nom de famille qui ne l'était pas moins.

    « -Et que fait il dans la vie ce charmant Vania ?
    « - Je viens de signer avec un Tour Operateur. Je crée des circuits à la carte pour une clientèle haut de gamme, répondis-je.
    « -Tu ne me demande pas quel est mon métier ? S’enquit mon soudoyeur, moqueur.

    J'eus un geste de la main comme pour jeter du sel derrière mon épaule.
    Conjurons le mauvais sort et tout se passera bien.

    « - Oui, non ! Quelle importance ?
    « - Et bien, je vais te le dire quand même. Je fais des films.
    « - Ah, super, Melville, Cassavetes, Truffaut.

    Sans même m'en rendre compte, je ne citais que des cinéastes morts.

    « - Plutôt Cadinot. Tu connais J. D.C. ?

    Prétendre le contraire eut été stupide.

    « -Ca te dérange ? demanda t il en posant comme par inadvertance sa main sur la mienne. Que je sois dans " l'industrie ", je veux dire ?


    Plutôt que de jouer les vierges folles je mêlais mes doigts aux siens et décidais de me montrer sincère.

    « - Si je devais t’épouser, ça pourrait constituer un problème.

    Il se pencha vers mon visage, embrassa sans la moindre pudeur le coin de mes lèvres.

    Je me fis violence pour ne pas mordre au sang cette bouche gourmande.

    « -Pourquoi ? C'est un métier comme un autre et un fantasme très banal. De plus ça paie bien et j'ai la chance de pouvoir choisir mes partenaires. Ca vaut toujours mieux que le tapin, tu ne crois pas ?

    Je ne croyais rien du tout ; j'étais liquéfié par son charme.

    Intelligent, fin, sensible il était à mille lieues de l'image relativement malsaine que j'avais des professionnels de la profession.

    Mon trouble était tel que je ne savais plus vraiment ce que je faisais.

    « -Je crois que tu allumes ta cigarette à l’envers, me fit remarquer le joli cœur.

    Je grognais, tout autant agacé par ma propre maladresse que par la limpidité avec laquelle s’affichait mon émotion.

    « -Ma cigarette est à l’endroit. C’est ce foutu bar qui est à l’envers ! Répliquais-je.
    « -Trop bu ?
    « -Jamais assez.

    Ayant dit, je commandais une autre tournée.

    Les verres défilant, l’heure tournant me vinrent d’inévitables pensées salaces.

    Ca devait savoir se tenir, sous l’homme, un acteur de pornos.
    Ca devait pratiquer des trucs insensés, des agaceries inédites, des subtilités Mandarines, des raffinements de harems Ottomans.
    A moins que ça ne baise mécaniquement, comme on s’acquitte d’un boulot pas réellement fastidieux mais que la force de l’habitude rend monotone.

    Mon adonis interrompit mes rêveries licencieuses.

    « -Je peux te poser une question intime ?

    L’alcool aidant, je prenais de l’assurance, jouais les agents provocateurs.

    « -Chéri, tu as quasiment collé ta langue au fond de ma gorge. Je ne vois pas ce qui pourrait être plus intime.

    « - Et bien, demander à quelqu’un d’aussi ostensiblement gay ce qu’il fiche dans un club échangiste hétéro.

    Ostensiblement gay, il en avait de bonnes le poupon gonflable !

    A croire que c’était moi qui, la raie bienheureuse, ouverte ainsi qu’une huitre un soir de réveillon, me faisais sodomachiner face caméra.

    « -Le patron est un ami. Et toi ?
    « -J’accompagne des potes Bulgares. Tu sais ces mecs qui tournent des films pédés pour le pognon mais préfèrent les filles.
    « - On parle d’autre chose ?
    « - On parle d’autre chose !

    Nous devisâmes ainsi un moment agréablement ; jusqu'à ce David vienne me taper sur l’épaule.

    « -Je m’emmerde, je me barre, je vais au Queen. Tu gardes la caisse ? Tu prends un taxi ? Monsieur te ramène ?

