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claudia cardinale

  • " Almeria mon amour "


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    « - Tu peux le Croire toi ? Bien sur que tu peux le croire. C’est un pédé qui m’a appris à être une femme.Et pas uniquement dans le coté « Jolie Madame », tu vois. L’apprêt, la manière de se coiffer, de se farder, de se vêtir, de se tenir ; le maintien, tout ça !
    Il m’a appris à découvrir ces riens qui font qu’une femme est une femme avec l’envie d’être encore plus une femme.


    Le trouble par exemple. L’envie de se troubler, de se laisser troubler. L’abandon, le don.
    Ne plus se retenir.
    Le plaisir de se laisser envahir.
    L’impudeur…


    On décrit toujours les femmes comme des créatures pudiques. Ce n’est pas vrai, les femmes ne sont pas pudiques ; elles savent très bien faire reculer les limites de la pudeur. Elles ne craignent pas de mettre des mots sur leurs émois. Pas plus que d'avoir d'autres vies ,pleins de vies.

    Le coeur fou bovaryse au travers des romans,des images.


    Des musiques aussi.


    Des couleurs.


    Les jaunes francs de Van Gogh,le bleu monochrome d'Yves Klein ,les rouges passés presqu'impressionistes de Corot.


    Elles ont des tableaux plein la tête,les femmes.


    Et des fantasmes.
    Des fantasmes qu’elles réalisent d’ailleurs.
    Elles possèdent une connaissance spontanée de l’inconscient. Apelle ça l’instinct féminin si tu veux.


    Elles savent se servir de leurs failles, de leurs déséquilibres, de leurs faiblesses. Elles sont frontales les femmes, tu sais.
    Elles ne sont jamais unies, une. Vous les hommes, et les gays autant que les autres, êtes plus, comment dirais je ? Monolithiques ? Evidents ? Simplistes ?
    Les femmes ont du pouvoir mais à la différence des hommes elles ne se sentent pas obligées d’en abuser, ni d’imposer les choses.

    Maintenant, je suppose qu’une seule question te taraude.
    Le Français me baisait il ? Et si oui, me baisait il bien ?

    Oui et non !


    Il faisait ce qu’il pouvait le pauvre.

    Note qu’avant lui, si je savais pertinemment posséder un clitoris, j’aurais été bien en peine de le trouver.


    Du reste, mon mari aussi l’a cherché longtemps. »


    J'avais beau me dire que les histoires de cul que Marissa me narrait n'étaient , au fond , que des contes de vieille salingue s'amusant de la supposée candeur de celui qu’elle regardait comme un gamin bien moins aguerri qu'il ne le claironnait ; il m'arrivait encore d être troublé par l'émotion sincère colorant , par moments, sa voix altérée de tabac et d’alcool ; cette grande ombre janthine venue obscurcir son regard comme un drapé retombe sur le contre jour blanc d'une fenêtre ; ce sang pale affluant avec la fugacité d'un reflet de lune sur une pierre sacrificielle à la pulpe cireuse de ses joues.

    Jouait-elle avec moi, à défaut de se jouer de moi ?

    Jusqu'à quel point et selon quelles règles ?

    « - A la mort de mon père, j’ai vendu à peu près tout ce que je possédais en Amérique, puis nous sommes partis.

    En Europe d’abord, en Afrique ensuite.
    Aux contreforts du Riff ; là ou la Méditerranée épouse l'Atlantique.
    Tanger. Tu connais Tanger, bien sur.
    C’est là que nous avons commencé à jouer à des jeux dangereux.
    A l’époque, l’homosexualité était très mal vue et même pénalisée à peu près partout. Beaucoup de gays fortunés épousaient de jolies femmes qu’ils utilisaient comme une sorte de façade sociale, mais également, dans bien des cas, comme des appâts.
    Des pièges à cons, des pièges à queues.

    La femme au bout de l’hameçon, le mari ferrait la prise que l’un et l’autre se partageaient ensuite comme il se doit au sein de toute union fondée sur la communauté réduite aux acquêts.
    Notre couple s’est bien divertit à ses manigances, sauf que dans ce cas précis, l’homme riche, c’était moi.

