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" Serenade à Trois."

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J’ai reçu le Week-end dernier, la visite surprise, d’un garçon plus qu’agréable à regarder, intelligent, subtil, drôle, cultivé ; un garçon que je connais depuis suffisamment peu de temps pour qu’il me manifeste, en lieu et place de cette condescendance amusée que me réservent mes anciennes relations, des sentiments extrêmement chaleureux.


Nous appellerons, en toute simplicité, ce jeune et brillant apprenti scénariste/réalisateur, Truffaut.


J’avais rencontré Truffaut au cours d’une soirée donnée par le père de David en l’honneur d’une vieille actrice chancelante car plus intéressée par le whisky que l’on servait au litre que par les oraisons, déjà funèbres, psalmodiées à sa gloire.

Truffaut, probablement aussi saoul que l’aïeule du cinéma Français, m’avait abordé d’une boutade.

« Ces fichus acteurs ne savent décidément pas réussir leurs sorties. Vous ne pensez pas qu’ils devraient accepter les hommages avant qu’il ne faille trois personnes pour les extraire d’une limousine ? »

Troublé par la beauté lumineuse de cet inconnu, j’avais rit un peu trop haut- un vrai hennissement de jument menée à la saillie- ; or si l'on en croit un antique dicton Ukrainien , « Homme qui rit, à moitié dans ton lit. ».

Soyons honnête, il n'aurait pas fallu me pousser beaucoup pour que je case les deux moitiés de ma grande carcasse dans le lit du bel impertinent s’il ne m’avait confié dans la foulée , être en ménage depuis des années avec un psy bien connu sur la place de Paris pour ses écrits filandreux sur la grave question existentielle du « pourquoi les homos aiment la bite ? ».


Parce que c’est bon, connasse ! Pas besoin de nous en torcher trois cent pages à la mords moi la chose les soirs de pleine lune)

Bref, sans trop de fleurs de rhétorique, Truffaut me laissa entendre que son penseur de mari et lui-même se seraient de bon gré partagé la mienne de bite, à condition qu’il y ait sur l’os, suffisamment de viande pour deux.


Que la tronche du conjoint me revienne modérément m'incita moins au refus que le malaise - cette gène handicapante que l'on ressent lorsqu'on sait être au mauvais endroit au mauvais moment- que j'ai toujours éprouvé à m'immiscer dans l'intimité sexuelle de couples depuis longtemps constitués; aussi déclinais je cette généreuse proposition en perpétrant un mensonge si énorme que même Clara Sheller n’eut osé le commettre.

« - Désolé jeune homme, je ne suis pas un adepte des plans.
"- Comme ça tombe mal ! Saurais-je m’en remettre ?
"-Très facilement, j’en suis certain. Du reste on ne doit pas souvent te dire non.
"- Bien trop souvent à mon goût.
"- Es tu donc si gourmand ?
"-Es tu donc un tel ascète ?
"- Non, mais j'ai du mal avec les garçons en couple.
"-Tiens donc ! Et pourquoi les garçons en couple seraient ils plus dangereux que les autres ?
"- Peut être parce que je craindrais de m'attacher à l'un plus qu'à l'autre.
"- Donc le danger vient de toi, pas du couple ?



Notre duel à fleurets mouchetés tourna court grâce à l’intervention de David, lequel me devinant en mauvaise posture, m’entraîna, sous un prétexte fallacieux, à l’autre bout du salon.

Par la suite je croisais régulièrement Truffaut et son compagnon dans des soirées ou dans des bars. Nous échangions alors quelques platitudes sur un ton mondain de conversation sans qu’il ne soit jamais question de parties fines ou autres ribauderies.


Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'à ce qu'un Truffaut affable et souriant se pointe à mon domicile tel un roi mage qui se serait trompé d'étoile, avec en guise d'offrande des chocolats blancs et des macarons roses.

Il venait, dit-il, d’apprendre mon accident et me sachant cloîtré chez moi, il s’était permis d'agrémenter ma convalescence de quelques douceurs.


Si vous pensez qu'il faisait par là allusion aux merveilles de chez Ladurée qu'il apportait, je me garderais de vous contredire mais à mon humble avis vous seriez dans l'erreur.


Du reste mon aimable corrupteur dévoila ses intentions dés les politesses d’usage expédiées.


« - Alors, on se marie quand tous les trois ?


Bien qu’enrobée d’un sourire sur la grâce duquel Saint Pierre eut ouvert à deux battants la porte du royaume des cieux au plus tribard des sodomites, cette question me fit l’effet d’une provocation délibérée.


« - Jamais ! Ça te va comme réponse ou tu veux que je développe ?


Truffaut esquiva le coup de griffe d’un rire insolent.


