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" Strangers when we meet!'


zzz-vania-portrait.jpgJe le rencontrais par hasard et je ne fis rien pour chercher à lui plaire.

L’homme de ma vie, de mes vies, de toutes mes vies !

Ma vie réelle, ma vie rêvée.


Ma vie en grisaille, ma vie en enluminures.

Ma vie cassée nette, figée dans la bulle d’Ambre d’un passé que rien ne parvient à ternir.

Ni l’affection  de ces chatons un peu Angora, un peu fleurs de rocailles, partageant, parfois , mes internelles insomnies ; ces jeunes hommes fragiles , incomplets, parant du beau , du grave nom d’ « amour » ce qui n’est au fond qu’un marivaudage de chambre à coucher ou grisés d’émois inédits, le cœur estafiladé de bénignes écorchures, ils quêtent derrière le masque badin dont se pare mon ennui, la consolation de leurs chagrins à venir .

Ni ces nuits rouges tissées de sperme et de sueur ,de cuir et d’acier, lorsque mon corps , dépecé jusqu’aux nerfs,q uémande l’avilissement , la crasse , l’éclaboussure ; implore des mains grenues , des bouches crues, des liqueurs d’infamie ; chancelle de mercenaires sans prénoms en condottières sans visages .


Ni le temps, cette imposture qui dévaste, raye et chanci les toiles les plus éclatantes.

Rien.

J’étais heureux avant de le connaître.

Gavé de béatifiques certitudes, j’aimais Julien, Julien m aimait.


Tout était simple.


Le temps des aventures plurielles me semblait révolu, même s'il arrivait que mon œil s'embrasât encore au passage de quelque bouleversant spécimen à la musculature avantageuse et au crane rasé.


Je ne voyais, du reste, aucune contradiction à regarder les garçons, à vivre totalement immergé dans le Milieu alors qu’un seul homme allumait de prodigieuses aurores au ciel de mon lit.

Et quel homme

Le plus beau, le plus brun, le plus fou, celui qui aux terrasses du Marais faisait lever tous les regards.

Qu’il m eut choisi, moi parmi la meute de ses prétendants, m’enivrais de vanité, m’exilais au sommet d’un empyrée ou nul prince n’était mon cousin.

J'éprouvais une fierté imbécile, lorsque nous nous promenions d’un pas accordé, nos doigts emmêlés et que je surprenais dans la moire tremblée des vitrines, le reflet du couple lumineux que nous formions, si jeune, si insolent, si rayonnant de vie qu’il retentissait comme une insulte, un blasphème à la face des affligés.

Jamais je n’aurais imaginé quitter un jour Julien.
Et surtout pas pour un garçon qui ne me plaisais pas et n’étais pas mon genre, à tel point qu’il me fallu des semaines pour me rendre compte de son existence.

Il venait tous les soirs, parfois seul, parfois accompagné d une bande de gentils comiques, dans un bar ou je prenais tellement mes aises que je passais plus de temps derrière le comptoir que devant.
Sans doute m’est il arrivé de le servir lorsque je donnais la main au patron.
Quoi qu’il en soit, je ne le voyais pas.

Non qu’il fut insignifiant ou même laid, loin de là.

A vingt ans, ce Provençal monté de son Midi faire l’acteur à Paris, possédait la grâce duveteuse d’un petit animal que l’on se plait à caresser, des yeux d’un bleu de porcelaines et un sourire tout en fossettes dont la timidité révélait plus qu’elle ne cachait. Simplement, rien dans son physique, ses attitudes, ses manières de chien fou ne parvenait à accrocher mon œil vagabond.

Il m’intéressait d'autant moins, que je trouvais peu harmonieux le contraste que son corps massif, vigoureux de sportif accompli, formait avec son visage de poupon encore nourri à la Blèdine.

 

En sommes, il me paraissait joli mais disgracieux.

Joliment disgracieux.

S'il ne me parlait pas autrement que pour me dire " Bonsoir, un whisky coca, s'il vous plait " en revanche, son regard ne me lâchait pas une seule seconde.

Cette admiration béate ne me flattait qu’à demi, habitué que j’étais à ce que les hommes succombent au tir groupé de mes yeux verts de Jade.


Encore, ces pamoisons les avais je désirées, sollicitées, provoquées puisque mon orgueil mal placé, m’interdisait de prendre dans mes filets de rétiaire un adversaire vaincu d’avance.

Les copines se moquaient.

 


Un peu.


Du bout des crocs.

" - Tu as vu ? Ton béguin est encore la ! Sainte Rita du Charlat, comment il te balance ses chasses !!!

"- Mon béguin ? Mon boulet vous voulez dire !La con de ses morts ; il ne sait pas que je suis maqué et fidèle, moi

Mes braves courges se gondolaient de plus belle !


La « Mauvaise . Graine » fidèle, on aurait vraiment tout vu au ciel de Paris.

Si au moins celui que par moquerie nous surnommions « Manon des sources » en raison de son accent teinté de lavande et de pèbre d’ail, m avait abordé, la situation eut été éclaircie.
Je lui aurais, alors, expliqué que ma chair ferme et dorée n’était pas destinée à ses dents de lait et lui aurait conseillé, courtoisement quoique sèchement, d’aller croquer à d’autres fruits.

Mais non, monsieur se taisait ; monsieur se contentait de me regarder avec des yeux si énamourés qu’ils faisaient baisser les miens.

J'en parlais à Julien, lequel prit la chose à la subtile rigolade.

Il n empêche que l’affaire tournait au running gag.



Plus embarrassé par cette situation que je ne voulais bien l’admettre, je chargeais ma ravichiante de choper le gamin et de lui mettre les points sur les I, les barres sur les T.
Diligente et rusée, Sandra s’acquitta haut la main de sa mission.

« -Tu lui as dit que je sortais avec Julien ?
« - Attends, Bourdos, il n’y a que les Macchabés pour l’ignorer. Tu ne sais plus faire une phrase sans y coller Julien ! Julien par ci, Julien par là !
« -Tu lui as dit que je ne cherchais pas d aventures ?
« -Il ne veut pas d aventures.
« -Qu’est ce qu’il veut, alors ?
« -L’amour, chouchou, cuisine et dépendances ! Il prétend que dès l'instant où il t'a aperçu il a su que tu étais l’homme de sa vie et qu’il était l’homme de la tienne. Il est persuadé que temps joue en sa faveur et qu’un jour, tu viendras à lui.
"-Pour lui Peter la tronche, oui ! Oh la putain de ma mère, je suis tombé sur un cinoque !

 Cinoque ou clairvoyant, je ne sais !

Le fait est que, quelques mois plus tard, j’étais amoureux de « Manon des Sources ».

Amoureux comme je ne l’avais jamais été auparavant.

Amoureux comme je ne l’ais plus été depuis.

Amoureux comme je ne le serais, probablement, plus jamais.

 





 

Commentaires

  • "jamais" : ce mot m'exaspère !

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