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" Folle à Tuer "

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Marissa séjourne à Paris pour toute une semaine.

 

 

 

Je dois passer la soirée - la nuit devrais je écrire car nous ne serons certainement pas couchés avant potron-minet - en sa compagnie et celle de David .

 



Bien que je n'ais pas la plus pauvre idée du programme des réjouissances,j'en rougis par anticipation.

Va nous mettre une honte grosse comme le Ritz , l'Amerloque !

Car Marissa est folle.

Folle à lier.


Folle à enfermer.

Folle à tuer.

Folle à ouvrir son corsage en plein salon de thé afin de vous faire admirer ses somptueux nouveaux nibars : « Touche, sweety pie. Ce sont des amazing mousses Japonais. Juste comme des vrais, n’est ce pas ? »

Folle à s’atteler au sortir d’une nuit enneigée, à la benne d’un camion- poubelle et à faire en cet équipage, trois fois le tour de l’Etoile.

Folle à coincer la tête d’une rivale dans la cuvette des toilettes d’un restaurant de prestige et à tirer plusieurs fois la chasse d’eau.

Folle à conduire une décapotable à tombeau ouvert sur la route infernale qui, de Muholland déboule en cataractes de lacets jusqu’à Coldwater Canyon, tandis qu’elle dégomme à coups de « Smith & Wesson-Lady Smith » les lumières de Los Angeles qu’elle prend ,dans son délire éthylico-narcotique ,pour les yeux jaunes-orangés de chacals enragés.

Folle à porter des manteaux de loutre par trente cinq degrès ,des lunettes de soleil à minuit,des capelines de gaze sous la pluie.

Folle à organiser des bals règence sur des plages de schistes volcaniques, des pique niques de caviar et de langoustes dans les ruines de la forteresse El Alcazaba, au Sud de l'Espagne .

Folle à claquer des millions pour les beaux yeux d'une intrigante se prètendant princesse russe ,alors que nul n'ignore que la soi disant Altesse sort d'un bordel de Riga

Folle à coucher avec un homme parce qu’elle le trouve effroyablement laid, quasiment monstrueux et que ça l’excite.

Folle à tomber amoureuse folle d’une folle et à s’en faire épouser.

Cependant, Marissa est de toutes les amies de ma mère –en règle générale un ramassis de putains vipérines et maniérées, mariées à des cocus magnifiques et richissimes- la seule pour laquelle j’éprouve de la sympathie, voire même une certaine affection.

Je ne sais pas du tout quel âge ce danger public peut bien avoir car elle fait partie de ces privilégiées dont le plasti-magicien réalise des miracles. Selon la diffusion de la lumière et le maquillage qu’elles porte, Marissa, dans ses bons jours,parait à peine aborder le versant roussoyant d’une trentaine épanouie.

Ma mère, toujours bonne copine, prétend que Marisa est plus vielle que Catherine Debeuve et sans doute, pour une fois, dit elle la vérité, puisque notre Américaine épousa sa pédale au milieu des années Soixante.

Issue d'une vieille famille de Philadelphie aussi fêlée que la seconde « Liberty Bell » dont Les membres fondateurs prétendaient avoir financé la fonte; Marissa étudia la linguistique au sein du prestigieux Pembroke collège de l’université de Brown.

Elle y coula des jours studieux face à l'immense baie de Narragansett et ses îles pareilles à des monstres échoués; des jours mondains,courtisée qu'elle était par la bonne société de Rhodes Island; des jours de régates et de parties de tennis, de randonnées et de baignades improvisées dont elle percevait encore à travers la brume des années enfuies, a peine engourdi, comme bercée d'une bienheureuse indulgence, le joyeux tintamarre .

Agée de tout juste vingt ans à l’époque, cette vierge professionnelle fuyait pourtant la compagnie intime des hommes comme elle eut fuit la peste noire ; se déguisait en quakeresse afin de dissimuler aux appétits des chiens et des loups, une beauté nerveuse et racée qu'elle portait comme un cilice.

C'était ne pas compter sur les yeux affutés d’un Frenchy, assistant au département des langues étrangères ; lesquels yeux, bien qu'aimantés par des charmes d'une toute autre nature, savaient reconnaitre un Modigliani fut il chancit et rayé.

