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Nombril

  • Ivresse Slave et nostalgie Italienne .

    vania siamois mouvement.jpgLe voici revenu, ce spleen insaisissable, qui me fait du chagrin, et dans cette même tristesse, sans raisons apparentes, tel le soleil perçant soudainement les nuages, devenir d’une gaité folle. Je passe ainsi du rire aux larmes tels ces jours merveilleux du petit printemps ou la pluie, le soleil, les nuages se disputent le ciel.
    On a suffisamment glosé sur la nostalgie éperdue d’une âme slave, germée sur le terroir culturel et imaginaire d’un pays blanc virant au rouge ; une nostalgie d’émigrants, d’apatrides, faite de longues et flexibles phases de mélancolie versant immanquablement dans une frénésie, une exaltation quasi tsigane, pour que je m’abstienne d’ajouter ma voix au chapitre.
    « A force d'entendre
    Tous les gens me prendre
    Pour un russe authentique
    J'en ai tous les tiques
    Je vis de zakouski
    Je bouffe des piroschki
    Je bois de la vodka
    Au milieu des r'pas »
    Chantait Boris Vian.


    J’ai picolé, ce soir, un peu plus tôt que d’ordinaire, beaucoup plus que d’ordinaire.
    La faute à mes " Demoiselles avec ou sans ailes".
    Elles savaient bien ce qu’elle faisaient, les diablesses, lorsqu’elles m'adresserent par courtier deux bouteilles de Muscat blanc de Livadia cuvée Massandra .
    J’ai souri en découvrant les flacons ventrus enveloppés dans du papier de soie.
    Je ne suis pas bien portant ces jours derniers, personne ne l’ignore. Or dans le carnaval de nos rituels familiaux, une tradition veut que l’on se soigne d’abord par l’ivresse, avant de recourir, si besoin en est, à la chimie.
    Naïves hirondelles, mes tantes ignorent que j'ai besoin du fracas des discothèques, du tumulte des banquets, des éclats de diners entre amis pour que mon ivrognerie se change en comédie légère. Seul dans un appartement trop grand pour moi (David est parti je ne sais ou, baiser je ne sais qui) je crains que l’ivresse ne me conduise aux rives de la déprime plus rapidement que Moïse ne conduisit les hébreux aux rives du Jourdain.
    Mais comment résister aux attraits d’un Livadia cuvée Massandra lorsqu’on a à peut près autant de volonté qu’un poulpe mort d’amour dans un trou de rocher ?
    Plus qu’un vin, ce blanc multé aux chauds reflets de topazes est un nectar, un breuvage digne de l’olympe dont chaque gorgée vous raconte une histoire.
    Une histoire Russe, donc une histoire folle.
    Son histoire.


    PETIT COURS D’ŒNOLOGIE A L’EGARD DE CEUX DESIRANT CONJUGUER ALCOOLISME ET CULTURE.

     


    .
    « Le domaine de Massandra se situe sur la côte Criméenne de la mer Noire, non loin de Yalta.
    Fondés par le Tsar Nicholas II en 1894 pour fournir la cour royale, les vignobles furent exploités par le Prince Lev Sergeivich Golitzin, œnologue réputé et éminent collectionneur. A sa mort ce dernier légua ses trésors au domaine donnant naissance à la « Collection Massandra », une mosaïque de grands crus uniques au monde. Lorsqu’éclata la révolution d’Octobre, la collection fut soustraite à la convoitise des bolcheviks et cachée dans des caves discrètes ou l’armée rouge, qui d’ailleurs ne la cherchait pas, la retrouva en 1920.Sur ordre de Staline tous les vins entreposés dans les palais des Tsars furent alors ajoutés aux merveilles de Massandra. En 1941, par crainte de l'avancée de l'armée allemande, la Collection fut à nouveau déménagée et ce n’est qu’à la libération de Yalta en 1944 que l’on put entreprendre la tache pharaonique de rassembler les centaines de millier de bouteilles éparpillées à travers le pays.
    Aujourd’hui la « Collection Massandra » est reconnue comme la plus ancienne collection de vins vieux au monde (le plus âgé de ses millésimes, un « Jerez de la Frontera » fut mis en bouteille en 1775).Il va sans dire que les experts considèrent Massandra comme un trésor national. »

    FIN DU COURS MAGISTRAL

     



    En résumé, ce pochetron de Vanini-Vaniania s’est sifflé, sans remords ni complexes, un litre et demi de trésor national en moins de deux heures.
    Résultat de ce brillant exploit, le voici plus éméché qu’un bataillon de cosaques après la victoire, occupé à se pencher sur son passé décomposé et prêt à tomber la tête la première dans la plus slave des mélancolies.
    Je ne sais si tous les chemins mènent à Rome, en revanche il est certain que ceux qu’emprunte mon vague à l’âme s’y précipitent sans escales.
    Ainsi, si proche encore et pourtant perçue à travers la brume des jours enfuis, me reviens la douceur dangereuse de ces débuts de soirées Romaines, lorsque nous nous retrouvions, par paires d’amoureux, à la terrasse d’un café du Trastevere pour y prendre l’apéritif.
    Nous dégustions des « Dirty Martinis » servis dans des vasques de verre bleu qu’on appelait " piscines ".
    Celui qui en buvait plus de trois terminait aux urgences.
    Ces crépuscules ivres étaient moments de pures délices. Malgré le ciel instable, l’air sentait l’été. Les derniers rayons du soleil séchaient la courte et violente averse de l’après midi,enchantaient les façades blondes des anciens hôtels particuliers,animaient une vie pourpre aux muscles des atlantes, une respiration dorée aux seins des cariatides. Les fontaines scintillaient d un murmure voluptueux. Les platanes soupiraient toute la nostalgie qu’ils avaient du temps des Triomphes. Parfois , une mouette , égarée , venait parler ressac et bains de mer .Aux terrasses des vacances , on croquait des pralines , des petites olives noires à la chair ridée et vinaigrée , des croutons frits tartinés d'un hachis d ail et de basilic ; tout en repoussant mollement l'assaut des vendeurs de roses , de jasmin , de prophéties , d' images pieuses ou de mauvaise conscience . On élucubrait sur les potins de la veille, on riait pour des bêtises, on refaisait le monde.
    Ce voyou qui ressemblait à mon amour me tenait la main sous la table.
    Le parfum incarnat dont se parait la seule femme du groupe nous enveloppait de sa chaude et vibrante caresse.
    Les yeux noirs du "Gitan" prenaient une consistance diamantine dans le crépuscule violine.
    Nous avions l’âge de nos amours, nous étions des pré-trentenaires en état d’adolescence, en état de grâce, en apesanteur.
    Dans le Trastevere ou certaines ruelles sont si étroites que le soleil n'y entre jamais , le voyou m'a embrassé en secret .Puis il m'a conduit jusqu'au Ponte Milvio , un charmant pont Romain du IIeme siècle avant Jésus Christ ,ou il m'a éxpliqué que pour qu'un amour ne finisse jamais il fallait accrocher un cadenas à la chaine du lampadaire central.
    Il a fermé le cadenas d'un tour de clé sec.
    Il a jetté la clé dans le Tibre.
    iL a dit que desormais nous étions enchainés l'un à l'autre , que rien ne pourrait jamais nous séparer.
    En Juillet 2007 le reverbere a rompu sous le poids de la féraille qui le chargeait.
    Le Tibre charrie encore des milliers de clés rouillées et mon coeur à la dérive.
    J’ai  passé le cap des trente et je ne suis plus amoureux.

    Comment voulez vous que j'oublie?