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gigolo

  • " Le jeu de la tentation."

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    Il aura suffit d’un rien pour que mon destin me rattrape à la vitesse d'un cheval emballé.


    Je ne crois pas aux coïncidences ; elles n'existent que lorsqu'une fée aux intentions malignes prend soin de les provoquer.


    En l'occurrence, cette Carabosse aux sortilèges venimeux, pris les traits adipeux de mon éternelle Archnémésis, mon génie corrupteur familier, mon " énnamie " de toujours : «  La Miss ».

    Alors que j'étais sans nouvelles de la créature depuis des lustres, cet histrion hystérique, ce vilain coq de salon, ce crotale de l'Eden, choisit de se manifester Lundi soir, à l'heure ou je m'apprêtais à quitter mes bureaux.

    Elle entra sans se faire annoncer, comme un piège que l'on redoute, onctueuse et parfumée, liante et cajoleuse, m’inonda d'une affection visqueuse, de paroles plus sucrées que confitures de roses, pleura un peu de l'œil droit tandis que le gauche détaillait avec la précision médicale d'un scanner chaque fibre de ma peau, s'enquit de mes amours, m'assomma du récit des siennes et m'invita à diner.


    J'acceptais, autant par désœuvrement que par curiosité. Je me doutais bien que le retour inopiné de cette méchante langue ne devait rien au hasard et brulais de savoir vers quels sentiers tortueux elle entendait diriger mes pas indécis.
    Je le découvris à l'issue d'un repas mortel tant par la qualité des mets dégustés, que par la redondance d'une conversation, essentiellement tournée vers le nombril de la « Miss » et ses fulgurants succès Parisiens sur la scène transformiste.

    Sans avoir l'air d'y toucher, l'ex gambilleuse m'entraina dans un nouveau bar, « So chic, sister », ou, prétendait elle, m'attendait une fort jolie surprise.

    La surprise en question trônait derrière les cylindres de verre colorés d’un comptoir dont le renflement agressif évoquait l’étrave d’un navire.

    « Baby Gigolo », semblable à, ce qu'en lui même enfin, il n'avait cessé d’être.

    Le chevalier noir de mes nuits blanches !

    La plus grande putain de l’Est Parisien.

    Le seul homme au monde, auquel je n'ai jamais su résister !

    Andrea, quoi !

    Des siècles, déjà, depuis qu'il avait choisi son camp.
    Des siècles depuis qu'il s'était embarqué, sans un mot, sans un au revoir, parmi les bagages griffés Hermès d'un notable Autrichien aussi nanti en millions qu'en années . Des sècles, qu'il nous la jouait " Gigi l'Amoroso ; no news c'était good news "....
    Trois ans que je n'avais pas pensé à lui une seule seconde.

    Rayé des tablettes, tombé aux oubliettes, effacé comme un dessin sur la buée d'une vitre.

    Sans que je l’ais voulu, il s'était estompé de ma mémoire à la manière d'un rêve érotique dont ne subsiste au réveil qu'un parfum diffus que l'on peine à associer à une peau, une chair, un corps précis.

    Il est vrai, que les parfums se souviennent mieux que nous.

    Andrea sentait le cul, la bite, le sperme, l'incarnat d'instants ou la honte le disputait à la jouissance.

    Ni fuck Buddy ni amant régulier et pourtant un peu des deux.

    Comment expliquer l'obscure alchimie qui soudain bouleverse deux personnes qui ne s'aiment pas, qui ne s'aimeront jamais, qui pas une seconde n'envisagent la possibilité d'un embryon d'histoire commune, mais qui ne peuvent résister au terrifiant élan physique qui les pousse l'une vers l'autre ?

    Nous ne nous sommes jamais cherché; nous nous sommes même fuis; nous nous sommes toujours trouvés.
    Nous avons franchis dans les bras l'un de l'autre des étapes sensuelles que nous n’imaginions pas franchir dans nos rêves les plus crus.

    " Il n'y a pas de belles histoires de cul " chantait Gainsbourg.
    A voir, mon vieux Serge, à voir !

    Et voila que nous nous retrouvions face à face ; pas plus surpris que cela au demeurant ; et voila que nous reprenions avec l'aisance de l’habitude, la conversation, là ou nous l'avions interrompue ; en plein milieu d'anecdotes salaces dont nous nous repaissions avec l'appétit sanguinaire de males dominants en compétions au sein d'une meute.

    La " Miss " jubilait tandis qu’Andrea et moi nous reconnaissions sans même nous regarder.

     

    Nous avions vieilli, mais pas changé. Nos styles de beauté se complétaient toujours aussi harmonieusement et nos corps échauffés par leur proximité s'impatientaient d'entrer en guerre.


