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rome

  • "L'Eternel Retour."

    Revenir en photos, c'est déjà revevenir.

    Série " When In Roma..."

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  • « Ringkampf »

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    Andrea devint songeur au cours du déjeuner que nous partageâmes hier midi.
    Je m’abstins de lui demander à quoi ou à qui il pensait puisque de toute manière il ne me l’aurait pas dit.
    Du reste, les états d’âmes d’Andrea, à supposer qu’il en ait, m’intéressent assez peu.

    Andrea est un garçon secret dont les secrets s’étalent sur la place publique lorsqu’ils ne brandillent pas de rédaction en rédactions jusqu’aux colonnes des échotiers.
    Non qu’Andrea soit quelqu’un d’important.
    Il serait même une personne tout à fait falote s’il ne s’était attiré les faveurs de quelques personnalités de la politique et du show bizz.

    En Autriche ou il a vécu quelques temps, il s’est trouvé mêlé à un scandale national sur fond de ballets bleus, d’usage de blanche, de croix gammées, de résurgence de l'ordre de Thulé et de trafic d’influences.

    Je me souviens très bien de cette époque.

    J'habitais encore Rome.

    Chaque matin, en allant au bureau j’achetais le « Kruner » ou « Der Standard » au kiosque à journaux de Trinita dei Monti et m’en faisais traduire les passages intéressant par ma collègue Gia , une honnête et paisible mère de famille , catholique , bien pensante et atrocement médisante, atterrée autant qu'alléchée par des turpitudes dont elle ne comprenait pas qu’elles puissent m’intéresser à ce point .

    La vie politique Autrichienne, peu commentée en France, se révèle extrêmement riche en scandales de tous genres. Chaque parti, du plus conservateur au plus libéral, se trouve régulièrement au centre d’affaires, parfois cocasses, parfois dramatiques, toujours affligeantes.

    Népotisme, copinage aggravé, pots de vin, détournements, espionnage, affaires à caractère sexuel tissent, au pays de Strauss et de Romy, une sorte de contre-éthique que l’on regarde comme parfaitement naturelle au point que le débat public y est qualifié de « Ringkampf », c'est-à-dire combat de catch.

    Ainsi le protecteur et amant d’Andrea, membre du gouvernement Schlüssel, se vit il accuser, outre d’entretenir une liaison homosexuelle, pimentée selon certaines sources d’orgies sadomasochistes auxquelles participeraient des mineurs, mais aussi de sympathies néo-nazies et de coalition ayant entrainé des détournements de fonds estimés à plus de trois milliards.

    Durant six mois, comme vous l’imaginez, la presse s’en donna à cœur joie.

    Il n’était question que de penthouses New-Yorkais, de villas toscanes et de lofts azuréens ; de séjours paradisiaques sur des atolls privés aux Caraïbes, d’appartements loués à l'année dans des palaces de Sun City ou de Cap Town, d’avions particuliers affrétés le temps d’une soirée, histoire d’aller déguster ,en amoureux, une soupe d’orge aux cèpes et aux truffes chez « Armando » au pied du panthéon, d’océan de cocaïne et de minets flagellés aux accents martiaux de «Ein heller und ein Batzen », aimable bluette plus connue en nos vertes contrées sous le titre de « Heidi, Heido, Heida, La La La La La », dont les vertus aphrodisiaques ,sans doute fort efficientes sur des bedaines à bière , m’échappent complètement.

    Andrea, dans la ligne de mire, se vit attribuer une biographie plus ou moins fantaisiste qui d’adorable gigolo mondain, certes un peu voyou aux entournures, le transformait en suppôt des enfers, grand organisateur de partouzes bisexuelles à l’intention de la jet-set Française, pourvoyeur en chef de substances illicites pour le compte de cette même élite et gloire tricolore du « X » gay.

    Certes Andrea avait bien participé à une scène insignifiante dans un porno qui ne l’était pas moins, mais lui attribuer 400 films en trois ans ,dont certains à la limite du snuff touchait au délire pur, d’autant que l’unique objet du délit demeurait introuvable ,donc invisible, depuis que les droits en avaient étés acquis à prix d’or par une société fiduciaire domiciliée aux Caïmans dont on se demandait bien ce qu’elle comptait faire d’un film de boules tourné au caméscope à la lumière d’un briquet .

