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cadinot

  • " Un professionel de la profession."

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    Lorsque vous fréquentez le monde interlope de la nuit, vous êtes amenés à rencontrer toutes sortes de créatures hautement improbables que vous n'auriez pas eut la moindre chance de croiser au soleil de midi.

     De fausses gloires en authentiques stars, de barons de la drogue en capitaines d’industrie, de fleurs du mal en illuminés, j’ai, au cours de ma vie, affronté à peu prés tous les mensonges de ce monde des merveilles ou même Alice et son lapin blanc eussent finis à la sauteuse.

    Ne manquait à ma collection qu’un acteur de pornos.

    Cette déplorable lacune fut comblée au cours d'une nuit d’Aout, maussade et poisseuse, dans une boite à Partouzes destinée à une clientèle hétéro.

    Mais que Diantre allaient donc foutre « Mauvaise. Graine » et son inséparable faux frère entre le quai de la Seine et le parc de la Villette, dans un Lupanar ou des gisquettes énervées du berlingot aguichaient moult membrus mateurs de moniches malapprises ?


    Nous visitions , ne vous déplaise , en curieux , en touristes , ceci à l’invitation du gérant , un adorable voyou, ami de jeunesse de nos pères respectifs, lequel nous accueillait comme les fils qu’il n’avait pas , puisqu’en dépit d’efforts enthousiastes et répétés il n’engendrait que des pisseuses ( plus une bonne dizaine de bâtards de sexes indéterminés , inconnus et pas reconnus qu’il essaimât du temps ou il officiait comme mercenaire au Cambodge et en centre Afrique)


    L’endroit, doté d’un restaurant en rotonde ou l’on dinait à l'ombre piquée des brefs et tièdes scintillements dispensés en avare par de pudiques chandelles, paraissait, pour peu qu'on ne prétât attention à la quasi nudité des serveurs, parfaitement convenable, voire complètement anodin.

    Un salon bar décoré de laques bleues et de bois de roses accueillait le chaland. Une volée de marches menait au premier cercle de l'enfer , une discothèque singeant avec malice la folie baroque d'un petit théâtre à l’Italienne ou le sourd bourdonnement des ors tempérait le tapage des soieries rouges bordel.

    Le reste n’était que dédale de couloirs ouvrant sur des chambres faussement bourgeoises ou de vastes pièces nues aux sols jonchés d’épais matelas.

    Ai-je besoin de préciser que je ne quittais pas le bar, engoncé jusqu'au goitre dans des discussions de pochards, tandis qu’un David plus aventureux jouait les explorateurs de l’étrange un sourire musard aux lèvres ?

    « -Tu as une touche, gamin, me dit « Jean-de-la-lune », ce soir là ; et même une fort jolie touche!

    Bien que circonspect, mon œil radar s'alluma aussitôt.

    « -Tu te fiches de moi ? Non ! Ou ça ?

    « -Dix heure et quart ; le box prés de la colonne. Six mecs ; le tiens c’est le blondin.

    Je détournais la tête avec toute la discrétion dont j'étais incapable.

     


    Effectivement un très joli garçon athlétique et bronzé me souriait aves insistance.

    « -Tu connais ? Glissais-je à « Jean-de-la-lune ».
    « -Non, sont pas du coin. D'ailleurs la plupart ne parlent même pas français.
    « -Anglais ?
    « -Plutôt hollandais, ou un patois dans le genre
    .


    Nous étions bien avancés tant notre habilité à manier les rudes subtilités de l'Utrechtois-ablasserwaards touchait au néant absolu !

    Etrangement, plus je regardais ce garçon, plus je lui trouvais un visage familier.

    « -Peut être un client à toi ? suggéra « Jean-de-la-lune ».
    « -Je n’oublie jamais un client.
    « -Un ancien amant, alors !
    « -Je les oublie encore mois. Même les mauvais! Surtout les mauvais !

    David regagnant l'abreuvoir de son pas nonchalant, j'agrippais son bras et lui désignais le mystérieux gandin.

    « -Ecoute voir, mon amour, le mec, là bas, chemise blanche, yeux bleus ; sa frime te dirait rien par hasard ?

    David écarquilla ses grands yeux myopes, scruta l'obscurité du claque puis dans un haut le corps éclata d'un rire semblable à l'éveil d'une forêt vierge lorsque l'hystérie des macaques annonce l'approche d’un prédateur.

    « -Bien sur que je le connais ; se gondola t il. Et toi aussi d'ailleurs ! Il jouait dans le film de boules qu'on a maté la semaine dernière chez la Benguala

    Je me frappais le front du plat de la main.


    Bon sang, mais c'est bien sur !

    Le Cadinot's boy.



