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  • « Ringkampf »

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    Andrea devint songeur au cours du déjeuner que nous partageâmes hier midi.
    Je m’abstins de lui demander à quoi ou à qui il pensait puisque de toute manière il ne me l’aurait pas dit.
    Du reste, les états d’âmes d’Andrea, à supposer qu’il en ait, m’intéressent assez peu.

    Andrea est un garçon secret dont les secrets s’étalent sur la place publique lorsqu’ils ne brandillent pas de rédaction en rédactions jusqu’aux colonnes des échotiers.
    Non qu’Andrea soit quelqu’un d’important.
    Il serait même une personne tout à fait falote s’il ne s’était attiré les faveurs de quelques personnalités de la politique et du show bizz.

    En Autriche ou il a vécu quelques temps, il s’est trouvé mêlé à un scandale national sur fond de ballets bleus, d’usage de blanche, de croix gammées, de résurgence de l'ordre de Thulé et de trafic d’influences.

    Je me souviens très bien de cette époque.

    J'habitais encore Rome.

    Chaque matin, en allant au bureau j’achetais le « Kruner » ou « Der Standard » au kiosque à journaux de Trinita dei Monti et m’en faisais traduire les passages intéressant par ma collègue Gia , une honnête et paisible mère de famille , catholique , bien pensante et atrocement médisante, atterrée autant qu'alléchée par des turpitudes dont elle ne comprenait pas qu’elles puissent m’intéresser à ce point .

    La vie politique Autrichienne, peu commentée en France, se révèle extrêmement riche en scandales de tous genres. Chaque parti, du plus conservateur au plus libéral, se trouve régulièrement au centre d’affaires, parfois cocasses, parfois dramatiques, toujours affligeantes.

    Népotisme, copinage aggravé, pots de vin, détournements, espionnage, affaires à caractère sexuel tissent, au pays de Strauss et de Romy, une sorte de contre-éthique que l’on regarde comme parfaitement naturelle au point que le débat public y est qualifié de « Ringkampf », c'est-à-dire combat de catch.

    Ainsi le protecteur et amant d’Andrea, membre du gouvernement Schlüssel, se vit il accuser, outre d’entretenir une liaison homosexuelle, pimentée selon certaines sources d’orgies sadomasochistes auxquelles participeraient des mineurs, mais aussi de sympathies néo-nazies et de coalition ayant entrainé des détournements de fonds estimés à plus de trois milliards.

    Durant six mois, comme vous l’imaginez, la presse s’en donna à cœur joie.

    Il n’était question que de penthouses New-Yorkais, de villas toscanes et de lofts azuréens ; de séjours paradisiaques sur des atolls privés aux Caraïbes, d’appartements loués à l'année dans des palaces de Sun City ou de Cap Town, d’avions particuliers affrétés le temps d’une soirée, histoire d’aller déguster ,en amoureux, une soupe d’orge aux cèpes et aux truffes chez « Armando » au pied du panthéon, d’océan de cocaïne et de minets flagellés aux accents martiaux de «Ein heller und ein Batzen », aimable bluette plus connue en nos vertes contrées sous le titre de « Heidi, Heido, Heida, La La La La La », dont les vertus aphrodisiaques ,sans doute fort efficientes sur des bedaines à bière , m’échappent complètement.

    Andrea, dans la ligne de mire, se vit attribuer une biographie plus ou moins fantaisiste qui d’adorable gigolo mondain, certes un peu voyou aux entournures, le transformait en suppôt des enfers, grand organisateur de partouzes bisexuelles à l’intention de la jet-set Française, pourvoyeur en chef de substances illicites pour le compte de cette même élite et gloire tricolore du « X » gay.

    Certes Andrea avait bien participé à une scène insignifiante dans un porno qui ne l’était pas moins, mais lui attribuer 400 films en trois ans ,dont certains à la limite du snuff touchait au délire pur, d’autant que l’unique objet du délit demeurait introuvable ,donc invisible, depuis que les droits en avaient étés acquis à prix d’or par une société fiduciaire domiciliée aux Caïmans dont on se demandait bien ce qu’elle comptait faire d’un film de boules tourné au caméscope à la lumière d’un briquet .

    Du reste, le soufflé retomba aussi vite qu’il était monté.