    Du reste, le soufflé retomba aussi vite qu’il était monté.

    Les trois milliards se réduisirent en une poignée de malheureux vieux millions, les bacchanales gays se transformèrent en une très banale histoire d’adultère, les accointances nazies passèrent pour une très patriotique défense de l’aryanité face à la croissance endémique de l’immigration et si Schlüssel fut contraint de démissionner –pour la seconde fois si je ne m’abuse- les autres s’en tirèrent avec au pire quelques blessures d’amour propre.

    Quant à Andrea il négocia, ma foi, fort finement, sa sortie de scène pour une somme dont j’ignore le montant mais que je soupçonne de cumuler les zéros puisqu’elle lui permit de s’offrir en plus d’un très joli bar, un appartement superbe dans les beaux quartiers.

    Voilà pourquoi hier midi, alors que nous déjeunions sous la verrière de « La Chinoiserie » je fus pris d’un fou rire incontrôlable en songeant qu’en somme, je ne couchais pas avec Andrea, mais avec Monica Lewinski.

  • " Profumi di Roma."

    zzzz-j-villa-borghese-05-08.jpgRome Printemps 2008.

    Comme j’avais dû lui faire de la peine.
    Comme je comprenais à présent à quel point ma légèreté, ma désinvolture, mon manque de discernement l’avaient blessé, tandis que mes sourires chagrins, mes baisers roses et melliflus, mes mines de chattemite, mes cajoleries patte pelues se heurtaient à son air cabochard, son mutisme dédaigneux, cette obstination rosse qu’il mettait à éviter mon regard, cet orgueil de commis aux ordres d’un chef calomnieux avec lequel il manœuvrait en cuisine, versant à dose égale et intervalles précis le jus roux d’un bouillon de bœuf dans le caquelon de terre bistre ou achevaient de blondir le riz, le lard, les échalotes, qu’il transmuerait d’une main illusionniste et inspirée en un superbe risotto au Gorgonzola , aux poires et au Gingembre .

    Cocufié, il m’aurait probablement tranché la gorge et balancé encore agonisant dans les eaux brunes d’un Tibre qui n’en pouvait plus de charrier des cadavres tumescents depuis les temps immémoriaux ou Latins, Sabins, Etrusques se partageaient les marécages de la plaine du Latium, hélas nul sang versé ne se montrerait assez abondant, assez noir, assez âpre pour laver l’affront subit.

    Que je revois Julien, dit « Beau. Masque », mon premier véritable grand amour, de passage quelques jours à Rome, que je lui serve de guide dans une ville aux multiples splendeurs et qu’il ne connaissait pas, Silvio pouvait encore, quoique d’assez mauvaise figure, l’admettre. En revanche que j’offris à ce même Julien les trésors insolites, ignorés des touristes comme de certains autochtones, d’une cité interdite aux profanes; secrets protégés, chuchotés, échangés sous le manteau comme ont eut échangé des pamphlets au temps des dictatures, secrets que Silvio dont l’ascendance Romaine remontait, selon ses dires, à Tarquin le superbe, m’avait transmis en gage d’amour eternel, dépassait son entendement comme ses possibilités d’absolution.


    Le plus curieux dans tout cela est qu’il avait envisagé, un instant, de faire lui-même à « Beau. Masque » les honneurs de sa Rome buissonnière, escomptant de manière très Latine que sa présence à nos cotés freinerait des rapprochements qu’il savait impossibles mais que par pur masochisme il s’échinait à estimer probables dés lors qu’entraient en jeu deux épidermes particulièrement réactifs, la douceur imprégnée d’amertume des retrouvailles, les traitrises férocement rayonnantes d’un printemps Italien qui déjà se parait des Gonfalons bravaches d’un été vociférant la promesse orageuse d’une ultime échauffourée. Et puis il s’était ravisé, sans raisons, sans explications, comme il eut plaqué un dernier accord aux touches d’un piano au beau milieu d’un concertino, me mettant en quelque sorte dans l’obligation de prouver sinon mon amour, du moins ma bonne foi en entrainant Julien sur les sentiers balisés des tours opérateurs.