Intrigué par cette étrange personne, dont il humait les déviances avec un flair de braque, ce bel homme, pédé notoire et assumé, entreprit de la pêcher, telle une carpe d'or dans un trou de rocher.

Au bout de quelques semaines d'intimité bavarde, il n'ignorait plus rien de son dégout de la chair; de la sienne propre moins encore que celle des autres,  de cette obsession dangereuse d'un idéal désincarné qui la consumait jusqu'à l'hébétude.


De son coté, il ne lui cacha rien de ses turpitudes.

New York, cette « ville debout », venteuse et saline lui communiquait, disait il, sa détermination océane et houleuse ainsi qu'une furieuse envie de baiser.

Par bonheur, les lieux destinés aux homos foisonnaient au cœur de l'East Village.


Dans les bars de Christopher street, aux noms évocateurs ; tels « The Leather Man » ou « The Cockring »; des hommes à la poitrine en barrique, aux torses suants, dansaient à demi nus, mêlaient leurs langues et leurs bouches velues, s'aspergeaient mutuellement de bière tiède qu'ils léchaient en rigoles de la pointe des seins jusqu' au creux du nombril.

Plus au sud, vers les docks, un gigantesque entrepôt pour camions et semis constituait le plus vaste et le plus dangereux baisodrome de la ville.


Le Français avouait, sans fausse honte, y avoir passé des heures à se faire

défoncer entre deux monstres d’acier, par des garçons dont il ne voulait connaitre que les haleines mourantes sur son cou.

L’homme évoquait cet enfer comme il eut dépeint un Disneyland d'orge et de pastels.


Il magnifiait ces aubes blanches levant sur l'étain de l'Hudson River , alors qu’ il rejoignait son hôtel , ivre de fatigue et de foutre , les jambes trempées d'une pisse qui n'était pas la sienne ; un reste de joint lui brulant les doigts ; l'âme tellement souillée que toute rédemption devenait impossible .

Etrangement, les récits dont il maculait leur amitié naissante,semblaient fasciner Marissa. Elle s'inquiétait des détails les plus sordides. Elle poussait le Français dans ses derniers retranchements afin qu'il avoua l’inavouable. Ces festins d’immondices la laissaient dolente, apaisée, la peau cireuse et l'œil creusé de mauve.


Bientôt, elle exigea d'accompagner son nouvel ami dans ses tribulations New yorkaises.


Il y consentit à condition qu'elle se laissât transformer.

Des mains du Pygmalion naquit une femme androgyne, théâtralement fatale qui ne consentait à porter que du blanc, du noir et l’or servile des barbares.

Elle s'aimât un peu dans cet apparat.

Lui, l'aurait voulue chaque soir différente, polymorphe, polychrome, femme réinventée, détournée, déviée ; somptueux rêve de folle perdue.

Passionnément, il lui composait des visages, des silhouettes, des personnages.


Parfois, nuque rasée, l'œil noyé de khôl, la bouche vermillon en smoking Saint Laurent, elle incarnait les flamboyantes garçonnes des rugissantes années 20.


Parfois le cheveux flou , les paupières argentées sous des sourcils en forme d'oiseau lyre , les joues mâchurées d'un rose que même Schiaparelli eût trouvé " schocking, en étole d'hermine et fuseau nacré , jusqu'aux genoux bottée de Cordoue blanc,elle évoquait la Marlène équivoque des fantasmes russes de Von Sternberg .

Elle le laissait s'amuser, indifférente comme une poupée que l'on berce.

Très vite, ils parurent dans le monde ou leur duo connut le succès d'une attraction de Music hall ; lui long Lys éclatant au charme continental coupé d'arsenic ;elle aussi froide, étincelante et tranchante qu’une dague Japonaise.

L’Amérique aime les monstres, lorsqu'elle ne les crée pas, aussi furent ils fêtés dans des fastes princiers ; la fortune personnelle de Marissa assurant les inévitables retours d’ascenseur.

Ils se marièrent au printemps suivant.

Lui par strict intérêt financier.

Elle par folie amoureuse.

 

 

 

Commentaires

  • C'est un retour ? Un bon en tous cas :) .

  • un retour sans doute. Un eternel retour, je crains bien que non

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