    Mon acteur passa un bras déjà possessif autour de ma taille.

    « - Je le ramène.

    Il me ramena, en effet !


    Chez lui.

    L’appartement était minuscule mais clair et propre, le rosé frais, les cigarettes odorantes, l’acteur embrassait comme un dieu.

    Je ne sais comment je me retrouvais dans une chambre aux murs crépis jaune soleil, allongé tout nu sur la courtepointe aux motifs provençaux d'un lit de plumes, la bouche de l'adonis plus bas que mon nombril.


    Et c'est ainsi que se termine mon histoire.

    Non ?

    Vous en voulez encore ?

    Mais une question d'abord : Avez vous déjà couché avec un acteur de porno ?

    Non !

    Et bien moi non plus.

    A mesure que cet habile jeune homme s'en amusait, coquette rétrécissait.


    J'avais pourtant à cette époque le chibre fringuant et le derrière mutin, pourtant ce matin là tous deux affichaient le pavillon Suisse de la neutralité.

    Mon amant, si du moins je peux l'honorer de ce nom, ne pouvait se flatter, du reste, de meilleures performances.

    Après quelques amabilités réciproques restées lettre morte nous nous regardâmes en riant.


    « -C'est la première fois, tu sais ! me dit-il simplement.

    Je n’en doutais pas un seul instant.


    Manque de bol, il fallait que ça tombe sur moi.

    « - Qu'est ce qui t'arrives ?
    « -Je tourne encore cet après midi. et il n’est pas recommandé de baiser une veille de tournage. C’est nuisible à la qualité de la performance. Valable comme excuse, non ? Et toi, quel est ton problème ?

    Aucune gène ; aucune honte. Nos échecs mutuels nous rendaient complices, fraternels.
    « -Chais pas, le coté professionnel de la profession, sans doute. La trouille de ne pas être à la hauteur de tes partenaires habituels. On arrête les frais ?
    « -On arrête ! Mais je n’ais pas envie que tu partes. Je voudrais rester un moment, comme ça, avec toi .Je suis bien dans tes bras.

    Il enfouit son visage dans mon cou, se blottit contre ma poitrine.
    Il avait quelque chose de fragile et d'infiniment attendrissant ; quelque chose de perlé que l'on trouve à la sueur des enfants.

    Au moment de le quitter, alors que le soleil était déjà haut dans le ciel, il me rappela sur le pas de la porte et m'embrassa très tendrement.

    « -Dis moi beau gosse, ça te dirait de tourner dans une production adulte ?

    Je claquais gentiment sa joue.

    « -Avec toi ? Pourquoi pas. Ce sera le seul film de boules ou personne ne bande !

  • " Serenade à Trois."

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    J’ai reçu le Week-end dernier, la visite surprise, d’un garçon plus qu’agréable à regarder, intelligent, subtil, drôle, cultivé ; un garçon que je connais depuis suffisamment peu de temps pour qu’il me manifeste, en lieu et place de cette condescendance amusée que me réservent mes anciennes relations, des sentiments extrêmement chaleureux.


    Nous appellerons, en toute simplicité, ce jeune et brillant apprenti scénariste/réalisateur, Truffaut.


    J’avais rencontré Truffaut au cours d’une soirée donnée par le père de David en l’honneur d’une vieille actrice chancelante car plus intéressée par le whisky que l’on servait au litre que par les oraisons, déjà funèbres, psalmodiées à sa gloire.

    Truffaut, probablement aussi saoul que l’aïeule du cinéma Français, m’avait abordé d’une boutade.

    « Ces fichus acteurs ne savent décidément pas réussir leurs sorties. Vous ne pensez pas qu’ils devraient accepter les hommages avant qu’il ne faille trois personnes pour les extraire d’une limousine ? »

    Troublé par la beauté lumineuse de cet inconnu, j’avais rit un peu trop haut- un vrai hennissement de jument menée à la saillie- ; or si l'on en croit un antique dicton Ukrainien , « Homme qui rit, à moitié dans ton lit. ».