    Il me connaissait bien, pourtant, depuis un an que nous vivions ensemble. Il ne pouvait prétendre ignorer que je ne faisais jamais que le contraire de ce que l’on attendait de moi.

    La jalousie, cependant, le tenaillait moins que la pensée obsédante, cruelle, perfide de savoir partagé par un autre un privilège que je lui devais, un peu à la manière d’un mari berné dont l’épouse se parerait des dessous chics qu’il lui aurait donnés pour séduire un rival.


    Les seules paroles qu’il ait daigné m’accorder à mon retour étaient, en l’occurrence, assez éloquentes.

    « -Tu as toujours ta bague ! Tu ne la lui as pas donnée ? Dommage !

    Cette bague, une topaze montée sur platine, Julien l’avait admirée sans retenir ma main dans la sienne plus longtemps que nécessaire.

    « -Mazette ma chère, il ne te refuse rien ! De mon temps, s’il m’en souvient encore, tu te contentais d’un minable anneau d’argent incrusté de turquoises. Fausses en plus les turquoises, je peux bien te l’avouer maintenant.

    « - Saloperie, tu mériterais que je te traine par la peau des couilles via Bocca di Leone, chez « Versace ».

    « -Toujours aussi cupide, « Mauvaise. Graine » ?

    « - Toujours des oursins plein les poches « Beau. Masque » ?

    Nous commençâmes notre périple par une visite de Santa Maria dell’ Orto dans le Trastevere, une église discrète, étriquée, coincée entre les bâtiments de l’ancien hôpital et les hautes façades d’immeubles modernes, mais dont le petit jardin ou poussent, vertes et vivaces , à l’ombre d’une cote de baleine aussi spectaculaire qu’incongrue, ex voto d’un marin au long cours soigné et guéri en cet hospice, des aromates, de mauvaises herbes et la « Latarella » , cette « terre crépie », sorte de pissenlit sauvage dont ne sauraient se passer les épaisses soupes de pays parfumées à l’os de jambon et à l’échine de porc, est un asile de fraicheur, de senteurs ,de couleurs; le camerlingue un homme exquis érudit, bienveillant ; le maitre autel supportant « La machine des Quarante heures » , structure complexe de bois précieux doré à l’or fin ornée de 213 bougies que l’on allume toutes au même instant le Jeudi Saint , une pièce unique signée Luigi Clémenti.

    Nous marchâmes ensuite une heure durant parmi les rues et les ruelles quasiment désertes en ce tout début d’après midi, interrogeant les symboles cabalistiques qui, aux frontons de certaines arches, portes, gorges ou portières prétendent révéler l’avenir aux Rose-Croix, écoutant le murmure des statues, le silence oisif des fontaines, nous marchâmes jusqu’à la villa Borghèse dont je voulais faire découvrir à Julien le délice Anglais des jardins en terrasses , la grâce frêle et vide du temple d’Esculapes, perdu au bord d’un lac romantique dont les eaux argentées bruissaient ,entre les racines des arbres, comme un refrain d’harmonica, mais aussi et surtout les collections de Scipion Borghèse auxquelles s’ajoutent, non moins remarquables, celles de la famille Aldobrandini.

    Plus qu’aux joyaux de Raphaël , Ghirlandaio, Le Corrège, Botticelli, Bruegel l'ancien, Le Caravage, « Beau .Masque » , Ajaccien poussé , insolent et profane entre les petites rues Sainte Claire et Saint Charles, contre le flanc rose Vénitien de la cathédrale même ou, deux siècles auparavant furent baptisées toutes les futures têtes couronnées d’Europe, se montra sensible à la nudité altière ,opulente , scandaleuse , de cette « vénus Impériale » due au ciseau d'un Canova inspiré par le charme sans égal de la princesse Pauline Borghèse née Paoletta Bonaparte, elle qu'avec indulgence et affection l'Empire surnommait "Notre Dame des colifichets » , elle ,la plus belle et, au grand dam de son auguste frangin ,la plus chaude femme de son temps, l’éclat nacreux du marbre blanc peinant d’ailleurs à tempérer, l’obscure aura de prédatrice sexuelle et la plantureuse sensualité Méditerranéenne du modèle .