    Je me souvenais, en effet, d’avoir regardé vaguement et sans trop y prêter attention, un charmant conte pour enfants dissipés, au cours d'une soirée tapioles, tapas, téquila.

    Comment avais je pus oublier des ...yeux pareils ?

    « - Même que tu as dis que tu te le ferais bien, ajouta mon faux frangin, décidé à me crucifier telle une hulotte au porche d'une église Vendéenne. Alors, qu’est ce que tu attends, grande cheminée, tire donc !

    Le garçon à présent s'avançait vers le comptoir ; la démarche conquérante, un sourire 100.000 volts sur ses lèvres groseilles.


    Je pris la fuite entrainant à ma suite un David outré par mes vilaines manières.


    Nous gagnâmes le salon bar ou la musique plus discrète invitait au flirt et à la conversation.

    « -Ce n'était pas la peine de vous sauver ; je n'avais pas l'intention de vous manger. Du moins pas immédiatement.

    Une voix masculine, basse et amusée.
    Un parfum urbain, brutal et sensuel; une odeur de bitume et de café fort que réchauffait un frisson de réglisse.

    Je me détournais et reçu en plein visage un regard ou l'on ne voyait que du bleu.
    Frappé jusqu’au fond du cœur (d’une atteinte imprévue blablabla) je chancelais.

    « -Je ne me suis pas sauvé, bredouillais je piteusement. C'est mon pote là ; il ne supporte pas la fumée.

    David, occupé à allumer un robuste Vegas Robaina on ne peut plus Cubain, s’éboula en une quinte de toux admirablement feinte.

    « -C'est ce que je vois ; constata l'acteur goguenard. Vous permettez que je vous offre un verre ?

    Demande-t-on à un aveugle s'il veut voir ?

    J’acquiesçais, rougissant comme une rosière à l’heure de sa première saillie.

    Nous trinquâmes.

    Le garçon me sourirait de ses dents admirablement blanches.
    Je lui fis voir que les miennes n'étaient pas d’égueulasses non plus.

    « - Vous avez de très jolis yeux ; me dit il. D’un vert peu commun, presque translucide, avec une légère nuance de jaune.

    Plutôt que de lui retourner le compliment, je tentais une boutade.

    « - Le vert pour l’espérance, le jaune pour la cirrhose.

    Il rit par politesse avant de me demander mon prénom.

    A toute hâte je déclinais mon identité complète ; pour un peu je lui eus récité mon acte de naissance et mon numéro de sécu.

    « -Et toi ?

    Je m'attendais à un pseudonyme à la mord-moi- le- chose, du genre Kevin Hard ou Florian Hole.

    Il me donna un prénom français bien banal suivi d'un nom de famille qui ne l'était pas moins.

    « -Et que fait il dans la vie ce charmant Vania ?
    « - Je viens de signer avec un Tour Operateur. Je crée des circuits à la carte pour une clientèle haut de gamme, répondis-je.
    « -Tu ne me demande pas quel est mon métier ? S’enquit mon soudoyeur, moqueur.

    J'eus un geste de la main comme pour jeter du sel derrière mon épaule.
    Conjurons le mauvais sort et tout se passera bien.

    « - Oui, non ! Quelle importance ?
    « - Et bien, je vais te le dire quand même. Je fais des films.
    « - Ah, super, Melville, Cassavetes, Truffaut.

    Sans même m'en rendre compte, je ne citais que des cinéastes morts.

    « - Plutôt Cadinot. Tu connais J. D.C. ?

    Prétendre le contraire eut été stupide.

    « -Ca te dérange ? demanda t il en posant comme par inadvertance sa main sur la mienne. Que je sois dans " l'industrie ", je veux dire ?


    Plutôt que de jouer les vierges folles je mêlais mes doigts aux siens et décidais de me montrer sincère.

    « - Si je devais t’épouser, ça pourrait constituer un problème.

    Il se pencha vers mon visage, embrassa sans la moindre pudeur le coin de mes lèvres.

    Je me fis violence pour ne pas mordre au sang cette bouche gourmande.

    « -Pourquoi ? C'est un métier comme un autre et un fantasme très banal. De plus ça paie bien et j'ai la chance de pouvoir choisir mes partenaires. Ca vaut toujours mieux que le tapin, tu ne crois pas ?

    Je ne croyais rien du tout ; j'étais liquéfié par son charme.

    Intelligent, fin, sensible il était à mille lieues de l'image relativement malsaine que j'avais des professionnels de la profession.

    Mon trouble était tel que je ne savais plus vraiment ce que je faisais.

    « -Je crois que tu allumes ta cigarette à l’envers, me fit remarquer le joli cœur.