    Soyons honnête, il n'aurait pas fallu me pousser beaucoup pour que je case les deux moitiés de ma grande carcasse dans le lit du bel impertinent s’il ne m’avait confié dans la foulée , être en ménage depuis des années avec un psy bien connu sur la place de Paris pour ses écrits filandreux sur la grave question existentielle du « pourquoi les homos aiment la bite ? ».


    Parce que c’est bon, connasse ! Pas besoin de nous en torcher trois cent pages à la mords moi la chose les soirs de pleine lune)

    Bref, sans trop de fleurs de rhétorique, Truffaut me laissa entendre que son penseur de mari et lui-même se seraient de bon gré partagé la mienne de bite, à condition qu’il y ait sur l’os, suffisamment de viande pour deux.


    Que la tronche du conjoint me revienne modérément m'incita moins au refus que le malaise - cette gène handicapante que l'on ressent lorsqu'on sait être au mauvais endroit au mauvais moment- que j'ai toujours éprouvé à m'immiscer dans l'intimité sexuelle de couples depuis longtemps constitués; aussi déclinais je cette généreuse proposition en perpétrant un mensonge si énorme que même Clara Sheller n’eut osé le commettre.

    « - Désolé jeune homme, je ne suis pas un adepte des plans.
    "- Comme ça tombe mal ! Saurais-je m’en remettre ?
    "-Très facilement, j’en suis certain. Du reste on ne doit pas souvent te dire non.
    "- Bien trop souvent à mon goût.
    "- Es tu donc si gourmand ?
    "-Es tu donc un tel ascète ?
    "- Non, mais j'ai du mal avec les garçons en couple.
    "-Tiens donc ! Et pourquoi les garçons en couple seraient ils plus dangereux que les autres ?
    "- Peut être parce que je craindrais de m'attacher à l'un plus qu'à l'autre.
    "- Donc le danger vient de toi, pas du couple ?



    Notre duel à fleurets mouchetés tourna court grâce à l’intervention de David, lequel me devinant en mauvaise posture, m’entraîna, sous un prétexte fallacieux, à l’autre bout du salon.

    Par la suite je croisais régulièrement Truffaut et son compagnon dans des soirées ou dans des bars. Nous échangions alors quelques platitudes sur un ton mondain de conversation sans qu’il ne soit jamais question de parties fines ou autres ribauderies.


    Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'à ce qu'un Truffaut affable et souriant se pointe à mon domicile tel un roi mage qui se serait trompé d'étoile, avec en guise d'offrande des chocolats blancs et des macarons roses.

    Il venait, dit-il, d’apprendre mon accident et me sachant cloîtré chez moi, il s’était permis d'agrémenter ma convalescence de quelques douceurs.


    Si vous pensez qu'il faisait par là allusion aux merveilles de chez Ladurée qu'il apportait, je me garderais de vous contredire mais à mon humble avis vous seriez dans l'erreur.


    Du reste mon aimable corrupteur dévoila ses intentions dés les politesses d’usage expédiées.


    « - Alors, on se marie quand tous les trois ?


    Bien qu’enrobée d’un sourire sur la grâce duquel Saint Pierre eut ouvert à deux battants la porte du royaume des cieux au plus tribard des sodomites, cette question me fit l’effet d’une provocation délibérée.


    « - Jamais ! Ça te va comme réponse ou tu veux que je développe ?


    Truffaut esquiva le coup de griffe d’un rire insolent.


    « - Oh ça va, ne me joue pas les Bossuet ! Madame se meurt, Madame est morte, Madame est outrée ! Que veux tu, je suis un sentimental moi, pas un romantique ! Est-ce ma faute si je m’exalte pour toi ?
    « - Je préférerais que tu t’exaltes pour ton copain.


    Nouveau rire moqueur, à croire que pour Truffaut je pouvais bien employer tous les mots du dictionnaire, ce serait toujours pour dire une connerie.


    « - Mais je peux m’exalter pour beaucoup de monde. Je ne recherche pas l’exclusivité.