    Les trois milliards se réduisirent en une poignée de malheureux vieux millions, les bacchanales gays se transformèrent en une très banale histoire d’adultère, les accointances nazies passèrent pour une très patriotique défense de l’aryanité face à la croissance endémique de l’immigration et si Schlüssel fut contraint de démissionner –pour la seconde fois si je ne m’abuse- les autres s’en tirèrent avec au pire quelques blessures d’amour propre.

    Quant à Andrea il négocia, ma foi, fort finement, sa sortie de scène pour une somme dont j’ignore le montant mais que je soupçonne de cumuler les zéros puisqu’elle lui permit de s’offrir en plus d’un très joli bar, un appartement superbe dans les beaux quartiers.

    Voilà pourquoi hier midi, alors que nous déjeunions sous la verrière de « La Chinoiserie » je fus pris d’un fou rire incontrôlable en songeant qu’en somme, je ne couchais pas avec Andrea, mais avec Monica Lewinski.

  • " Un professionel de la profession."

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    Lorsque vous fréquentez le monde interlope de la nuit, vous êtes amenés à rencontrer toutes sortes de créatures hautement improbables que vous n'auriez pas eut la moindre chance de croiser au soleil de midi.

     De fausses gloires en authentiques stars, de barons de la drogue en capitaines d’industrie, de fleurs du mal en illuminés, j’ai, au cours de ma vie, affronté à peu prés tous les mensonges de ce monde des merveilles ou même Alice et son lapin blanc eussent finis à la sauteuse.

    Ne manquait à ma collection qu’un acteur de pornos.

    Cette déplorable lacune fut comblée au cours d'une nuit d’Aout, maussade et poisseuse, dans une boite à Partouzes destinée à une clientèle hétéro.

    Mais que Diantre allaient donc foutre « Mauvaise. Graine » et son inséparable faux frère entre le quai de la Seine et le parc de la Villette, dans un Lupanar ou des gisquettes énervées du berlingot aguichaient moult membrus mateurs de moniches malapprises ?


    Nous visitions , ne vous déplaise , en curieux , en touristes , ceci à l’invitation du gérant , un adorable voyou, ami de jeunesse de nos pères respectifs, lequel nous accueillait comme les fils qu’il n’avait pas , puisqu’en dépit d’efforts enthousiastes et répétés il n’engendrait que des pisseuses ( plus une bonne dizaine de bâtards de sexes indéterminés , inconnus et pas reconnus qu’il essaimât du temps ou il officiait comme mercenaire au Cambodge et en centre Afrique)


    L’endroit, doté d’un restaurant en rotonde ou l’on dinait à l'ombre piquée des brefs et tièdes scintillements dispensés en avare par de pudiques chandelles, paraissait, pour peu qu'on ne prétât attention à la quasi nudité des serveurs, parfaitement convenable, voire complètement anodin.

    Un salon bar décoré de laques bleues et de bois de roses accueillait le chaland. Une volée de marches menait au premier cercle de l'enfer , une discothèque singeant avec malice la folie baroque d'un petit théâtre à l’Italienne ou le sourd bourdonnement des ors tempérait le tapage des soieries rouges bordel.

    Le reste n’était que dédale de couloirs ouvrant sur des chambres faussement bourgeoises ou de vastes pièces nues aux sols jonchés d’épais matelas.

    Ai-je besoin de préciser que je ne quittais pas le bar, engoncé jusqu'au goitre dans des discussions de pochards, tandis qu’un David plus aventureux jouait les explorateurs de l’étrange un sourire musard aux lèvres ?

    « -Tu as une touche, gamin, me dit « Jean-de-la-lune », ce soir là ; et même une fort jolie touche!

    Bien que circonspect, mon œil radar s'alluma aussitôt.

    « -Tu te fiches de moi ? Non ! Ou ça ?

    « -Dix heure et quart ; le box prés de la colonne. Six mecs ; le tiens c’est le blondin.

    Je détournais la tête avec toute la discrétion dont j'étais incapable.

     


    Effectivement un très joli garçon athlétique et bronzé me souriait aves insistance.

    « -Tu connais ? Glissais-je à « Jean-de-la-lune ».
    « -Non, sont pas du coin. D'ailleurs la plupart ne parlent même pas français.
    « -Anglais ?
    « -Plutôt hollandais, ou un patois dans le genre
    .


