Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Contes défaits de mon ciel de lit. - Page 3

  • " Almeria mon amour "


    gay,sexe,bardot,almeria,michele mercier,claudia cardinale,cinema,cocaine

    « - Tu peux le Croire toi ? Bien sur que tu peux le croire. C’est un pédé qui m’a appris à être une femme.Et pas uniquement dans le coté « Jolie Madame », tu vois. L’apprêt, la manière de se coiffer, de se farder, de se vêtir, de se tenir ; le maintien, tout ça !
    Il m’a appris à découvrir ces riens qui font qu’une femme est une femme avec l’envie d’être encore plus une femme.


    Le trouble par exemple. L’envie de se troubler, de se laisser troubler. L’abandon, le don.
    Ne plus se retenir.
    Le plaisir de se laisser envahir.
    L’impudeur…


    On décrit toujours les femmes comme des créatures pudiques. Ce n’est pas vrai, les femmes ne sont pas pudiques ; elles savent très bien faire reculer les limites de la pudeur. Elles ne craignent pas de mettre des mots sur leurs émois. Pas plus que d'avoir d'autres vies ,pleins de vies.

    Le coeur fou bovaryse au travers des romans,des images.


    Des musiques aussi.


    Des couleurs.


    Les jaunes francs de Van Gogh,le bleu monochrome d'Yves Klein ,les rouges passés presqu'impressionistes de Corot.


    Elles ont des tableaux plein la tête,les femmes.


    Et des fantasmes.
    Des fantasmes qu’elles réalisent d’ailleurs.
    Elles possèdent une connaissance spontanée de l’inconscient. Apelle ça l’instinct féminin si tu veux.


    Elles savent se servir de leurs failles, de leurs déséquilibres, de leurs faiblesses. Elles sont frontales les femmes, tu sais.
    Elles ne sont jamais unies, une. Vous les hommes, et les gays autant que les autres, êtes plus, comment dirais je ? Monolithiques ? Evidents ? Simplistes ?
    Les femmes ont du pouvoir mais à la différence des hommes elles ne se sentent pas obligées d’en abuser, ni d’imposer les choses.

    Maintenant, je suppose qu’une seule question te taraude.
    Le Français me baisait il ? Et si oui, me baisait il bien ?

    Oui et non !


    Il faisait ce qu’il pouvait le pauvre.

    Note qu’avant lui, si je savais pertinemment posséder un clitoris, j’aurais été bien en peine de le trouver.


    Du reste, mon mari aussi l’a cherché longtemps. »


    J'avais beau me dire que les histoires de cul que Marissa me narrait n'étaient , au fond , que des contes de vieille salingue s'amusant de la supposée candeur de celui qu’elle regardait comme un gamin bien moins aguerri qu'il ne le claironnait ; il m'arrivait encore d être troublé par l'émotion sincère colorant , par moments, sa voix altérée de tabac et d’alcool ; cette grande ombre janthine venue obscurcir son regard comme un drapé retombe sur le contre jour blanc d'une fenêtre ; ce sang pale affluant avec la fugacité d'un reflet de lune sur une pierre sacrificielle à la pulpe cireuse de ses joues.

    Jouait-elle avec moi, à défaut de se jouer de moi ?

    Jusqu'à quel point et selon quelles règles ?

    « - A la mort de mon père, j’ai vendu à peu près tout ce que je possédais en Amérique, puis nous sommes partis.

    En Europe d’abord, en Afrique ensuite.
    Aux contreforts du Riff ; là ou la Méditerranée épouse l'Atlantique.
    Tanger. Tu connais Tanger, bien sur.
    C’est là que nous avons commencé à jouer à des jeux dangereux.
    A l’époque, l’homosexualité était très mal vue et même pénalisée à peu près partout. Beaucoup de gays fortunés épousaient de jolies femmes qu’ils utilisaient comme une sorte de façade sociale, mais également, dans bien des cas, comme des appâts.
    Des pièges à cons, des pièges à queues.