    Les yeux des Marocains, si difficiles à relever, s'enflammaient lorsque je passais, voilée de transparences. Des petits groupes de jeunes hommes me suivaient de loin dans le dédale du grand Socco. Je les aguichais d'un sourire, d'un mouvement rond du bras, la main en étoile sur la hanche, les reins creusés je basculais mon ombrelle vers l’épaule pour laisser le soleil jouer dans mes cheveux blonds.
    Les mômes se laissaient prendre à leurs reflets dorés comme des alouettes aux feux d'un miroir.


    La suite n'était qu'un jeu de rôles assez banal en sommes.

    Tu as déjà baisé avec un arabe, au fait ? »

    « -Jamais.
    « - Pourquoi, tu es raciste ?
    « -Mais non, arrêtes un peu ! L’occasion ne c'est jamais présentée, voila tout !

    « -Tu n’as pas perdu grand chose ! Des grosses bites, mais bourrines. Ca te tire pendant des heures sans la moindre imagination. Non, franchement, quelle déception !
    En revanche les Espagnols ! Ah, les Espagnols!

    Tu as entendu parler d’Almeria ?

    C’était l’Ancienne capitale économique du Califat de Cordoue. Ca se situe au bord de la côte Andalouse, coincé entre mer et désert.


    A la fin des années 60, Almeria était une sorte d'Hollywood sur Méditerranée ou les grosses productions internationales bénéficiaient, en plus de décors naturels superbes, de conditions économiques défiant toute concurrence.
    Entre les prises de vue du " Shalako " d'Edward Dmytryk,la reine Bardot, magnifique et débraillée, aimait à y promener ses grâces patchouli et ses jupons flottants. Michèle Mercier, votre increvable Angélique, y retrouvait son Peyrac /Hossein pour un improbable western spaghetti-paëlla-cassoulet, intitulé "Une corde et un colt ". Face à Rodrigue/Charlton Heston, Sophia Loren avait les yeux de Chimène.
    Sur les Ramblas qui, des hauteurs de la ville dévalaient vers la plage de sable noir de l'Alma Drabillas, on croisait le soir et la fraicheur venus, la beauté violente comme un appel au crime d'une Claudia Cardinale dont la voix évoquait un éboulis de cailloux dans un oued Tunisien à sec.


    Et puis il y avait Ava, venue en voisine, Ava le plus bel animal du monde, qui dansait dans les Night Clubs du port, pieds nus comme la paysanne de Caroline du Nord qu’elle était restée

    Attirée par la présence des beautifuls peoples, tel un essaim grouillant de guêpes par un rayon de miel, la horde Fellinienne des courtisans et des prédateurs déferlait sur la ville.


    C’était toujours la même cour des miracles crasseuse et bariolée, de putains fragiles aux yeux fanés, de gigolos aux allures meurtrières de squales, de dandies androgynes et de pourvoyeurs d'illusions que l'on retrouve partout au monde dans le sillage de la gloire.


    A la suite d'un caravansérail de vieillards dont les traits figés dans le bronze de leurs fards évoquaient les masques mortuaires de la Haute Egypte que nous avions connus à Tanger, mon mari et moi avons suivi le flot des Hébreux vers la terre promise.
    Lassés des palaces, nous avions loué, dans les collines, une grande villa d'inspiration Mauresque perdue au fond d'un jardin tropical bourdonnant et fleuri.
    C’est sans doute là que j’ai vécu les moments les plus heureux de ma vie.


    Enfin, heureux, peut être pas.
    Au moins paisibles.

    Nous étions attentifs l'un à l’autre. Nous touchions du piano à quatre mains. Nous discourions des heures de poésie ou de psychanalyse.
    C’est sans doute ce à quoi ressemble la vie.
    La vie des gens, je veux dire. Les vrais gens.