    Nous étions bien avancés tant notre habilité à manier les rudes subtilités de l'Utrechtois-ablasserwaards touchait au néant absolu !

    Etrangement, plus je regardais ce garçon, plus je lui trouvais un visage familier.

    « -Peut être un client à toi ? suggéra « Jean-de-la-lune ».
    « -Je n’oublie jamais un client.
    « -Un ancien amant, alors !
    « -Je les oublie encore mois. Même les mauvais! Surtout les mauvais !

    David regagnant l'abreuvoir de son pas nonchalant, j'agrippais son bras et lui désignais le mystérieux gandin.

    « -Ecoute voir, mon amour, le mec, là bas, chemise blanche, yeux bleus ; sa frime te dirait rien par hasard ?

    David écarquilla ses grands yeux myopes, scruta l'obscurité du claque puis dans un haut le corps éclata d'un rire semblable à l'éveil d'une forêt vierge lorsque l'hystérie des macaques annonce l'approche d’un prédateur.

    « -Bien sur que je le connais ; se gondola t il. Et toi aussi d'ailleurs ! Il jouait dans le film de boules qu'on a maté la semaine dernière chez la Benguala

    Je me frappais le front du plat de la main.


    Bon sang, mais c'est bien sur !

    Le Cadinot's boy.



    Je me souvenais, en effet, d’avoir regardé vaguement et sans trop y prêter attention, un charmant conte pour enfants dissipés, au cours d'une soirée tapioles, tapas, téquila.

    Comment avais je pus oublier des ...yeux pareils ?

    « - Même que tu as dis que tu te le ferais bien, ajouta mon faux frangin, décidé à me crucifier telle une hulotte au porche d'une église Vendéenne. Alors, qu’est ce que tu attends, grande cheminée, tire donc !

    Le garçon à présent s'avançait vers le comptoir ; la démarche conquérante, un sourire 100.000 volts sur ses lèvres groseilles.


    Je pris la fuite entrainant à ma suite un David outré par mes vilaines manières.


    Nous gagnâmes le salon bar ou la musique plus discrète invitait au flirt et à la conversation.

    « -Ce n'était pas la peine de vous sauver ; je n'avais pas l'intention de vous manger. Du moins pas immédiatement.

    Une voix masculine, basse et amusée.
    Un parfum urbain, brutal et sensuel; une odeur de bitume et de café fort que réchauffait un frisson de réglisse.

    Je me détournais et reçu en plein visage un regard ou l'on ne voyait que du bleu.
    Frappé jusqu’au fond du cœur (d’une atteinte imprévue blablabla) je chancelais.

    « -Je ne me suis pas sauvé, bredouillais je piteusement. C'est mon pote là ; il ne supporte pas la fumée.

    David, occupé à allumer un robuste Vegas Robaina on ne peut plus Cubain, s’éboula en une quinte de toux admirablement feinte.

    « -C'est ce que je vois ; constata l'acteur goguenard. Vous permettez que je vous offre un verre ?

    Demande-t-on à un aveugle s'il veut voir ?

    J’acquiesçais, rougissant comme une rosière à l’heure de sa première saillie.

    Nous trinquâmes.

    Le garçon me sourirait de ses dents admirablement blanches.
    Je lui fis voir que les miennes n'étaient pas d’égueulasses non plus.

    « - Vous avez de très jolis yeux ; me dit il. D’un vert peu commun, presque translucide, avec une légère nuance de jaune.

    Plutôt que de lui retourner le compliment, je tentais une boutade.

    « - Le vert pour l’espérance, le jaune pour la cirrhose.

    Il rit par politesse avant de me demander mon prénom.

    A toute hâte je déclinais mon identité complète ; pour un peu je lui eus récité mon acte de naissance et mon numéro de sécu.

    « -Et toi ?

    Je m'attendais à un pseudonyme à la mord-moi- le- chose, du genre Kevin Hard ou Florian Hole.

    Il me donna un prénom français bien banal suivi d'un nom de famille qui ne l'était pas moins.