    La femme au bout de l’hameçon, le mari ferrait la prise que l’un et l’autre se partageaient ensuite comme il se doit au sein de toute union fondée sur la communauté réduite aux acquêts.
    Notre couple s’est bien divertit à ses manigances, sauf que dans ce cas précis, l’homme riche, c’était moi.

    Les yeux des Marocains, si difficiles à relever, s'enflammaient lorsque je passais, voilée de transparences. Des petits groupes de jeunes hommes me suivaient de loin dans le dédale du grand Socco. Je les aguichais d'un sourire, d'un mouvement rond du bras, la main en étoile sur la hanche, les reins creusés je basculais mon ombrelle vers l’épaule pour laisser le soleil jouer dans mes cheveux blonds.
    Les mômes se laissaient prendre à leurs reflets dorés comme des alouettes aux feux d'un miroir.


    La suite n'était qu'un jeu de rôles assez banal en sommes.

    Tu as déjà baisé avec un arabe, au fait ? »

    « -Jamais.
    « - Pourquoi, tu es raciste ?
    « -Mais non, arrêtes un peu ! L’occasion ne c'est jamais présentée, voila tout !

    « -Tu n’as pas perdu grand chose ! Des grosses bites, mais bourrines. Ca te tire pendant des heures sans la moindre imagination. Non, franchement, quelle déception !
    En revanche les Espagnols ! Ah, les Espagnols!

    Tu as entendu parler d’Almeria ?

    C’était l’Ancienne capitale économique du Califat de Cordoue. Ca se situe au bord de la côte Andalouse, coincé entre mer et désert.


    A la fin des années 60, Almeria était une sorte d'Hollywood sur Méditerranée ou les grosses productions internationales bénéficiaient, en plus de décors naturels superbes, de conditions économiques défiant toute concurrence.
    Entre les prises de vue du " Shalako " d'Edward Dmytryk,la reine Bardot, magnifique et débraillée, aimait à y promener ses grâces patchouli et ses jupons flottants. Michèle Mercier, votre increvable Angélique, y retrouvait son Peyrac /Hossein pour un improbable western spaghetti-paëlla-cassoulet, intitulé "Une corde et un colt ". Face à Rodrigue/Charlton Heston, Sophia Loren avait les yeux de Chimène.
    Sur les Ramblas qui, des hauteurs de la ville dévalaient vers la plage de sable noir de l'Alma Drabillas, on croisait le soir et la fraicheur venus, la beauté violente comme un appel au crime d'une Claudia Cardinale dont la voix évoquait un éboulis de cailloux dans un oued Tunisien à sec.


    Et puis il y avait Ava, venue en voisine, Ava le plus bel animal du monde, qui dansait dans les Night Clubs du port, pieds nus comme la paysanne de Caroline du Nord qu’elle était restée

    Attirée par la présence des beautifuls peoples, tel un essaim grouillant de guêpes par un rayon de miel, la horde Fellinienne des courtisans et des prédateurs déferlait sur la ville.


    C’était toujours la même cour des miracles crasseuse et bariolée, de putains fragiles aux yeux fanés, de gigolos aux allures meurtrières de squales, de dandies androgynes et de pourvoyeurs d'illusions que l'on retrouve partout au monde dans le sillage de la gloire.


    A la suite d'un caravansérail de vieillards dont les traits figés dans le bronze de leurs fards évoquaient les masques mortuaires de la Haute Egypte que nous avions connus à Tanger, mon mari et moi avons suivi le flot des Hébreux vers la terre promise.
    Lassés des palaces, nous avions loué, dans les collines, une grande villa d'inspiration Mauresque perdue au fond d'un jardin tropical bourdonnant et fleuri.
    C’est sans doute là que j’ai vécu les moments les plus heureux de ma vie.


    Enfin, heureux, peut être pas.
    Au moins paisibles.

    Nous étions attentifs l'un à l’autre. Nous touchions du piano à quatre mains. Nous discourions des heures de poésie ou de psychanalyse.
    C’est sans doute ce à quoi ressemble la vie.
    La vie des gens, je veux dire. Les vrais gens.