    Il m’expliqua alors, détachant soigneusement les mots pour que l’attardé que je suis en comprenne bien le sens, qu’il ne croyait pas plus en l’amour qu’il ne croyait au couple. Il considérait d’ailleurs le mot « Amour » comme un maître mot assez vide de sens, un mot fourre-tout que l’on utilisait lorsque l’on ne savait pas qualifier ses élans, ses emballements. Il ajouta qu’il n’avait pas non plus une très belle opinion du couple à deux qu’il considérait comme un modèle social unique et oppresseur ; qu’il existait des formes bien plus constructives de « vivre ensemble » , que je n’était qu’un imbécile de n’avoir rien compris au film , qu’il me proposait non pas un plan à trois mais un « ménage » à trois , lequel ne se définissait pas comme une addition « 2+1 » mais comme un véritable partage à trois dans lequel les fluides circulaient dans tous les sens .


    Bref , bien si j'ai bien saisi; et malheureusement lorsque j'ai compris quelque chose on pourrait m'ouvrir le crâne en deux que je ne comprendrais pas le contraire ;il s’avérait que Truffaut et son psy sortaient d’une histoire de plusieurs mois avec un troisième larron lequel avait pris la tangente de peur d’être « trop amoureux » , laissant les deux compères dévastés quoique bien décidés à reformer au plus tôt « une association de bienfaiteurs » en forme de triangle isocèle , triangle dont j’avais été élu pour constituer le coté manquant .

    J’en restais sans voix et je l’avoue vaguement apitoyé.

    Je n’imaginais pas que l’on puisse se sentir aussi seul dans son couple, que l’on soit obligé de reporter son amour ou sa frustration d’amour sur un objet commun extérieur.


    Pimenter ses ébats sexuels en y invitant un nouveau venu ne me choquait pas, même si ma terrible jalousie m’interdisait de passer par une telle échappatoire (un mec qui oserait sous mes yeux toucher à l’intimité de l’homme que j’aime, mais moi, je le tue, je l’étripaille, je l’atomise, je le volatilise dans Paris façon puzzle !) ; en revanche, je refusais de me laisser utiliser, manipuler, réduire à l'état d'obscur objet du désir par un couple flageolant.


    En d’autres temps, en d’autres lieues, sans doute aurais je conseillé vertement à Truffaut d’aller se faire sodomiser par "Queue-d'ane" en place publique. Hélas , depuis mon accident et la quasi solitude qu’il m’impose , je me sens plein de compassion pour mes semblables , à croire que plus la vie est moche plus le cœur est bon .


    J’ai donc dit à mon vis-à-vis que je ne me sentais pas au cœur suffisamment d'amour à donner pour m'épanouir dans une liaison plurielle mais qu’en revanche je le trouvais , lui, assez séduisant pour envisager , le jour ou il serait libre……


    Il ne m’a pas laissé terminer ma phrase.


    « - Voilà un horizon bien lointain.


    Je me suis demandé s'il n'aimait pas sincèrement le psy lorsqu’il a ajouté, d’une voix étrangère, déjà en partance :


    « -Tu devrais pourtant le savoir, toi, que Rome ne c’est pas défaite en un jour.

  • " Chronique d'un dépucelage programmé." ( 2 )

     

    " Coulisses."

     

    zzzzzzzz-v-by-fxm94.jpgElle serpentait sous la scène, la rampe, le parterre, le foyer, allait se perdre dans des profondeurs ou le théâtre bougonnait ses humeurs capricieuses tel un très vieux cabot mâchant entre ses dents des paroles indistinctes, remontait brutalement vers les étages pour repiquer aussitôt suivant une pente vertigineuse en direction du hall sur lequel elle débouchait.