    « -Et que fait il dans la vie ce charmant Vania ?
    « - Je viens de signer avec un Tour Operateur. Je crée des circuits à la carte pour une clientèle haut de gamme, répondis-je.
    « -Tu ne me demande pas quel est mon métier ? S’enquit mon soudoyeur, moqueur.

    J'eus un geste de la main comme pour jeter du sel derrière mon épaule.
    Conjurons le mauvais sort et tout se passera bien.

    « - Oui, non ! Quelle importance ?
    « - Et bien, je vais te le dire quand même. Je fais des films.
    « - Ah, super, Melville, Cassavetes, Truffaut.

    Sans même m'en rendre compte, je ne citais que des cinéastes morts.

    « - Plutôt Cadinot. Tu connais J. D.C. ?

    Prétendre le contraire eut été stupide.

    « -Ca te dérange ? demanda t il en posant comme par inadvertance sa main sur la mienne. Que je sois dans " l'industrie ", je veux dire ?


    Plutôt que de jouer les vierges folles je mêlais mes doigts aux siens et décidais de me montrer sincère.

    « - Si je devais t’épouser, ça pourrait constituer un problème.

    Il se pencha vers mon visage, embrassa sans la moindre pudeur le coin de mes lèvres.

    Je me fis violence pour ne pas mordre au sang cette bouche gourmande.

    « -Pourquoi ? C'est un métier comme un autre et un fantasme très banal. De plus ça paie bien et j'ai la chance de pouvoir choisir mes partenaires. Ca vaut toujours mieux que le tapin, tu ne crois pas ?

    Je ne croyais rien du tout ; j'étais liquéfié par son charme.

    Intelligent, fin, sensible il était à mille lieues de l'image relativement malsaine que j'avais des professionnels de la profession.

    Mon trouble était tel que je ne savais plus vraiment ce que je faisais.

    « -Je crois que tu allumes ta cigarette à l’envers, me fit remarquer le joli cœur.

    Je grognais, tout autant agacé par ma propre maladresse que par la limpidité avec laquelle s’affichait mon émotion.

    « -Ma cigarette est à l’endroit. C’est ce foutu bar qui est à l’envers ! Répliquais-je.
    « -Trop bu ?
    « -Jamais assez.

    Ayant dit, je commandais une autre tournée.

    Les verres défilant, l’heure tournant me vinrent d’inévitables pensées salaces.

    Ca devait savoir se tenir, sous l’homme, un acteur de pornos.
    Ca devait pratiquer des trucs insensés, des agaceries inédites, des subtilités Mandarines, des raffinements de harems Ottomans.
    A moins que ça ne baise mécaniquement, comme on s’acquitte d’un boulot pas réellement fastidieux mais que la force de l’habitude rend monotone.

    Mon adonis interrompit mes rêveries licencieuses.

    « -Je peux te poser une question intime ?

    L’alcool aidant, je prenais de l’assurance, jouais les agents provocateurs.

    « -Chéri, tu as quasiment collé ta langue au fond de ma gorge. Je ne vois pas ce qui pourrait être plus intime.

    « - Et bien, demander à quelqu’un d’aussi ostensiblement gay ce qu’il fiche dans un club échangiste hétéro.

    Ostensiblement gay, il en avait de bonnes le poupon gonflable !

    A croire que c’était moi qui, la raie bienheureuse, ouverte ainsi qu’une huitre un soir de réveillon, me faisais sodomachiner face caméra.

    « -Le patron est un ami. Et toi ?
    « -J’accompagne des potes Bulgares. Tu sais ces mecs qui tournent des films pédés pour le pognon mais préfèrent les filles.
    « - On parle d’autre chose ?
    « - On parle d’autre chose !

    Nous devisâmes ainsi un moment agréablement ; jusqu'à ce David vienne me taper sur l’épaule.

    « -Je m’emmerde, je me barre, je vais au Queen. Tu gardes la caisse ? Tu prends un taxi ? Monsieur te ramène ?

    Mon acteur passa un bras déjà possessif autour de ma taille.

    « - Je le ramène.

    Il me ramena, en effet !


    Chez lui.

    L’appartement était minuscule mais clair et propre, le rosé frais, les cigarettes odorantes, l’acteur embrassait comme un dieu.