    Puis nous avons connu Tatiana. Celle que ta mère appelle la « Pute de Riga », quoi qu’à y réfléchir je ne sais laquelle est la plus pute des deux,Tatiana qui s'enorgueillissait de pouvoir fournir n'importe quoi à n'importe qui, pourvu qu’on y mit le prix.
    Nous nous sommes liées d’amitié, elle et moi, au point que mon mari en prit ombrage.
    On s’amusait comme des folles toutes les deux. On riait d’un rien, on osait tout.

    J’avais enfin quinze ans.

    Fine mouche, Tatiana détourna la ire de mon plus tant que ça époux en lui adressant un bouquet, non pas de roses jaunes, mais de solides pêcheurs parfumés à la marée, à l'oignon frais et au Condado de Huelva, ce rouge ordinaire que l'on servait dans les tavernes.


    C'est grace à Tatiana que j’ai rencontré le seul véritable amour de ma vie, la fée cocaïne.

    Sous l'emprise de la drogue, j’oubliais mes terreurs et mes démons. Je devenais, enfin, humaine. Je me dégelais, me décoiffais, me démaquillais. Je troquais mes satins givrés contre des jeans délavés et des T-shirts coupés au dessus du nombril. Je bronzais les seins nus aux commandes d'un Riva d'acajou que je lançais à travers la baie à la poursuite de la flèche d'argent que traçait au ras des flots l’échine des marsouins. Je croquais la vie comme on croque dans un fruit d’été, sans se préoccuper du jus qui macule le menton. La Candy C me donnait un air de santé éclatant.


    Alarmé par ce changement dont il devinait la cause, le Français tenta de me rattraper sur la pente ou je glissais. Il fut prié, gentiment, d'aller se faire enculer et pour que la chose soit bien certaine on lui fournit autant de gigues qu’il pouvait en consommer.


    Il c’est d’ailleurs barré avec l’un d’eux.
    Un Italien.


    Je l’ai revu des années plus tard à Rome. Son mec l’avait détruit physiquement et mentalement. Il était malade, accro au Brown sugar, quasiment miséreux. Nous étions toujours mariés pourtant jamais il ne m’avait demandé quoi que ce soit.
    J’ai voulu l’aider, bien sur mais il a refusé. Je crois qu’il prenait du plaisir à sa déchéance.
    Le stade ultime du masochisme.


    Il est mort peu après.


    Donc me voilà veuve.
    Et joyeuse! Let’s go to « Maxim’s ».


    Mais au fait, c’était quoi ta question au début ?
    Pourquoi j’aime tant les pédés ?

     


     


     

     

     


     

     

     

     



     

     

  • " Double pénétration."

    ZZZVANIA-14-02-09.jpgJ’ignore ce qu’il m’arrive ces temps derniers mais les garçons s’agglutinent autour de moi ainsi que des mouches cantharides sur un étron bien frais.
    Peut être devrais je changer de parfum.
    Je n’ai pourtant pas embelli, au contraire. Les fatigues consécutives à ma récente cabriole, puis les excès en tous genres depuis ma guérison ne m’ont pas arrangé, c’est le moins qu’on puisse dire.

    Je ne suis pas davantage en attente, ni en demande.
    Je n’exhale pas à ma connaissance, ces troubles phéromones à l’aura hypnotique qui indiquent au prédateur la disponibilité d’une proie.
    Du reste la rengaine demeure la même depuis l’éternité des jours ; lorsque vous êtes seul, personne ne vous convoite ; en revanche, lorsque vous êtes accompagné vous devenez, comme par enchantement l’obscur objet du désir général.
    Pourquoi ? Mystère et boulles de conne.

    Notez que je ne m’en plains pas puisqu’au cas où quelque Goito ne l’aurait pas remarqué, j’aime plaire autant que je m’attache à déplaire.
    Je me donne, ainsi, un mal de tous les diables pour dans la même phrase, le même regard ou le même sourire, parvenir à séduire et à agacer tout à la fois.

    Papa m’appelle « Kate », par référence à l’actrice Américaine Katherine Hepburn (aucun lien de parenté avec Audrey comme le suggérait cette pédale honteuse de Cary Grant) c’est dire si j’excelle dans cet exercice.