    Puis nous avons connu Tatiana. Celle que ta mère appelle la « Pute de Riga », quoi qu’à y réfléchir je ne sais laquelle est la plus pute des deux,Tatiana qui s'enorgueillissait de pouvoir fournir n'importe quoi à n'importe qui, pourvu qu’on y mit le prix.
    Nous nous sommes liées d’amitié, elle et moi, au point que mon mari en prit ombrage.
    On s’amusait comme des folles toutes les deux. On riait d’un rien, on osait tout.

    J’avais enfin quinze ans.

    Fine mouche, Tatiana détourna la ire de mon plus tant que ça époux en lui adressant un bouquet, non pas de roses jaunes, mais de solides pêcheurs parfumés à la marée, à l'oignon frais et au Condado de Huelva, ce rouge ordinaire que l'on servait dans les tavernes.


    C'est grace à Tatiana que j’ai rencontré le seul véritable amour de ma vie, la fée cocaïne.

    Sous l'emprise de la drogue, j’oubliais mes terreurs et mes démons. Je devenais, enfin, humaine. Je me dégelais, me décoiffais, me démaquillais. Je troquais mes satins givrés contre des jeans délavés et des T-shirts coupés au dessus du nombril. Je bronzais les seins nus aux commandes d'un Riva d'acajou que je lançais à travers la baie à la poursuite de la flèche d'argent que traçait au ras des flots l’échine des marsouins. Je croquais la vie comme on croque dans un fruit d’été, sans se préoccuper du jus qui macule le menton. La Candy C me donnait un air de santé éclatant.


    Alarmé par ce changement dont il devinait la cause, le Français tenta de me rattraper sur la pente ou je glissais. Il fut prié, gentiment, d'aller se faire enculer et pour que la chose soit bien certaine on lui fournit autant de gigues qu’il pouvait en consommer.


    Il c’est d’ailleurs barré avec l’un d’eux.
    Un Italien.


    Je l’ai revu des années plus tard à Rome. Son mec l’avait détruit physiquement et mentalement. Il était malade, accro au Brown sugar, quasiment miséreux. Nous étions toujours mariés pourtant jamais il ne m’avait demandé quoi que ce soit.
    J’ai voulu l’aider, bien sur mais il a refusé. Je crois qu’il prenait du plaisir à sa déchéance.
    Le stade ultime du masochisme.


    Il est mort peu après.


    Donc me voilà veuve.
    Et joyeuse! Let’s go to « Maxim’s ».


    Mais au fait, c’était quoi ta question au début ?
    Pourquoi j’aime tant les pédés ?

     


     


     

     

     


     

     

     

     



     

     

  • " Folle à Tuer "

    gay,sexe,new york, dietrich, christoher street,bars gay,sodomie

     

     

    Marissa séjourne à Paris pour toute une semaine.

     

     

     

    Je dois passer la soirée - la nuit devrais je écrire car nous ne serons certainement pas couchés avant potron-minet - en sa compagnie et celle de David .

     



    Bien que je n'ais pas la plus pauvre idée du programme des réjouissances,j'en rougis par anticipation.

    Va nous mettre une honte grosse comme le Ritz , l'Amerloque !

    Car Marissa est folle.

    Folle à lier.


    Folle à enfermer.

    Folle à tuer.

    Folle à ouvrir son corsage en plein salon de thé afin de vous faire admirer ses somptueux nouveaux nibars : « Touche, sweety pie. Ce sont des amazing mousses Japonais. Juste comme des vrais, n’est ce pas ? »

    Folle à s’atteler au sortir d’une nuit enneigée, à la benne d’un camion- poubelle et à faire en cet équipage, trois fois le tour de l’Etoile.

    Folle à coincer la tête d’une rivale dans la cuvette des toilettes d’un restaurant de prestige et à tirer plusieurs fois la chasse d’eau.

    Folle à conduire une décapotable à tombeau ouvert sur la route infernale qui, de Muholland déboule en cataractes de lacets jusqu’à Coldwater Canyon, tandis qu’elle dégomme à coups de « Smith & Wesson-Lady Smith » les lumières de Los Angeles qu’elle prend ,dans son délire éthylico-narcotique ,pour les yeux jaunes-orangés de chacals enragés.