    Je ne sais comment je me retrouvais dans une chambre aux murs crépis jaune soleil, allongé tout nu sur la courtepointe aux motifs provençaux d'un lit de plumes, la bouche de l'adonis plus bas que mon nombril.


    Et c'est ainsi que se termine mon histoire.

    Non ?

    Vous en voulez encore ?

    Mais une question d'abord : Avez vous déjà couché avec un acteur de porno ?

    Non !

    Et bien moi non plus.

    A mesure que cet habile jeune homme s'en amusait, coquette rétrécissait.


    J'avais pourtant à cette époque le chibre fringuant et le derrière mutin, pourtant ce matin là tous deux affichaient le pavillon Suisse de la neutralité.

    Mon amant, si du moins je peux l'honorer de ce nom, ne pouvait se flatter, du reste, de meilleures performances.

    Après quelques amabilités réciproques restées lettre morte nous nous regardâmes en riant.


    « -C'est la première fois, tu sais ! me dit-il simplement.

    Je n’en doutais pas un seul instant.


    Manque de bol, il fallait que ça tombe sur moi.

    « - Qu'est ce qui t'arrives ?
    « -Je tourne encore cet après midi. et il n’est pas recommandé de baiser une veille de tournage. C’est nuisible à la qualité de la performance. Valable comme excuse, non ? Et toi, quel est ton problème ?

    Aucune gène ; aucune honte. Nos échecs mutuels nous rendaient complices, fraternels.
    « -Chais pas, le coté professionnel de la profession, sans doute. La trouille de ne pas être à la hauteur de tes partenaires habituels. On arrête les frais ?
    « -On arrête ! Mais je n’ais pas envie que tu partes. Je voudrais rester un moment, comme ça, avec toi .Je suis bien dans tes bras.

    Il enfouit son visage dans mon cou, se blottit contre ma poitrine.
    Il avait quelque chose de fragile et d'infiniment attendrissant ; quelque chose de perlé que l'on trouve à la sueur des enfants.

    Au moment de le quitter, alors que le soleil était déjà haut dans le ciel, il me rappela sur le pas de la porte et m'embrassa très tendrement.

    « -Dis moi beau gosse, ça te dirait de tourner dans une production adulte ?

    Je claquais gentiment sa joue.

    « -Avec toi ? Pourquoi pas. Ce sera le seul film de boules ou personne ne bande !

  • " Chronique d'un dépucelage programmé." ( 7)

      « L’ennui mortel de l’immoralité. »

     

    zzzzzz-v-by-fx-94-05.jpgDavid fut le premier à regagner Paris dans les derniers jours d’Aout 93.
    Plutôt enrobé me sembla t’il, l’œil blanc-bleu, le teint radieux, les cheveux mi longs artistiquement décoiffés, rutilant d’arrogante santé et de chic Milanais - car enfin, s’habiller à Paris eut été du dernier commun - il m’étourdit aussitôt de ses bavardages flambards.


    Selon ses dires, la pédale à tête chercheuse abondait aux rives de l’Olona.


    Du touriste principalement.

     A dominante Nordique et Germaine.

    Du blond, du blanc, du suave, de l’éthéré.


    Des Botticelli à vous filer le tournis et des triques douloureuses, tel ce Danois de 19 ans dont le prénom s’éructait d’avantage qu’il ne se prononçait, évidement beau à s'en pâmer – River Phoenix en mieux ! - et pratiquant l’art subtil de la fellation comme « les anges soufflent dans leurs trompettes. », ce qui expliquait sans doute pourquoi, mon faux frangin avait si subitement enflé.

    Pour ma part, je cultivais un certain mystère, propre à l’intriguer lorsqu’il ne le mettait pas dans des accès de rage aussi féroces qu’hors de propos.

    David, à l’époque manifestait une tendance fâcheuse à me considérer comme son bien personnel, le moindre de mes actes se devant d’obtenir une bénédiction préalable qu’il accordait avec mansuétude dés lors que son égo n’avait pas à en souffrir.

     Depuis que, sous prétexte de nous entrainer mutuellement à des pratiques peu scolaires, notre amitié fraternelle avait versé dans l’ornière d’un flirt poussé jusqu’à ses extrêmes limites, et bien que pour ma part je n’ai jamais envisagé que nous puissions former un de ces petits couples inséparables depuis le jardin d’enfants et constamment ébahis d’eux même, David, s’il n’y pensait pas d’avantage, cherchait cependant à régenter mon existence de manière à vrai dire assez peu subtile et irrésistiblement macho.