« - Oh ça va, ne me joue pas les Bossuet ! Madame se meurt, Madame est morte, Madame est outrée ! Que veux tu, je suis un sentimental moi, pas un romantique ! Est-ce ma faute si je m’exalte pour toi ?
« - Je préférerais que tu t’exaltes pour ton copain.


Nouveau rire moqueur, à croire que pour Truffaut je pouvais bien employer tous les mots du dictionnaire, ce serait toujours pour dire une connerie.


« - Mais je peux m’exalter pour beaucoup de monde. Je ne recherche pas l’exclusivité.


Il m’expliqua alors, détachant soigneusement les mots pour que l’attardé que je suis en comprenne bien le sens, qu’il ne croyait pas plus en l’amour qu’il ne croyait au couple. Il considérait d’ailleurs le mot « Amour » comme un maître mot assez vide de sens, un mot fourre-tout que l’on utilisait lorsque l’on ne savait pas qualifier ses élans, ses emballements. Il ajouta qu’il n’avait pas non plus une très belle opinion du couple à deux qu’il considérait comme un modèle social unique et oppresseur ; qu’il existait des formes bien plus constructives de « vivre ensemble » , que je n’était qu’un imbécile de n’avoir rien compris au film , qu’il me proposait non pas un plan à trois mais un « ménage » à trois , lequel ne se définissait pas comme une addition « 2+1 » mais comme un véritable partage à trois dans lequel les fluides circulaient dans tous les sens .


Bref , bien si j'ai bien saisi; et malheureusement lorsque j'ai compris quelque chose on pourrait m'ouvrir le crâne en deux que je ne comprendrais pas le contraire ;il s’avérait que Truffaut et son psy sortaient d’une histoire de plusieurs mois avec un troisième larron lequel avait pris la tangente de peur d’être « trop amoureux » , laissant les deux compères dévastés quoique bien décidés à reformer au plus tôt « une association de bienfaiteurs » en forme de triangle isocèle , triangle dont j’avais été élu pour constituer le coté manquant .

J’en restais sans voix et je l’avoue vaguement apitoyé.

Je n’imaginais pas que l’on puisse se sentir aussi seul dans son couple, que l’on soit obligé de reporter son amour ou sa frustration d’amour sur un objet commun extérieur.


Pimenter ses ébats sexuels en y invitant un nouveau venu ne me choquait pas, même si ma terrible jalousie m’interdisait de passer par une telle échappatoire (un mec qui oserait sous mes yeux toucher à l’intimité de l’homme que j’aime, mais moi, je le tue, je l’étripaille, je l’atomise, je le volatilise dans Paris façon puzzle !) ; en revanche, je refusais de me laisser utiliser, manipuler, réduire à l'état d'obscur objet du désir par un couple flageolant.


En d’autres temps, en d’autres lieues, sans doute aurais je conseillé vertement à Truffaut d’aller se faire sodomiser par "Queue-d'ane" en place publique. Hélas , depuis mon accident et la quasi solitude qu’il m’impose , je me sens plein de compassion pour mes semblables , à croire que plus la vie est moche plus le cœur est bon .


J’ai donc dit à mon vis-à-vis que je ne me sentais pas au cœur suffisamment d'amour à donner pour m'épanouir dans une liaison plurielle mais qu’en revanche je le trouvais , lui, assez séduisant pour envisager , le jour ou il serait libre……


Il ne m’a pas laissé terminer ma phrase.


« - Voilà un horizon bien lointain.


Je me suis demandé s'il n'aimait pas sincèrement le psy lorsqu’il a ajouté, d’une voix étrangère, déjà en partance :


« -Tu devrais pourtant le savoir, toi, que Rome ne c’est pas défaite en un jour.

Commentaires

  • Déjà que dans un couple, je pense qu'il y en a toujours un qui aime plus que l'autre ; alors dans un trio j'aurais vraiment le sentiment d'être réifié. J'ai beaucoup aimé ce post par ailleurs... je ne suis pas sûr que nous accrocherions en vrai mais en virtuel, je dois avouer que tu me fais gagner quelques minutes de sourire:-)

  • J'adore la fin du commentaire de [Nicolas] sur un billet étrange pour le moins. Certainement pas pour les raisons que l'on pense.

  • @[Nicolas]: En amour il y en a toujours un qui souffre et l'autre qui s'ennuie, me dit Balzac chaque nuit....

    @Olivier Autissier: Et quelles sont les raisons de cette étrangeté, cher Olivier?

  • Arf, tu sais, que je sois avec quelqu'un de cultivé ou non, ce pourrait être même Hugo en personne, moi la nuit... je dors !! :-D

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