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Flashbacks - Page 8

  • " Chronique d'un dépucelage programmé." ( 4)

     

     

    zz-vaniacorsica-sunset.jpg« Sexe, mensonges et toiles de maitres. »

     

    Ce fut donc avec le plus parfait naturel, comme si la chose allait de sois et n’appelait aucune contestation, que je m’installais chez Stan, ou du moins chez le mystérieux « ami » de Stan.
    J’avais raconté à Sasha un bobard à ma manière, selon lequel des copains de classe seraient rentrés plus tôt que prévu à Paris en raison d’un terrible incendie dont leur résidence Varoise aurait été la proie – J’ignorais complètement s’il y avait eut des incendies dans le Var cet été là, cependant je me disais que puisque le Midi cramait à peu près tous les ans sans que ma jolie tante ne s’en préoccupa d’avantage que de ses premières socquettes, je ne risquais pas grand-chose à enflammer le Sud de la France d’Avignon à Juan-les-pins -, que les copains en question m’avaient invité à profiter de leur piscine, le soir après les répétitions, et que, tu comprends, leur propriété se trouvant située aux confins de Saint Cloud, autant dire en terre Adélie, je ne pouvais décemment exiger de leur père qu’il me ramenât boulevard Diderot à des heures indues.

    Sasha avait feint de m’écouter, feint de me croire, tandis qu’elle achevait de farder d’un beau rouge fauve sa bouche large et spirituelle, hochant de temps à autre la tête l’air de dire « Et mon cul c’est du poulet... t’en veux une aile ?», mais n’avait pas élevé d'objection majeure à ce que je me fasse la malle, posant pour seule condition que mes prouesses nautiques n’empiétassent pas sur mon « emplois » au théâtre ou je continuais donc à jouer les anges de miséricorde, comblant avec diligence et aménité tous les petits caprices des uns et des autres et particulièrement ceux de « l’infante », la malheureuse s’en allant en eaux depuis que Stan lui avait signifié son intention de ne pas réitérer « le coup du Rocking-chair », au motif que ne l’aimant pas dans la pièce il ne pouvait se permettre de l’aimer dans la vie sans altérer la sincérité de son jeu.

    Du coup, la sorcière avait reporté ses soupçons sur Sasha, laissant entendre à qui voulait bien lui prêter l’oreille que si les scènes entre le prince et Inès de Castro vibraient d’une telle intensité, en dépit des talents dramatiques extrêmement limités de leurs interprètes, c’était bien à cause d’une attirance mutuelle indéniable.

    Sasha, on s’en doute, se fichait comme d’une guigne d’un garçon qu’elle savait aussi pédé qu’un foc de baleinier, cependant , par malice, elle ne perdait pas une occasion de faire enrager sa rivale en prodiguant à Stan des attentions et des agaceries qu’il acceptait complaisamment avec une mine nantie de Nabab et un sourire narquois de joyeuse canaille.

    Etrangement, je prenais ombrage de leur complicité.

    « - C’est quoi cette combine à retourner le brouillard entre Sasha et toi ? Vous n’arrêtez pas de vous tripoter excités comme deux puces à marée basse ! Vous avez l’intention de filer au bois jouer au petit loup ? Râlais-je lorsque nous nous retrouvions chez lui après avoir emprunté des itinéraires soigneusement séparés.

    « - Pourquoi pas, elle est canon ta tante ! Ironisait-il dans un sourire élégiaque.

    « - Sur, on se ressemble ! Précisais-je comme on souligne une évidence.

    « - Dans le coté salope, votre parenté ne laisse aucun doute ! concluait-il en m’ôtant mes vêtements.

    Faire l’amour dans un lit ou on aurait put coucher Ali Baba et les quarante voleurs sans qu’ils ne s’y trouvent à l’étroit, m’était une expérience nouvelle que je goutais avec volupté, même s’il m’arrivait parfois de regretter le « Tunnel » et les acrobaties auquel son inconfort nous contraignait.

    Il me semblait que notre liaison prenait des allures mollement bourgeoises depuis que les fanfares vandales dont elle retentissait viraient au riant pizzicato des Mandolines Milanaises dans les splendeurs Impériales d’un palais d’été, posé comme un jouet scintillant au cœur paisible de l’Ile Saint Louis.

    Que Stan qui ne sortait pas de la cuisse de Jupiter mais d’un bar P.M.U de la région Nancéenne, et que l’on disait pauvre comme Job, puisse occuper, fut ce à titre d’invité, une demeure de ce standing, éveillait en moi une curiosité chaque jour plus vive, d’autant que l’identité du nébuleux propriétaire des lieues me demeurait une énigme digne de celle du Sphinx.