    Cependant, il arrive que je tombe sur un os, un garçon plus futé et plus sarcastique que je ne le suis moi-même.
    Car aussi improbable que cela puisse paraître cette engeance existe bel et bien.
    Certes, ces êtres d’exception ne sont pas très nombreux, toutefois, la présence d’un seul d’entre eux dans mon environnement immédiat suffit à me désobliger.
    J’ai cela en commun avec ma mère, et cela uniquement, Dieu en soit loué.
    Je ne supporte pas de ne pas être la reine du bal.

    Ainsi, hier soir, ou plutôt cette nuit, tandis que, telle la groupie du pianiste chère à France Gall – Souvenez vous , cette chanteuse qui passa des sucettes à l’anis au bâton de Berger - , j’attendais affalé contre l’angle du rade, l’esprit engorgé de scénarii crapuleux, qu’Andrea termine son service pour l’accompagner jouer à « Ride with the devil » dans son nid de bite aux moiteurs Africaines, j’eus la surprise de me voir aborder par un monsieur d’une belle quarantaine d’années à la moustache fringante, à la brosse martiale , et aux allures de dernier Kaiser.
    Un vieux beau, encore pas mal, ne doutant pas à l’évidence de sa bonne fortune, à moins qu’il ne m’eut pris pour un gigolpince en quête de picaillon.
    Il m’approcha de manière on ne peut plus classique, frétillant du zob, l’œil bleu de Prusse luisant de concupiscence, le sourire tout en canines.

    « - Bonsoir futur mari !

    Et ta sœur, elle bat le beurre à la paluche dans la culotte du zouave de l’Alma ?

    Je grimaçais un sourire de traviole, ni engageant ni particulièrement réprobateur.

    « - Tout suite des mots d’amour !

    Mon enthousiasme mitigé « cochon –dinde », ne le décourageant pas il enchaina en mode embobelineur.

    « - Tu es très charmant.
    « - Je sais ! répliquais-je, avec toute l’exquise modestie, la candeur bonhomme, qui me caractérisent.
    « - Tsss, il le sait en plus qu’il est « cute » ! chuinta le chonchon, un chouia chambreur.

    Plus hautain que le prince de Mes deuze lors d’une Garden party chez Lizzie la reine du bibi fricotant, je le dévisageais non sans une certaine arrogance.

    « - Figure-toi que mes miroirs ne sont pas en contre-plaqué. Et quand bien même le seraient ils, il me resterait toujours les yeux des garçons pour me rappeler, qu’effectivement, j’ai un beau « cute ».
    « - Je n’en doute pas, mon joli. Tu me parais en forme en tout cas. Comment vas-tu ? s’enquit il, toujours aimable.
    « -Très bien merci. Et toi ?

    De la main, il fit signe à un Andrea, franchement amusé, de remplir nos verres.

    « - J'ai passé deux semaines un peu dures. Tout a mal commencé par une angine, et s'est très mal terminé avec la mort d'un ami...mais ça va mieux!

    Certes, surtout pour le mort !

    « - Je suis sincèrement désolé !dis je sans la moindre conviction, ni la moindre sincérité.

    D’un geste vague il me signifia qu’il se fichait de mes condoléance comme de sa première chibouque.

    « - C'était un sacré rigolo. Déjà il est mort dans son sommeil. Par surprise. On a tous cru que c'était sa dernière blague, mais futé comme il était il s'est débrouillé pour nous en faire encore une. Arrivés au cimetière Mercredi, les fossoyeurs avaient oublié de creuser la tombe! Du coup on l'a mis dans la fosse commune en attendant. Il sera finalement ré-enterré Lundi !