    Folle à porter des manteaux de loutre par trente cinq degrès ,des lunettes de soleil à minuit,des capelines de gaze sous la pluie.

    Folle à organiser des bals règence sur des plages de schistes volcaniques, des pique niques de caviar et de langoustes dans les ruines de la forteresse El Alcazaba, au Sud de l'Espagne .

    Folle à claquer des millions pour les beaux yeux d'une intrigante se prètendant princesse russe ,alors que nul n'ignore que la soi disant Altesse sort d'un bordel de Riga

    Folle à coucher avec un homme parce qu’elle le trouve effroyablement laid, quasiment monstrueux et que ça l’excite.

    Folle à tomber amoureuse folle d’une folle et à s’en faire épouser.

    Cependant, Marissa est de toutes les amies de ma mère –en règle générale un ramassis de putains vipérines et maniérées, mariées à des cocus magnifiques et richissimes- la seule pour laquelle j’éprouve de la sympathie, voire même une certaine affection.

    Je ne sais pas du tout quel âge ce danger public peut bien avoir car elle fait partie de ces privilégiées dont le plasti-magicien réalise des miracles. Selon la diffusion de la lumière et le maquillage qu’elles porte, Marissa, dans ses bons jours,parait à peine aborder le versant roussoyant d’une trentaine épanouie.

    Ma mère, toujours bonne copine, prétend que Marisa est plus vielle que Catherine Debeuve et sans doute, pour une fois, dit elle la vérité, puisque notre Américaine épousa sa pédale au milieu des années Soixante.

    Issue d'une vieille famille de Philadelphie aussi fêlée que la seconde « Liberty Bell » dont Les membres fondateurs prétendaient avoir financé la fonte; Marissa étudia la linguistique au sein du prestigieux Pembroke collège de l’université de Brown.

    Elle y coula des jours studieux face à l'immense baie de Narragansett et ses îles pareilles à des monstres échoués; des jours mondains,courtisée qu'elle était par la bonne société de Rhodes Island; des jours de régates et de parties de tennis, de randonnées et de baignades improvisées dont elle percevait encore à travers la brume des années enfuies, a peine engourdi, comme bercée d'une bienheureuse indulgence, le joyeux tintamarre .

    Agée de tout juste vingt ans à l’époque, cette vierge professionnelle fuyait pourtant la compagnie intime des hommes comme elle eut fuit la peste noire ; se déguisait en quakeresse afin de dissimuler aux appétits des chiens et des loups, une beauté nerveuse et racée qu'elle portait comme un cilice.

    C'était ne pas compter sur les yeux affutés d’un Frenchy, assistant au département des langues étrangères ; lesquels yeux, bien qu'aimantés par des charmes d'une toute autre nature, savaient reconnaitre un Modigliani fut il chancit et rayé.

    Intrigué par cette étrange personne, dont il humait les déviances avec un flair de braque, ce bel homme, pédé notoire et assumé, entreprit de la pêcher, telle une carpe d'or dans un trou de rocher.

    Au bout de quelques semaines d'intimité bavarde, il n'ignorait plus rien de son dégout de la chair; de la sienne propre moins encore que celle des autres,  de cette obsession dangereuse d'un idéal désincarné qui la consumait jusqu'à l'hébétude.


    De son coté, il ne lui cacha rien de ses turpitudes.

    New York, cette « ville debout », venteuse et saline lui communiquait, disait il, sa détermination océane et houleuse ainsi qu'une furieuse envie de baiser.

    Par bonheur, les lieux destinés aux homos foisonnaient au cœur de l'East Village.


    Dans les bars de Christopher street, aux noms évocateurs ; tels « The Leather Man » ou « The Cockring »; des hommes à la poitrine en barrique, aux torses suants, dansaient à demi nus, mêlaient leurs langues et leurs bouches velues, s'aspergeaient mutuellement de bière tiède qu'ils léchaient en rigoles de la pointe des seins jusqu' au creux du nombril.

    Plus au sud, vers les docks, un gigantesque entrepôt pour camions et semis constituait le plus vaste et le plus dangereux baisodrome de la ville.