    Aux questions que je posais, mon amant répondait de manière allusive et voilée, n’hésitant pas, la plupart du temps à manifester un agacement propre à aiguillonner mes soupçons.
    Oui, son « ami » disposait d’une solide fortune.
    Oui, il était collectionneur et Antiquaire de son état, ceci expliquant le nombre de pièces d’exception décorant sa résidence Parisienne.
    Oui, il l’hébergeait par pure bonté d’âme.
    Non Stan n’était pas le gardien rémunéré du temple.
    Non, l’ « ami » ne séjournait pas souvent dans la capitale, ses affaires l’appelant dans le monde entier.
    Non, inutile d’insister, je ne connaitrais pas son identité, pas plus que la nature des liens l’unissant à Stan, et puis arrête maintenant, tu m’énerves à jouer les Rouletabille, on est là pour baiser pas pour élucider le mystère de la chambre jaune.
    Le plus étrange au sein de ce sirop de mélasse résidait dans le parfait manque de personnalité d’un lieu auquel l’abondance de Corot, de Matisse, de Modigliani, de xylographies d´Albrecht Durer, de bronzes signés Pierre-Jules Mène ou Van der Cruse Delacroix, Chapirus ou Cartier, d’argenterie Puiforcat et Boin Taburete, d’un mobilier griffé Duval, Majorelle, Boule, conférait une atmosphère austère, un peu inquiétante de musée fantôme, fermé aux visiteurs puisque Stan n'y recevait jamais personne .

    Excepté dans la chambre que nous occupions, sa salle de bain, et la cuisine ou nous prenions nos repas, nul désordre, nulle confusion, nulle trace de vie brouillonne ne venaient troubler l’agencement rigide des salles et salons.
    Le dressing ne contenaient rien d'autre que la maigre garde robe de Stan, le cabinet de toilette ses produits d’hygiène et de soins.
    Dans les armoires, les tiroirs, que j’explorais scrupuleusement profitant du sommeil de mon compagnon, je ne trouvais que du linge de maison, des objets usuels et sans grand intérêt. Pas de lettres, pas de papiers, pas de factures, rien en somme qui signalât que cette maison fut habitée avant que Stan ne l’occupe.
    Plus curieux encore, l’absence totale de photos, les cadres d'argent et de bois précieux sur le piano ou les commodes ne contenant pas la moindre image.
    A Croire qu’avant mon arrivé Stan s’était hâté de faire disparaître toute trace de son « ami ».

    Mon esprit tortueux en déduisit que ce dernier devait être extrêmement connu pour qu’un garçon aussi ignare que je l’étais soit susceptible de l’identifier à la vue d’une simple photographie.

    De là à imaginer que l’homme auprès duquel je dormais chaque nuit gigolait glorieusement entre les draps d’une célébrité Internationale, il n’y avait qu’un pas que je franchis allègrement, bien décidé à tirer toute cette histoire au clair.

     
  • " Chronique d'un dépucelage programmé." ( 3 )

     

    zzzzzzzzz.jpg« Le coup du Rocking-chair. »

    Assourdie, étouffée, moqueuse, la rumeur de notre liaison montait lentement des tréfonds du « Tunnel » jusqu’aux feux de la rampe.
    Bien qu’elle dissimulât à la perfection son âme étroite de grande bringue mal baisée, voire pas baisée du tout, derrière des manières délicates, des airs de poupée, un sourire amène, figé dans le sucre, le miel, le sirop de groseilles et qu’elle affichait en permanence comme si réservant à la scène l’éloquence de sentiment plus nuancés, elle eut été incapable d’exprimer, à la ville, autre chose qu’une courtoisie de circonstance, la comédienne incarnant l’infante ne redoutait personne lorsqu’il était question de foutre le bordel.

    Aussi, un soir qu’elle trainait dans la loge de Stan sous prétexte de répéter quelques dialogues qu’elle maitrisait mal, lui demanda-t-elle, à brule pourpoint et sans se départir de ses grâces pâmées, s’il couchait avec moi, auquel cas, ajouta-t-elle dans un brusque élan de vertu, elle se verrait contrainte d’en informer Sasha, puisqu’en dépit de ma haute taille, de mes larges épaules, de mes jambes de champion cycliste, de mon esprit bien trop acide pour mon âge et de mes yeux « déjà vieux », je n’en demeurais pas moins un enfant et qu’il lui semblait , somme toute, obscène qu’un trentenaire aguerri profitât des candeurs, certes équivoque, d’un petit garçon pour lui « refiler des arthroses anales ».