    Cette galerie alambiquée , entrecoupée de courts paliers, de volées de marches en colimaçons, de passages en arceaux ou il fallait se courber pour ne pas heurter de la tête les rouages d’une machinerie dont on ne savait trop à quoi elle servait, et que l’on appelait « Le Tunnel » comme s’il s'agissait d’une attraction de fête foraine ou d’un énigmatique boyau bruissant d’ombres et de périls qui aurait mené les plus téméraires jusqu’à une hypothétique salle aux merveilles, bien qu’elle fut encore éclairée par de faibles ampoules et soigneusement fléchée , n’était plus empruntée depuis qu’à la libération de Paris les F.F.I s’y étaient réfugiés pour échapper aux tirs Allemands.

    Je trouvais ce labyrinthe follement romanesque. Il me semblait, lorsque Stan m’y entrainait dans une course haletante contre le temps et qui se fichait bien des risques encourus, il me semblait que je galopais de toute ma vigueur dans la magie d’un film de Truffaut et qu’à tout moment, à l’angle de n’importe quel virage, Catherine Deneuve pouvait apparaître, retenant d’une main les velours incarnat de sa robe du soir lacérée tandis que de l’autre elle élevait vers un visage tendu de conspiratrice le feu brasillant d’une lampe tempête.

    Au plus profond du gouffre, presque ‘à demi dissimulée derrière les plaques de carton pate d’un décor Florentin représentant la silhouette en lambeaux de Santa Maria dei Fiore, une vielle banquette, rouge, pelucheuse, poussiéreuse, achevait de moisir . C’est sur ce siège douteux ou j’imaginais que tant de culs illustres avaient étalés leurs rondeurs satisfaites les soirs de Générale, que nous faisions l’amour, aiguillonnés par la hâte et la crainte, retenant nos cris, nos gémissements, nos fous rires, nous cassant la figure plus souvent qu’a notre tour , nous relevant aussitôt , salis, esquintés mais toujours disposés à continuer la bataille.

    On a peur de rien lorsqu’on a 15 ans et surtout pas d’un amour qui ne daignait pas montrer sa face suave et sotte de chérubin, puisqu’il n’était question entre Stan et moi que de sexe, enjoué ou sévère, brusque ou caressant, dépravé ou benoit, mais débarrassé des scories sentimentales avec lesquelles ni l'un, ni l'autre n'avions l'intention de nous compliquer l'existence.
    De sa vie en dehors du théâtre, je ne savais rien et ne cherchais pas à savoir.
    Seuls m’importaient les plaisirs que nous partagions et dont, une fois débarrassé de ma virginité comme on se débarrassé d’une corvée fastidieuse, je devenais chaque jour un peu plus dépendant, Stan comblant au centuple tous les espoirs que j’avais mis en lui. De là à ce que je me prenne pour Sarah gaillardement bousculée par Mounet-Sully dans des extases rococo-"1900", il n'y avait pas loin!

    Toutefois, s'il me restait encore quelques doutes concernant mes dispositions à préférer les garçons, l’obscurité chancie des coulisses d’un théâtre, les dispersa comme les rayons du soleil dispersent en gouttes de lumière le givre aux bouches des fontaines.

    J’étais pédé, définitivement pédé, ni fâché ni honteux de cet état, même si je n’exultais pas d’imbécile fierté, pédé à tel point que je raisonnais déjà en parfaite petite salope, rêvant parfois, tandis que Stan me prodiguais une de ces gâteries dont il avait sinon le secret du moins le talent de bien faire, à tous ces merveilleux garçons qui dés la rentrée repeupleraient Paris de leurs grâces équivoques et auxquels, à peine effarouché pour la comédie, cependant un rien trivial par gout de la fanfaronnade, je révélerais mes nouvelles et précieuses compétences.

    Ma candeur tout juste écornée, ignorait encore que rien, pas même la plus potinière des reines pédoques, et bien qu’il ne soit pas interdit de cumuler, n’est plus cancanier, clabaudeur, papotier, qu’une troupe de théâtre et que je me précipitais au devant d’une de ces bouffonnerie ridicule que la vie semblait prendre un vilain plaisir à me destiner , à moins que je n’eusse inconsciemment la malice de les provoquer moi-même.