    Andrea posa les verres devant nous tout en m’adressant une petite grimace complice dont la cabouleuse locataire nocturne de mon corps depuis qu’on me laissait sortir sans chaperon décrypta sans mal le sens caché.
    Pousse à la consommation, baby, tu seras payé au bouchon.
    Me revinrent en mémoire les conseils que me donnait Walter, le mari de la femme de mon père, du temps où j’étais aussi naïf qu’une hirondelle de Dubillard

    « - Vous êtes très connes les tapettes actuelles, constatait il, navré. De mon temps c’était autre chose! On savait michetoner crois moi ! Il suffisait de balancer au clille un petit regard en coin ; un petit regard qui « voudrait-bien-mais-ne peut-point » pour qu’il tombe des roteuses comme Mars en Carême. Aujourd’hui vous vous faites sauter pour le prix d’une conso. Résultat des courses, le métier se barre en sucette ! Tout ça pour te dire que si tu veux boire à l’œil il va falloir faire ronfler le comptoir, et donc offrir du rêve .Il va falloir me les travailler au corps ces grosses tapiolasses pleines de monnaie ; me les vamper façon Ava Gardner dans les séries noires de la Métro ; l’ essentiel étant de leur laisser croire que tu pourrais très facilement basculer dans leurs lits, alors même qu’il t’est bien entendu, déconseillé de coucher avec eux. La subtilité tient dans le fait de parvenir à changer ces baltringues en torches vivantes sans jamais leur donner autre chose que de grandes espérances ; car, vois tu, lorsqu’un péquin a couché avec toi, tu ne l’intéresses plus, tandis que s’il se languit de coucher avec toi il multipliera à plaisirs ces petites attentions charmantes qui font que, peut être, un jour tu lui céderas. »

    David et moi étions très vite devenus des experts à ce petit jeu d’autant plus malsain que l’un comme l’autre avions largement les moyens de payer nos verres et bouteilles.
    Mais l’on n’est pas sérieux lorsqu’on a dix sept ans.
    Nous parions à celui qui se ferait inviter le plus. Il nous arrivait certains soirs d'avoir jusqu'à trente verres disséminés sur les comptoirs et dans les salles ; de quoi tomber à la renverse en moins d'une demi-heure. Nous contournions le problème avec des souplesses de marlous et des ruses de vieilles effeuilleuses. L'astuce était simple ; torses nus, le premier bouton du jean dégrafé pour détourner l'attention du chaland ; nous acceptions la boisson, y trempions nos lèvres pour la forme, discutions deux minutes le verre bien calé au creux de la paume afin d’en dissimuler la ligne de flottaison, puis prétextant une excuse quelconque, nous filions vers une autre table ou vers un autre comptoir pour y recommencer le même manège. Généralement l'alcool finissait dans l'évier ou dans des jarres planquées dans les coins sombres des salles à cet effet. Bref, nous ne risquions pas de choper une cirrhose ou une interdiction bancaire.


    Ainsi, en souvenir de cette époque insouciante, je fis l’effort de m’intéresser aux histoires de cadavre voyageur que l’on me narrait bien qu’elles me parussent un tantinet halogènes dans le contexte d’un bar gay ou des pintades hallucinées se déhanchaient au rythme d’une pop acidulée.

    « - Il est mort de quoi, ton pote ?

    L’antiquaille se hissa souplement sur le tabouret voisin de celui que j’occupais.

    « - C'était un garçon qui avait un sens de l'humour très acéré! Il est mort d'un cancer.

    Effectivement ça doit être désopilant d’avoir un Cancer ! Vivement que j’en chope un, histoire de me gondoler à Villejuif.

    Sans aucun esprit de provocation je levais mon verre à la santé du mort, si je puis me permettre une métaphore macabre.

    « - Qu’il repose en paix !
    « - Mémoire éternelle. Bon, à part ces considérations funèbres, quelles nouvelles? Personnellement, j’ai regardé à la télévision l'émission sur l'enfant du temple, Naundorff, Richemont et les autres faux Dauphins.

    Ne connaissant que les dauphins du « Grand bleu » dont je doutais qu’ils fussent faux, j’affichais l’air de finesse de celui qui n’a rien compris au film mais entend l’expliquer aux autres.

    « - J’'ai combattu ces vagues étoiles de la grande Ourse qui dans une brume rouge /vodka, m'interdisant la plus pauvre pensée ; dis-je, un peu ivre donc vaguement poète.