    Avec une sobriété de jeu digne d’un « Molière », Stan haussa négligemment les épaules, acheva sans hâte sa cigarette, avant de répliquer qu’il ne voyait pas du tout dans quel marécage elle avait put pêcher pareille sornette, qu’il éprouvait, en effet, beaucoup de sympathie pour moi, que mon inculture, mon insolence, mes airs de matamore l’amusaient énormément, mais qu'il n'entendait nullement attenter à mon honneur, à supposer que je ne l’ai déjà égaré au Diable vauvert, puisqu’il n’avait pas le gout des éphèbes! Et de façon à le lui prouver sans contestation possible, il renversa la donzelle dans un rocking chair, dont les cadences chaloupées lui furent d’une aide providentielle pour amener la vipère au paradis.

    Je crois, de toute ma vie, n’avoir jamais ri d’aussi bon cœur que lorsque, le lendemain, encore sous le choc, Stan me rapporta l’incident.

    « - C’est tout l’effet que ça te fait ? Se scandalisa le martyre.

    « - Attends, Stan, tu as accroché la fourrure de l’autre salope à ton porte manteau, on ne va appeler Fox Mulder pour autant. Reste que nous voilà grillés, maintenant ! Remarque, moi je m’en fiche. Dés que mon père rentre d’Afrique du Sud, je réunis toute la famille et je déballe le paquet cadeau.

    « - Tu fais ce que tu veux du moment que tu ne m’impliques pas. J’ai une carrière, je te signale !


    Je me mordis les lèvres pour ne pas lui faire remarquer qu’un rôle récurant dans une sitcom tournée des années plus tôt sous le soleil de Babelwed les pins, une publicité à la gloire d’un lave- linge, une poignée de panouilles chez Navarro ou Julie Lescaut et une future apparition au théâtre, ne justifiaient pas, à mon sens, l’emploi d’un terme aussi solennel que « carrière ».

    « - Donc on arrête tout ? Demandais je un peu inquiet que ce grand lâche ne réponde par l’affirmative.

    « - On arrête au théâtre! En dehors on n’est pas obligé. Ton père est absent, je crois…..

    « - Oui mais non, c’est pas suffisamment le carnaval dans mon slip pour que j’aille tremper le petit gavroche sous le toit de papa, et avec un mec en plus, sans lui en avoir parlé d’abord ! T’as pas de maison, toi, peut être ? Tu vis dans un carton sous le pont Alexandre III ?

    Embarrassé, Stan se balançait d’un pied sur l’autre avec des grâces balourdes de Grizzli.

    « - Ouais, bien sur que j’ai un appart, finit il par dire au bout d’un long silence gêné. En fait c’est compliqué ! Je loge chez un ami et…..

    Je ne lui laissais pas l'occasion de terminer sa phrase.

    « - T’as un mec, c’est ça ? T’inquiète Totoche, même si ça pouvait nous ramener Joe Dassin, y a peu de chances que je cabane dans les quadripôles!

    « - Mais qu’est ce que tu vas chercher toujours midi à quatorze heures ? S’impatienta Stan tout en m’attirant contre lui. Si j’avais un mec je te l’aurais dit, espèce de bourricot sans cœur! Je te parle d’un ami, d’un ami très cher.

    Je boudais, sans toutefois pouvoir m’empêcher de lui caresser les couilles à travers l’étoffe de ses jeans.

    « - Bien sur, et ma mère est vierge également !

    Il ôta ma main de son entrejambe de crainte qu'elle ne communique le feu à une matière des plus inflammable, me repoussa un peu durement. Un grand pli de contrariété lui barrait le front.

    « - Arrête, merde, V. Tu es pire qu’un môme!

    Je riais doucement, adossé à la porte des toilettes ou nous avions trouvé refuge.

    « - Je suis un môme, Staniland !

    Il revint vers moi, enserra mon visage de ses mains comme s’il voulait le réduire en poussière, puis m’embrassa avec une telle sauvagerie que nos dents s’entrechoquèrent tandis que notre baiser se teintait d’un gout de sang.

    « - Tu as gagné sale môme, grommela t il contre ma bouche, on se retrouve chez moi après la repet. Tu es content ? Nos brèves rencontres n’auront plus lieu. En revanche trouve une excuse pour passer la nuit dehors. Je n’ai pas l’intention de te laisser filer avant l’aube, moi. Il va falloir que tu me le paies très cher, le coup du Rocking-chair !

     

  • " Chronique d'un dépucelage programmé." ( 2 )

     

    " Coulisses."