    Le Français avouait, sans fausse honte, y avoir passé des heures à se faire

    défoncer entre deux monstres d’acier, par des garçons dont il ne voulait connaitre que les haleines mourantes sur son cou.

    L’homme évoquait cet enfer comme il eut dépeint un Disneyland d'orge et de pastels.


    Il magnifiait ces aubes blanches levant sur l'étain de l'Hudson River , alors qu’ il rejoignait son hôtel , ivre de fatigue et de foutre , les jambes trempées d'une pisse qui n'était pas la sienne ; un reste de joint lui brulant les doigts ; l'âme tellement souillée que toute rédemption devenait impossible .

    Etrangement, les récits dont il maculait leur amitié naissante,semblaient fasciner Marissa. Elle s'inquiétait des détails les plus sordides. Elle poussait le Français dans ses derniers retranchements afin qu'il avoua l’inavouable. Ces festins d’immondices la laissaient dolente, apaisée, la peau cireuse et l'œil creusé de mauve.


    Bientôt, elle exigea d'accompagner son nouvel ami dans ses tribulations New yorkaises.


    Il y consentit à condition qu'elle se laissât transformer.

    Des mains du Pygmalion naquit une femme androgyne, théâtralement fatale qui ne consentait à porter que du blanc, du noir et l’or servile des barbares.

    Elle s'aimât un peu dans cet apparat.

    Lui, l'aurait voulue chaque soir différente, polymorphe, polychrome, femme réinventée, détournée, déviée ; somptueux rêve de folle perdue.

    Passionnément, il lui composait des visages, des silhouettes, des personnages.


    Parfois, nuque rasée, l'œil noyé de khôl, la bouche vermillon en smoking Saint Laurent, elle incarnait les flamboyantes garçonnes des rugissantes années 20.


    Parfois le cheveux flou , les paupières argentées sous des sourcils en forme d'oiseau lyre , les joues mâchurées d'un rose que même Schiaparelli eût trouvé " schocking, en étole d'hermine et fuseau nacré , jusqu'aux genoux bottée de Cordoue blanc,elle évoquait la Marlène équivoque des fantasmes russes de Von Sternberg .

    Elle le laissait s'amuser, indifférente comme une poupée que l'on berce.

    Très vite, ils parurent dans le monde ou leur duo connut le succès d'une attraction de Music hall ; lui long Lys éclatant au charme continental coupé d'arsenic ;elle aussi froide, étincelante et tranchante qu’une dague Japonaise.

    L’Amérique aime les monstres, lorsqu'elle ne les crée pas, aussi furent ils fêtés dans des fastes princiers ; la fortune personnelle de Marissa assurant les inévitables retours d’ascenseur.

    Ils se marièrent au printemps suivant.

    Lui par strict intérêt financier.

    Elle par folie amoureuse.

     

     

     

  • " Tout l'amour d'une mère."

    zzzzzzzzz-mom-sandra.jpgAnne Marie fait partie de ces femmes que l'on remarque immédiatement, fut ce au sein de la foule la plus dense.

    Jolie, évidement, mais au fond plus que cela.

    Un port grave, bien que de haute couleur, d’Impératrice déchue, l'attitude lente, menaçante d'un flot de lave en marche, une tournure sur laquelle n’importe quel vêtement tombe à ravir , une bouche immense, nerveuse, prompte au rire et au baiser, un nez légèrement busqué, un teint d'Andalouse, des yeux pales et froids, une chevelure à la richesse diaprée de pelage animal.

    Je l’observais en coin, tandis qu’elle hésitait ente une sage robe blanche à peine soutachée d’or et une autre, plus audacieuse aux couleurs franches et heurtées, dont la coupe asymétrique dénudait jusqu’en haut des cuisses ses jambes parfaitement halées. Je trouvais à ma mère un air de fleur exotique et fascinante, capable de souffler le poison de ses étamines sur la gent masculine comme un vent blizzard souffle sa petite misère sèche et glacée sur les géants fourbus de Manhattan.

    Si nous n’avions été mère et fils, sans doute nous serions nous entendus avec l'évidence avide et insoucieuse des lendemains de ceux pour qui le bout de la nuit à des allures de bout du monde.