    « - Voilà qui est joliment décrit ; s’exclama mon interlocuteur dans ce qui me sembla être un éclair de moquerie.

    Je le toisais, aussi pédant que pédale.

    « - Ca ne te rappelle rien ? " Vaghe Stelle dell'Orsa " ? Un film, par exemple.
    « - Je n'ai aucune culture cinématographique italienne, et d'ailleurs je n'ai aucune culture cinématographique tout court; admit il sans chercher à se faire passer pour l’imbécile qu’il n’était sans doute pas.

    Enchanté de pouvoir étaler mon savoir, j’enchainais à plaisir.

    « - " Vaghe Stelle dell'Orsa " est un vers de Giacomo Leopardi que Luca Visconti a reprit comme titre de l’un de ses films avec Claudia Cardinale et Jean Sorel, un film baptisé en français " SANDRA" et dont l'action se situe, pour la plus grande partie, dans la lumière étrusque de Volterra. Une histoire d’inceste.
    « - Je vais surveiller le "cinéma de minuit". Et en dehors de la grande Ourse, que me racontes-tu de beau ? demanda t il, pas impressionné du tout par l’étendue de mon savoir.
    « -Rien je fane dans le banal, je frisotte dans le médiocre, j'attends un rêve trop grand pour moi et qui se jetterai dans la mer, confessais je en proie à une crise de franchise aussi subite qu’incongrue.

    « - Peut-on savoir quel serait ce rêve ? glissa t-il en se rapprochant davantage.

    Je reculais, immédiatement mon siège.

    « - Celui de toutes les filles perdues aux cheveux gras, J'attends l'amoooouuuur !

    D’un regard dans lequel l’ironie le disputait à l’intérêt, pépère bigla mon crâne fraichement tondu luisant sous les néons de couleurs tel un œuf Fabergé dans une vitrine de joailler.

    « - Aux cheveux gras, vraiment ? Je te prêterais ma relique de Sainte Rita, patronne des causes désespérées ….. Elle ressemble à une rognure d’ongle collée sur un minuscule losange, et se trouve contenue dans un reliquaire qui porte le sceau de l'évêque au dos. Cependant ton rêve n'a rien d'impossible. Par contre obliger ton amant à se jeter depuis une falaise dans la mer, est peut être une clause handicapante, non ?
    « - Mes rêves se jettent dans la mer, mes amants, eux, se jettent sur mon corps !
    « - Serait ce une invite ? A tout hasard puisque cela semble t’intéresser, je me prénomme Jean-Loup avec un « P » à la fin du loup ! Comme l’animal !

    Je fis tinter les glaçons dans mon verre vide afin que mon interlocuteur pige la nécessité de commander une autre tournée s’il désirait que la conversation se poursuive.

    « - Je crains que mes dents de lait ne s’effraient de tes dents de loup.

    Ignorant à dessein l’appel surtaxé du bois-sans-soif, il pencha vers moi un visage d’un sérieux redoutable.

    « - Je pense que se serait à moi d'avoir peur.
    « - Je ne vois pas pourquoi. Que je ne te veuille pas de bien ne signifie pas que je te veuille du mal ; susurrais je aussi suave que les parfums de la roseraie de Bagatelle
    « - L'enfer est pavé de bonnes intentions, et les gentils ne le sont jamais véritablement .Mais tu ne peux pas le savoir, tu es encore tout poussinou ; cingla-t-il dans un sifflement d’une cravache.

    Pour le coup, il se foutait bougrement de ma gueule.

    « - Certes, J’aime bien l’idée d’être encore adulescent, souscris je, plus onctueux que jatte de crème.
    « - Profites-en pendant que c'est encore possible, bientôt il faudra que tu bascules dans le terrible monde des adultes-adultes, conseilla t –il, non sans amertume.
    « - Je doute que cela m'arrive de sitôt ! m’écriais-je dans un éclat de fanfare Brandebourgeoise.

    Agacé par tant de gamineries, le chonchon réprouva un mouvement d’humeur.