     En d’autres termes, s’il ne voulait pas de moi pour boy friend, que j’aille me faire voir par un autre, ou pire que je puisse tomber sous une influence autre que la sienne le rendait bileux.

    Disposé à l’enquiquiner sans toutefois provoquer trop de vagues dans une âme que je savais ombrageuse, j’enchainais mensonges et contre-vérités d’une bouche sucre-candi dans laquelle, je le devinais à ses regards à la fois perplexes et avides, il se retenait de mordre au sang.


    Oui, minaudais je, j’avais rencontré quelqu’un, oui nous nous plaisions, non nous n’étions pas encore passé à l’acte, non je n’avais pas envie d’en parler, plus tard, peut être, si notre relation prenait un tour décisif.

    Bon prince, je daignais cependant lâcher progressivement quelques détails.

    Agé de 21 ans, mon fiancé fantasmé étudiait à l‘ENS de la rue d’Ulms ou il disposait d’une toute petite chambre. Il portait les cheveux longs et lisses, une frange romantique sur le front , s’habillait « grunge », écoutait « Nirvana » et « La Bohème », lisait la poésie de John Donne et les essais de Raymond Aron, deux auteurs dont j’ignorais tout mais dont j’avais remarqué les ouvrages dans la riche bibliothèque de Stan alors que j’élaborais les grandes lignes de mon conte à dormir cent ans, aimait les films de John Huston et ceux de Gus van Sant, et se trouvait embarrassé d’une famille catho coincée concevant l’homosexualité non comme une déviance, non comme une maladie , mais comme une forme extrême de possession diabolique.

    Où nous étions nous connus ?


    Dans le Marais. Tu as bien entendu, frélot, le Marais ou j’avais eut l’audace de m’aventurer tout seul sans que quiconque cherchât à me violer. Je prenais le soleil à la terrasse d’un café lorsqu’il était venu me parler.


    De quoi ?

    De rien ! Enfin si, du beau temps essentiellement et de mes yeux qu’il comparait à deux jeunes pousses dans la lumière tendre du printemps.


    Love at first sight ?


    Tout de même pas, juste le sentiment de tomber brusquement à la renverse mais sans crainte de se blesser puisque l’on sait que deux bras vigoureux nous rattraperons avant que nous ne touchions le sol.


    Son prénom ?


    Merde j’avais complètement oublié de lui donner un prénom. David, comme toi, oui c’est ça David. C’est joli du reste David, un prénom biblique, un prénom de roi. Qu’est ce que tu veux que je te dise, moi ? Une coïncidence bizarre de la vie voilà tout, on ne va pas chercher midi à quatorze heures en y voyant un signe du destin.


    Pourquoi nous n’avions pas baisé ?


    Parce que nous ne sommes pas des singes Bonobo à nous trimballer constamment la queue à la main ! Et puis c’est important une première fois. On ne fait pas ça à l’arrache, on attend d’être surs. Oui, de nos sentiments ! Je n’ais pas envie de me réveiller un beau matin complètement dégouté des hommes. En plus, à notre âge il y a toujours le risque de tomber sur un pédophile, et ça se serait vraiment la merde, tu ne crois pas ?

     

    Il ne croyait rien du tout, David, le flot de ses questions tari, il se contentait de me regarder un peu tristement, assis sur ce lit que nous avions partagé tant de fois, songeant sans doute qu’il y avait là non pas matière à une cassure définitive entre nous, mais plus grave, à la première de ces fêlures qui ébrèchent souvent les amitiés les plus solides, une faille dérisoire, minuscule, cependant susceptible de s’étendre, insidieuse et serpentine, de petite déception en petite déception, jusqu’à faire voler en éclats les miroirs jumeaux.

    Je n’étais, je le confesse, pas très fier de l’avoir amené exactement là ou je voulais le mener, c'est-à-dire dans des abimes de doute ou s’engloutissaient son infernale arrogance et la main mise de moins en moins supportable qu’il avait sur moi.