    Anne Marie s’agitait un peu, plus pressée d’en finir avec sa toilette que gênée par ma présence. Elle parlait beaucoup, de tout et de rien, posait des questions dont elle n’attendait pas de réponses.

    «- Qu’est ce que tu en penses, je mets la blanche ou l’autre? L’autre, hein! La première fait un peu bourgeoise de Province. Idéale pour Zurich et ses soirées à périr. Paris demande un peu plus de fantaisie. Pour les bijoux, tu préfères quoi? Perles? Diamants? Non, ça ne va pas. Les perles font trop modestes, les diamants trop prétentieux. Je vais porter mes émeraudes, même si je ne les aime pas. Elles vont bien avec mes yeux et puis une touche de vert allégera un peu mon bronzage. Tu as vu cette camelote? Dernier cadeau de ton beau père. Cet abruti c’est fait avoir, il n’y a pas une seule belle pierre. Au fait j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle à t’apprendre; je commence par laquelle?

    J’avalais lentement une gorgée de Scotch à peine moins glacé que mon attitude depuis mon arrivée dans sa chambre d’hôtel.

    « - Ma chère Anne Marie, une mauvaise nouvelle te concernant ne saurait pour moi en être tout à fait une.

    Penchée en avant elle fermait sur sa cheville la bride d’une sandale au talon démesuré, apparemment insensible à mes insolences.

    « - La bonne donc! Je divorce.

    Je fis tourner lentement le restant du Scotch dans le fond du verre, conscient que mon apparente nonchalance n’abusait pas cette fine mouche.

    « - Ca ne fera jamais que la troisième fois. Quel crime a commis papa Schultz? Il t’a trompée avec une meule de gruyère?

    Elle haussa légèrement les épaules, se dirigea vers la salle de bain seulement vêtue de ses sous vêtements et de ses chaussures, y disparut le temps de rafraichir un maquillage qui n’en avait nul besoin, revint dans la chambre du même pas indifférent tout en attachant aux lobes de ses oreilles de longs pendants d’émeraudes.

    « - Même pas, j’ai assez vu sa gueule de boche, voilà tout, dit elle d’un ton détaché. J’en ai ma claque de ces Fridolins et de leur morale Calviniste, des diners du Lundi chez les Wallenstein, du gin- rummy le Mardi, d’Haendel ou de Bach le mercredi, des charités du Jeudi. Et je ne te parle pas des Week-end à Ascona, du lac Majeur et du parfum des iles Borromées. C’est triste et chiant comme du Lamartine. Vraiment je n’en peux plus de me montrer toujours impeccable et polie, souriante et aimable avec les associés de mon mari, de subir toutes leurs conneries comme si elles me passionnaient. Leurs affaires auxquelles je n’entends rien, leurs mômes limite mongoliens à force de mariages consanguins, leurs bonnes femmes laides et lisses. En plus ils me prennent tous pour une sorte de Messaline. Et que je cherche à te peloter les seins, et que je te touche un peu les fesses. Je veux bien être gentille mais pas au point de me taper toute la bande à Neuneu juste pour ne pas casser l’ambiance. Heureusement que j’ai mes copines Italiennes et Américaines, sans quoi je serais devenue folle depuis longtemps. Tiens, tu m’aides à fermer ma robe s’il te plait? Donc voilà, je quitte mon peine à jouir d’époux. Et je pars comme une pied noir. Une main devant une main derrière.

    Je fermais sèchement la dernière agrafe au milieu de son dos, étreint par des sentiments contradictoires ou la colère d’être pris pour un imbécile le disputait à un amusement vaguement amer.

    «- A qui prétends-tu faire croire pareille énormité ?

    Nous échangeâmes un bref regard de défi, semblable au choc froid et étincelant de deux rapières.

    « - Je t’assures, je ne veux rien de lui. Enfin si, juste le chalet de Gstaad, mes bijoux évidement et deux ou trois babioles auxquelles je suis sentimentalement attachée.

    « - Genre le Matisse, l’Utrillo et ton portefeuille d’actions. Je t’imagine mal « sentimentalement attachée » à quoi que ce soit qui n’ait pas de valeur pécuniaire.