     

    zzzzzzzz-v-by-fxm94.jpgElle serpentait sous la scène, la rampe, le parterre, le foyer, allait se perdre dans des profondeurs ou le théâtre bougonnait ses humeurs capricieuses tel un très vieux cabot mâchant entre ses dents des paroles indistinctes, remontait brutalement vers les étages pour repiquer aussitôt suivant une pente vertigineuse en direction du hall sur lequel elle débouchait.


    Cette galerie alambiquée , entrecoupée de courts paliers, de volées de marches en colimaçons, de passages en arceaux ou il fallait se courber pour ne pas heurter de la tête les rouages d’une machinerie dont on ne savait trop à quoi elle servait, et que l’on appelait « Le Tunnel » comme s’il s'agissait d’une attraction de fête foraine ou d’un énigmatique boyau bruissant d’ombres et de périls qui aurait mené les plus téméraires jusqu’à une hypothétique salle aux merveilles, bien qu’elle fut encore éclairée par de faibles ampoules et soigneusement fléchée , n’était plus empruntée depuis qu’à la libération de Paris les F.F.I s’y étaient réfugiés pour échapper aux tirs Allemands.

    Je trouvais ce labyrinthe follement romanesque. Il me semblait, lorsque Stan m’y entrainait dans une course haletante contre le temps et qui se fichait bien des risques encourus, il me semblait que je galopais de toute ma vigueur dans la magie d’un film de Truffaut et qu’à tout moment, à l’angle de n’importe quel virage, Catherine Deneuve pouvait apparaître, retenant d’une main les velours incarnat de sa robe du soir lacérée tandis que de l’autre elle élevait vers un visage tendu de conspiratrice le feu brasillant d’une lampe tempête.

    Au plus profond du gouffre, presque ‘à demi dissimulée derrière les plaques de carton pate d’un décor Florentin représentant la silhouette en lambeaux de Santa Maria dei Fiore, une vielle banquette, rouge, pelucheuse, poussiéreuse, achevait de moisir . C’est sur ce siège douteux ou j’imaginais que tant de culs illustres avaient étalés leurs rondeurs satisfaites les soirs de Générale, que nous faisions l’amour, aiguillonnés par la hâte et la crainte, retenant nos cris, nos gémissements, nos fous rires, nous cassant la figure plus souvent qu’a notre tour , nous relevant aussitôt , salis, esquintés mais toujours disposés à continuer la bataille.

    On a peur de rien lorsqu’on a 15 ans et surtout pas d’un amour qui ne daignait pas montrer sa face suave et sotte de chérubin, puisqu’il n’était question entre Stan et moi que de sexe, enjoué ou sévère, brusque ou caressant, dépravé ou benoit, mais débarrassé des scories sentimentales avec lesquelles ni l'un, ni l'autre n'avions l'intention de nous compliquer l'existence.
    De sa vie en dehors du théâtre, je ne savais rien et ne cherchais pas à savoir.
    Seuls m’importaient les plaisirs que nous partagions et dont, une fois débarrassé de ma virginité comme on se débarrassé d’une corvée fastidieuse, je devenais chaque jour un peu plus dépendant, Stan comblant au centuple tous les espoirs que j’avais mis en lui. De là à ce que je me prenne pour Sarah gaillardement bousculée par Mounet-Sully dans des extases rococo-"1900", il n'y avait pas loin!

    Toutefois, s'il me restait encore quelques doutes concernant mes dispositions à préférer les garçons, l’obscurité chancie des coulisses d’un théâtre, les dispersa comme les rayons du soleil dispersent en gouttes de lumière le givre aux bouches des fontaines.

    J’étais pédé, définitivement pédé, ni fâché ni honteux de cet état, même si je n’exultais pas d’imbécile fierté, pédé à tel point que je raisonnais déjà en parfaite petite salope, rêvant parfois, tandis que Stan me prodiguais une de ces gâteries dont il avait sinon le secret du moins le talent de bien faire, à tous ces merveilleux garçons qui dés la rentrée repeupleraient Paris de leurs grâces équivoques et auxquels, à peine effarouché pour la comédie, cependant un rien trivial par gout de la fanfaronnade, je révélerais mes nouvelles et précieuses compétences.

    Ma candeur tout juste écornée, ignorait encore que rien, pas même la plus potinière des reines pédoques, et bien qu’il ne soit pas interdit de cumuler, n’est plus cancanier, clabaudeur, papotier, qu’une troupe de théâtre et que je me précipitais au devant d’une de ces bouffonnerie ridicule que la vie semblait prendre un vilain plaisir à me destiner , à moins que je n’eusse inconsciemment la malice de les provoquer moi-même.