    De plus, s’il était quelqu’un à qui il était indigne de mentir, en dehors de papa, c’était bien à David. Cependant, dans la mesure ou j’avais finalement décidé de mentir à mon père en lui servant une version édulcorée de ma vie sexuelle, soigneusement expurgée des termes de « trentenaire », « millionnaire » et « pédophile », sans même parler des mots depuis longtemps bannis qu’étaient « sodomie », « bondage » et « soumission/domination », il m’avait semblé opportun de tester sur mon meilleur ami la crédibilité potentielle de ma bluette sentimentalo-niaiseuse. Si David y croyait, papa y croirait.

    Or David goba la mouche, l’hameçon, la ligne, la cane et le pêcheur.

    En revanche ce fut une toute autre histoire que je contais, le lendemain ou le jour d’après à une Sandra que je convoquais chez mon cher « Berthillon » sous prétexte de lui faire déguster une merveille de macaron fourré d'un praliné au citron et à la coriandre.


    A la « ravichiante », je dis la vérité sans en omettre les détails les plus intimes, doutant à plusieurs reprises de son attention tant elle semblait uniquement préoccupée de savourer chaque cuillerée de sa glace qu’elle laissait fondre lentement sur sa langue, les yeux mi clos, les narines un peu dilatées dans une mine gourmande de jeune chatte.


    Lorsqu’elle eut terminé son entremet, bu un grand verre d’eau fraiche, essuyé délicatement ses lèvres à une serviette monogrammée et remis du rouge, elle me fit remarquer avec un calme olympien qu’aussi immorale que soit mon aventure, il n’existait en ce bas monde rien de plus banal que l’immoralité, qu’en conséquence elle ne voyait pas du tout pourquoi je me prenais la tête, et la sienne par ricochet, pour pareille bagatelle.


    Je répliquais que le nœud du problème ne résidait pas dans l’affirmation rebattue qu’au sein de notre société, l’immoralité est banale, mais dans la constatation cruciale que rien ne prévient automatiquement les décisions rationnelles contre l’immoralité.

    Elle me répondit gentiment que si je considérais comme des décisions rationnelles les mensonges dont je gavais David avant d’en saouler papa, je me foutais le doigt dans l’œil jusqu’au coude et plus loin encore, qu’il n’y avait rien de rationnel dans le fait que contaminé par un menteur professionnel je me mette à mentir à mon tour et que la seule immoralité qu’elle trouvait à toute cette histoire résidait dans le plaisir que Stan prenait à me mentir comme dans la jouissance que j’éprouvais à lui laisser croire que j’avalais candidement ses couleuvres et ses crapauds. En conclusion elle admit ne pas comprendre pourquoi Stan et moi nos vautrions dans une relation, sans doute sexuellement fort gratifiante, mais profondément malsaine puisque chacun de nous y jouait un personnage de théâtre.

     Je ne trouvais rien à répondre à cela, pas plus que je ne voyais d’issue à une situation dans laquelle je m’étais laissé enfermer avec des voluptés d’odalisque dans un harem. D’un coté Stan me comblait aussi bien physiquement que matériellement, d’un autre coté je voyais poindre aux franges de nos nuits l’ennui mortel de l’immoralité, dans la mesure ou cette dernière n’obéissant à aucunes des lois naturelles régissant notre espèce, échappant à toute tentative de domestication, ignorait les antagonismes et donc interdisait ce qui, à mon sens faisait le sel d’une relation, le conflit qu’il soit ouvert ou larvé.

    Comme d’ordinaire, Sandra eut le dernier mot.

    « - Puisque tu es incapable de le jeter , tu n’as qu’à attendre qu’il le fasse lui même. Ce qui ne saurait tarder. Tu vas avoir 16 ans en Octobre, chouchou, tu seras donc trop vieux pour ses fantasmes de sale pervers. Ah et puis pendant que nous y sommes, ôte moi d’un doute ! Ce n’est quand même pas lui qui t’oblige à t’habiller comme un acteur de porno Allemand ? Si ? Parce que franchement V, j’ai beau t’aimer très fort, je ne suis pas certaine d’oser me promener dans Paris en ta compagnie. Non mais c'est vrai quoi, regarde moi cette touche! On dirait que tu t'es évadé d'un camps de scouts après un viol collectif!!