    Les " Rhum-Carambar " que nous buvions symbolisaient assez bien l'étrange mélange de rudesse et de fondant dont se paraient nos retrouvailles.

    Paradis perdu, cercles vicieux d’un enfer à venir.

    A la fermeture, c'est sans nous concerter que nous abandonnâmes une « Miss » gentiment complice, pour marcher côte à côte, en silence dans les rues désertées.

    Andrea habitait à deux pas, un bel appartement moderne aux volumes aérés, aux tonalités sobres de vanille et de marron glacé. Un appartement de "Grand-Chasseur-Blanc" ou s'affichait sa passion de l'Afrique et de l'art tribal.
    Nous nous assîmes dans un salon dont les baies vitrées ouvrant sur un balcon en rotonde disparaissaient derrière des panneaux d'Acajou aux veines corallines.

    Sagement, l’un en face de l’autre, séparé par une table à café un peu mastoc en ivoire et bois d’ébène.

    Faute de Rhum-Carambar, nous bûmes du Gin avec du sirop de Fraises, tandis que basse et violons jouaient "le Canon de Pachelbel".

    Nous parlâmes un peu de nos vies.
    De la sienne désespérément vide.
    De la mienne si pleine qu'elle craquait de toute part.
    Nous convînmes que cela revenait au même.

    Andréa m'avoua que je l'avais cruellement blessé un jour que je lui avais jeté à la face qu'il n’était ni ne serait jamais mon ami.
    Je m'en étonnais ; il s'était toujours posé, moins en amant qu'en partenaire de sexe " itinérant " ; dégraissant nos rapports jusqu'à les priver de mots qui n'entrassent dans le cadre strict d'un jeu de rôles aux finalités nettement précisée ; or, il n'ignorait pas que mes meilleurs amis, mes complices, mes confidents, n'étaient autres que mes amoureux.
    Il voulu savoir pourquoi je ne l'avais jamais compté au nombre desdits amoureux. Je lui retournais la question sans y répondre. Il sourit, un peu triste, un peu railleur.

    « - Toujours ton esprit tordu !

    Puis il vint s’asseoir sur l’accoudoir du fauteuil que j’occupais, passa son bras autour de mes épaules tandis que j'inclinais ma tête vers la sienne.

    Il parla longtemps, dans le vide, dans la nuit, dans le ventre grommelant de la ville.
    Il dit que je l'avais toujours terrifié ou plutôt que l'absence de limites propre à notre relation l'avait toujours épouvanté ; que nos folies respectives en l'absence du moindre garde fou nous auraient entrainées trop loin, qu'il ne connaissait que trop bien ma propension à m'amouracher d'hommes fragiles, d'hommes en devenir et qu'à l’évidence, il ne correspondait pas au schéma. Il ajouta cynique, que s'il avait baisé la terre entière pour gagner sa vie, il lui suffisait, à chaque fois, de penser à moi pour parvenir à combler le moins bandant de ses michetons.

    Les hommes de ma vie m'ont souvent gratifié des compliments peu banals, mais jamais aucun ne m'avait comparé à une pilule de Viagra.

    Je choisis d'en rire, de peur d'avoir à en pleurer.

    Je répondis, et je mentais à peine, que je connaissais de lui que son sexe et que cela ne me suffisais pas ; qu'en dépit de ce rôle pernicieux de " prince des indécences " que je me plaisais à jouer, je demeurais un incurable romantique ; et au fond, tout au fond, là ou personne ne s'aventure jamais, un tout petit garçon.

    Il dit, merci bien, que je ne lui apprenais rien, et qu'on pourrait aller tirer un coup maintenant que nous avions mis les choses au clair.

    Je pensais deux secondes au corps d’Andrea; une seconde aux yeux de Christophe.

    Il m'en couta plus que je ne saurais l'avouer en ces lignes, mais, je refusais.

    Tranquillement.
    Sereinement, en apparence.

    D'un simple signe de dénégation qu'accompagnait un sourire d'excuse ; vous savez, l'un de ces sourires qui ne montrent pas les dents par crainte de mordre au fruit du péché.

    Andrea n'insista pas.
    « - Partie remise, « Mauvaise. Graine » ?
    « -Partie remise « Baby Gigolo » !

    Dans l’escalier, tandis que je prenais la fuite, je songeais que, décidément j’étais la reine des connes, qu’un bon coup de bite s’attrape par les temps qui courent à peut près aussi facilement que la cagnotte du loto et pourquoi te flagelle tu à plaisir connasse ?

    Ainsi, je fis volte-face et remontais sonner.