    De la Piazza Napoleone ou nous nous trouvions, nous dominions, du Champs de Mars jusqu’à l’Aventin, la ville entière.

    Rome s’étendait à nos pieds, immense et lascive, austère et solennelle comme les longues limousines noires glissant silencieuses le long des artères du Vatican, vulgaire et hâbleuse telles les putains callipyges offrant leurs charmes bruns et laiteux , leurs rires éraillés de filles folles aux berges du vieux fleuve.

    Des hauteurs du Pincio, un escalier déboulait jusqu’à la piazza Del Popolo qui n’est pas selon l’idée reçue la « Place du Peuple » mais la « place du peuplier » puisque selon la légende un peuplier y poussa à l’emplacement du mausolée de Néron.

    Négligeant l’obélisque en granit rose d’Héliopolis et les églises jumelles de Santa Maria di Montesanto et Santa Maria dei Miracoli, j’entrainais un « Beau. Masque » déjà fourbu et gavé de bondieuseries, vers un espace de détente, de plaisir, d’harmonie que Silvio et moi, tous nos sens en émoi, visitions au moins une fois par semaine, « l’Olfattorio » de la via Repetta, à ma connaissance le seul bar à parfums au monde.

    Dans un décor épuré au froid tapi d’aluminium blanc, la boutique, crée par les sympathiques Renata De Rossi et John Gaidano ,offrait aux nez musards le privilège de s’émouvoir de plus de deux cent « essences absolues », permettait dans son grand Olflatorium, véritable conservatoire du parfum, d’assister à des cours professionnels n’excluant pas les profanes et de savourer au mini bar dans des calices de papier montés sur de fines tiges de plastique translucides les sortilèges d’arômes complexes aussi enivrants que cette « part des anges » que l’on respire à la frange châtaine des grands Cognacs .


    On venait à l’Olfattorio, pour y siroter une flute de mures d’été et de musc patchouli, une coupe de poussière de roses au cœur automnal de fruit secs et de pétales doucement fanant sur un fond de cannelle et d’encens, un grand verre de diabolo rose, pétillant de toute la verve de la menthe poivrée et de la Bergamote de Sicile , comme en un five o clock dans le boudoir d’une cocotte , une tasse de rose praline aux accents chaleureux de chocolat noir et de Lapsang Souchong ou, masculin en diable, un cocktail de citron , de vanille , de mandarine et de cuir, mais aussi pour y choisir , voire y composer un parfum de circonstance ; celui d’un premier rendez vous ou d’un dernier baiser.


    Ravi comme un gourmand dans une chocolaterie, « Beau .Masque » oiselait de terres d’épices en jardins imaginaires, voyageait de Badiane Chinoise en Frangipane de Calabre, redécouvrait la saveur lactée des premières figues, le gout poisseux des tartes à la confiture, s’illuminait d’ambre gris et du velours noir des tubéreuse, tandis que j’échouais à retrouver le « chaud –froid » mordant , les soleils de glace de cette eau de violettes et de piments , d’Absinthe et d’Angéliques, crissant de cassis bleu, crépitant d’aiguilles de pin que j’aurais aimé offrir à Silvio en gage de reddition .

    Certains couples se séparent à cause d’un mensonge, d’une trahison, d’autres par lassitude ou par ennui, Silvio et moi nous sommes quittés pour l’insolente simplicité d’une note éblouie de mimosa, de mandarine rouge et de bois blanc qu’un « Beau. Masque » taquin déposa derrière mon oreille et sur mon cou, mouche au rosier.

    Mais qu’importe la raison ou l’absence de raisons puisque je ne regrette rien.

    Silvio ne m’aimait plus et Julien était beau.