    « - Ce n'est pas quelque chose qui "va t'arriver", c'est quelque chose que tu dois décider de toi-même!
    « - Alors ça ne m’arrivera jamais, m’obstinais-je dans une moue de petit garçon contrarié.

    Mes gasconnades eurent l’heur de le faire marrer.

    « - Je crains que dans ton cas, ça ne soit pathologique, quand même...
    « - Nous verrons bien !
    « -TU verras bien, MOI, je ne sais pas ce que je verrai de tout ça...Apparemment tu ne semble pas très intéressé par le fait de me connaitre ; conclut-il, soudain plus glacé qu’un cœur de banquise.

    Je jouais les idiotes à la perfection puisqu’à l’évidence je n’endossais pas là un rôle de composition.

    « -C’est mon mail que tu cherches à me soutirer? Mon MSN ?

    Que je le prenne aussi ostensiblement pour un faisan le fit renauder vilain.

    « - Qu'est ce que tu veux que je fasse d’un mail? Tu ne veux pas me laisser aussi ta latitude et longitude ou tes coordonnées polaires, que je t'envoie un message en signaux de fumée ou bien en sémaphore??? Non mais sans rire... Moi je te donne le tirage du loto 06 22 xx xx xx. Fais en ce qu'il te plaira!

    « -Quelle hargne, quelle grogne, quelle rogne ! raillais je provocant en diable.

    « - Note bien les numéros gagnants quand même, au cas où...
    «- Inutile j’ai déjà joué.
    « - A quelle heure a lieu le tirage ?
    « - Dés que le Patron/barman aura terminé son service.
    « -C’est du joli ! Sais tu qu’on l’accuse de monnayer ses faveurs ; ajouta t-il mesquin après un silence lourd d’orages contenus.

    « - Hélas, passé un certain âge, plus personne ne baise gratis à Paris.
    « - Je ne sais pas, je ne baise pas, je suis vierge.
    « Je le suis également ! Ascendant pouffiasse !
    « -J’avais bien vu le coté pouffiasse.
    « -A force de me l’entendre dire, je vais finir par me convertir.
    « - A quoi, à la sodomie ?
    « - A tout! Quitte à passer pour une salope, je vais faire la totale: Fist, uro, scato. Allez, par ici le vice!

    L’expression de son visage n’était plus à l’affabilité mais au mépris.

    « - Il me semble que je me sois trompé sur ton compte. Les halls de gares, ce n’est franchement pas ma came.
    « - Pourquoi ? Tu t’y sens perdu ?
    « - Et toi, il faut te déballer sa queue pour que tu daignes montrer de l’intérêt ?
    Mais c’es qu’il commençait à me courir sur le haricot l’Oberfurher de mes valseuses.

    « -Jusque là tu étais simplement ennuyeux, voici que tu deviens vulgaire ! grinçais-je telle une vieille poulie mal huilée.

    Il se dressa sur ses ergots, la moustache soudain hirsute, me toisa méchamment de toute sa hauteur.

    « - Moué ! Et bien, vas donc retrouver des gens plus intéressants puisque tu es si malin. Finalement les garçons dans ton genre ne font envie que physiquement .Apparemment; la simplicité et le naturel sont des qualités que tu n'as pas encore acquises. A ton âge, car je suppose que tu n’as plus vingt ans, ni même trente, c’est déplorable, limite pathétique ! Bonne continuation tout de même ..."

    Sur ces belles paroles, il me planta là et quitta le bar.

    Andrea se gondola comme un bossu lorsque, outré, je lui rapportais l’anecdote.

    « - Tu baisses, ma pauvre fille, tu baisses ! Fut un temps tu m’aurais tiré au moins trois roteuses de cet Arnolphe, tandis que là, deux malheureux verres ….Et en plus il t’a laissé le ticket. Décidément, les caves se rebiffent au jour d’aujourd’hui.

    Et c’est ainsi, mes chers amis, que la nuit dernière « Mauvaise . Graine » se fit baiser deux fois de suite.