    Je grognais, tout autant agacé par ma propre maladresse que par la limpidité avec laquelle s’affichait mon émotion.

    « -Ma cigarette est à l’endroit. C’est ce foutu bar qui est à l’envers ! Répliquais-je.
    « -Trop bu ?
    « -Jamais assez.

    Ayant dit, je commandais une autre tournée.

    Les verres défilant, l’heure tournant me vinrent d’inévitables pensées salaces.

    Ca devait savoir se tenir, sous l’homme, un acteur de pornos.
    Ca devait pratiquer des trucs insensés, des agaceries inédites, des subtilités Mandarines, des raffinements de harems Ottomans.
    A moins que ça ne baise mécaniquement, comme on s’acquitte d’un boulot pas réellement fastidieux mais que la force de l’habitude rend monotone.

    Mon adonis interrompit mes rêveries licencieuses.

    « -Je peux te poser une question intime ?

    L’alcool aidant, je prenais de l’assurance, jouais les agents provocateurs.

    « -Chéri, tu as quasiment collé ta langue au fond de ma gorge. Je ne vois pas ce qui pourrait être plus intime.

    « - Et bien, demander à quelqu’un d’aussi ostensiblement gay ce qu’il fiche dans un club échangiste hétéro.

    Ostensiblement gay, il en avait de bonnes le poupon gonflable !

    A croire que c’était moi qui, la raie bienheureuse, ouverte ainsi qu’une huitre un soir de réveillon, me faisais sodomachiner face caméra.

    « -Le patron est un ami. Et toi ?
    « -J’accompagne des potes Bulgares. Tu sais ces mecs qui tournent des films pédés pour le pognon mais préfèrent les filles.
    « - On parle d’autre chose ?
    « - On parle d’autre chose !

    Nous devisâmes ainsi un moment agréablement ; jusqu'à ce David vienne me taper sur l’épaule.

    « -Je m’emmerde, je me barre, je vais au Queen. Tu gardes la caisse ? Tu prends un taxi ? Monsieur te ramène ?

    Mon acteur passa un bras déjà possessif autour de ma taille.

    « - Je le ramène.

    Il me ramena, en effet !


    Chez lui.

    L’appartement était minuscule mais clair et propre, le rosé frais, les cigarettes odorantes, l’acteur embrassait comme un dieu.

    Je ne sais comment je me retrouvais dans une chambre aux murs crépis jaune soleil, allongé tout nu sur la courtepointe aux motifs provençaux d'un lit de plumes, la bouche de l'adonis plus bas que mon nombril.


    Et c'est ainsi que se termine mon histoire.

    Non ?

    Vous en voulez encore ?

    Mais une question d'abord : Avez vous déjà couché avec un acteur de porno ?

    Non !

    Et bien moi non plus.

    A mesure que cet habile jeune homme s'en amusait, coquette rétrécissait.


    J'avais pourtant à cette époque le chibre fringuant et le derrière mutin, pourtant ce matin là tous deux affichaient le pavillon Suisse de la neutralité.

    Mon amant, si du moins je peux l'honorer de ce nom, ne pouvait se flatter, du reste, de meilleures performances.

    Après quelques amabilités réciproques restées lettre morte nous nous regardâmes en riant.


    « -C'est la première fois, tu sais ! me dit-il simplement.

    Je n’en doutais pas un seul instant.


    Manque de bol, il fallait que ça tombe sur moi.

    « - Qu'est ce qui t'arrives ?
    « -Je tourne encore cet après midi. et il n’est pas recommandé de baiser une veille de tournage. C’est nuisible à la qualité de la performance. Valable comme excuse, non ? Et toi, quel est ton problème ?

    Aucune gène ; aucune honte. Nos échecs mutuels nous rendaient complices, fraternels.
    « -Chais pas, le coté professionnel de la profession, sans doute. La trouille de ne pas être à la hauteur de tes partenaires habituels. On arrête les frais ?
    « -On arrête ! Mais je n’ais pas envie que tu partes. Je voudrais rester un moment, comme ça, avec toi .Je suis bien dans tes bras.

    Il enfouit son visage dans mon cou, se blottit contre ma poitrine.
    Il avait quelque chose de fragile et d'infiniment attendrissant ; quelque chose de perlé que l'on trouve à la sueur des enfants.

    Au moment de le quitter, alors que le soleil était déjà haut dans le ciel, il me rappela sur le pas de la porte et m'embrassa très tendrement.

    « -Dis moi beau gosse, ça te dirait de tourner dans une production adulte ?

    Je claquais gentiment sa joue.

    « -Avec toi ? Pourquoi pas. Ce sera le seul film de boules ou personne ne bande !