    Dans un sourire bon enfant, Anne Marie vint poser sa main aux longs doigts bagués sur mon épaule. Je me retins avec peine de frémir comme au contact des écailles empéstées d'un crotale.

    « - Mon chéri, je te dirais bien d’aller te faire endaufer mais ça te ferais trop plaisir, murmura t elle tandis que ses ongles mordaient cruellement ma peau à travers le voile de ma chemise. Du reste, si tu m’avais écoutée toi aussi tu aurais choisi un homme riche plutôt que de t’amouracher de ton ramassis de crève la dalle. Enfin, n’en parlons plus, de toute manière tu es bien trop vieux maintenant pour la pèche au millionnaire.

    D’un mouvement sec je me dégageais de ses griffes. Son bras retomba brutalement le long de son corps dans un feu d’artifice de gemmes.

    « - Je suis vieux à trente trois ans alors que toi, tu es encore jeune à  cinquante et un. J’aime beaucoup ton sens du paradoxe ma petite Anne Marie.

    Dans un rire qui manquait de spontanéité elle suivit le contour de mon profil du bout de l’index.

    « - Pour le cas ou tu ne l’aurais pas remarqué les pédés et les hétéros ne se fanent pas à la même vitesse. Vous êtes périmés dés vingt cinq ans, mettons vingt huit; alors qu’une femme bien entretenue possède une espérance de vie au-delà de la cinquantaine. Regarde-toi un peu Vania! Cette horrible barbe de boucanier, ces tatouages de fausse frappe, ces fringues de vieux minet, ces boucles d’oreilles comme on en porte plus depuis les golden 80’s. Tu es un désastre ambulant mon pauvre enfant. Une caricature de pédale sur le retour. Oui je sais, une foultitude de jolis jeunes gens s’accrochent à tes basques. Les pauvres n’ont que l’embarras du mauvais choix. Remarque, dans le milieu que tu fréquentes, tu dois représenter ce que l’on trouve de moins pire. Je suis très déçue, Vania, j’avais fondé d’immenses espoirs en toi. Nous aurions put former un tandem formidable tous les deux. J’aurais été une fag hag exceptionnelle et toi un faire valoir du tonnerre. Seulement voilà, tu refuses d’évoluer, tu te complais à jouer les ados attardés. C’est pitoyable mon fils.

    Je reculais d’un pas, plus meurtri par l’attaque que je ne l’aurais imaginé. Pourtant, ce fut sur un ton de badinage que je lâchais mes chiens.

    «- Moins que d’être une demi pute vieillissante probablement larguée par son mari pour un modèle plus récent. Si tu t’imagines encore pouvoir accrocher un gros richard avec tes nichons en plastique et tes lèvres à déboucher les chiottes je crains que tu ne te foutes le doigt dans l’œil jusqu’au coude.

    Tranquillement, elle nous servit deux verres, me tendit le mien tandis qu’elle portait sans y boire le sien à ses lèvres.

    «- Toujours aussi perspicace à ce que je vois. Pour ta gouverne, crétin, je me marie en Juillet.

    J’esquissais un mouvement comme un repli.

    «- Attends, je ne te suis plus là. Tu divorces ou tu te maries ?

    Elle savourait son Scotch, les yeux mis clos, le visage obscur et clair à la fois, glacé.

    «- Les deux. Je divorce d’un Suisse pour épouser un Italien.

    Je laissais échapper un petit ricanement de mépris. Soudain sa beauté me devenait insupportable au point de la haïr.

    «- Tu es courageuse! Lâcher un Suisse pour un Italien ! En pleine crise économique !

    Elle m’observa d’un air absent juste avant de me tirer une balle en plein cœur.

    « - Il construit des automobiles. Crise ou pas crise, je doute que nous en revenions aux chars à bœufs. Tu vas l’adorer, j’en suis certaine, d’autant qu’il est d’une beauté stupéfiante. Si tu es très sage avec maman, peut être que maman te le prêtera de temps en autre.

    Décidement, j'adore ma salope de mère!