Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

julie lescaut

  • " Chronique d'un dépucelage programmé." ( 3 )

     

    zzzzzzzzz.jpg« Le coup du Rocking-chair. »

    Assourdie, étouffée, moqueuse, la rumeur de notre liaison montait lentement des tréfonds du « Tunnel » jusqu’aux feux de la rampe.
    Bien qu’elle dissimulât à la perfection son âme étroite de grande bringue mal baisée, voire pas baisée du tout, derrière des manières délicates, des airs de poupée, un sourire amène, figé dans le sucre, le miel, le sirop de groseilles et qu’elle affichait en permanence comme si réservant à la scène l’éloquence de sentiment plus nuancés, elle eut été incapable d’exprimer, à la ville, autre chose qu’une courtoisie de circonstance, la comédienne incarnant l’infante ne redoutait personne lorsqu’il était question de foutre le bordel.

    Aussi, un soir qu’elle trainait dans la loge de Stan sous prétexte de répéter quelques dialogues qu’elle maitrisait mal, lui demanda-t-elle, à brule pourpoint et sans se départir de ses grâces pâmées, s’il couchait avec moi, auquel cas, ajouta-t-elle dans un brusque élan de vertu, elle se verrait contrainte d’en informer Sasha, puisqu’en dépit de ma haute taille, de mes larges épaules, de mes jambes de champion cycliste, de mon esprit bien trop acide pour mon âge et de mes yeux « déjà vieux », je n’en demeurais pas moins un enfant et qu’il lui semblait , somme toute, obscène qu’un trentenaire aguerri profitât des candeurs, certes équivoque, d’un petit garçon pour lui « refiler des arthroses anales ».

    Avec une sobriété de jeu digne d’un « Molière », Stan haussa négligemment les épaules, acheva sans hâte sa cigarette, avant de répliquer qu’il ne voyait pas du tout dans quel marécage elle avait put pêcher pareille sornette, qu’il éprouvait, en effet, beaucoup de sympathie pour moi, que mon inculture, mon insolence, mes airs de matamore l’amusaient énormément, mais qu'il n'entendait nullement attenter à mon honneur, à supposer que je ne l’ai déjà égaré au Diable vauvert, puisqu’il n’avait pas le gout des éphèbes! Et de façon à le lui prouver sans contestation possible, il renversa la donzelle dans un rocking chair, dont les cadences chaloupées lui furent d’une aide providentielle pour amener la vipère au paradis.

    Je crois, de toute ma vie, n’avoir jamais ri d’aussi bon cœur que lorsque, le lendemain, encore sous le choc, Stan me rapporta l’incident.

    « - C’est tout l’effet que ça te fait ? Se scandalisa le martyre.

    « - Attends, Stan, tu as accroché la fourrure de l’autre salope à ton porte manteau, on ne va appeler Fox Mulder pour autant. Reste que nous voilà grillés, maintenant ! Remarque, moi je m’en fiche. Dés que mon père rentre d’Afrique du Sud, je réunis toute la famille et je déballe le paquet cadeau.

    « - Tu fais ce que tu veux du moment que tu ne m’impliques pas. J’ai une carrière, je te signale !


    Je me mordis les lèvres pour ne pas lui faire remarquer qu’un rôle récurant dans une sitcom tournée des années plus tôt sous le soleil de Babelwed les pins, une publicité à la gloire d’un lave- linge, une poignée de panouilles chez Navarro ou Julie Lescaut et une future apparition au théâtre, ne justifiaient pas, à mon sens, l’emploi d’un terme aussi solennel que « carrière ».

    « - Donc on arrête tout ? Demandais je un peu inquiet que ce grand lâche ne réponde par l’affirmative.

    « - On arrête au théâtre! En dehors on n’est pas obligé. Ton père est absent, je crois…..

    « - Oui mais non, c’est pas suffisamment le carnaval dans mon slip pour que j’aille tremper le petit gavroche sous le toit de papa, et avec un mec en plus, sans lui en avoir parlé d’abord ! T’as pas de maison, toi, peut être ? Tu vis dans un carton sous le pont Alexandre III ?

    Embarrassé, Stan se balançait d’un pied sur l’autre avec des grâces balourdes de Grizzli.

    « - Ouais, bien sur que j’ai un appart, finit il par dire au bout d’un long silence gêné. En fait c’est compliqué ! Je loge chez un ami et…..

    Je ne lui laissais pas l'occasion de terminer sa phrase.

    « - T’as un mec, c’est ça ? T’inquiète Totoche, même si ça pouvait nous ramener Joe Dassin, y a peu de chances que je cabane dans les quadripôles!

    « - Mais qu’est ce que tu vas chercher toujours midi à quatorze heures ? S’impatienta Stan tout en m’attirant contre lui. Si j’avais un mec je te l’aurais dit, espèce de bourricot sans cœur! Je te parle d’un ami, d’un ami très cher.

    Je boudais, sans toutefois pouvoir m’empêcher de lui caresser les couilles à travers l’étoffe de ses jeans.

    « - Bien sur, et ma mère est vierge également !

    Il ôta ma main de son entrejambe de crainte qu'elle ne communique le feu à une matière des plus inflammable, me repoussa un peu durement. Un grand pli de contrariété lui barrait le front.

    « - Arrête, merde, V. Tu es pire qu’un môme!

    Je riais doucement, adossé à la porte des toilettes ou nous avions trouvé refuge.

    « - Je suis un môme, Staniland !

    Il revint vers moi, enserra mon visage de ses mains comme s’il voulait le réduire en poussière, puis m’embrassa avec une telle sauvagerie que nos dents s’entrechoquèrent tandis que notre baiser se teintait d’un gout de sang.

    « - Tu as gagné sale môme, grommela t il contre ma bouche, on se retrouve chez moi après la repet. Tu es content ? Nos brèves rencontres n’auront plus lieu. En revanche trouve une excuse pour passer la nuit dehors. Je n’ai pas l’intention de te laisser filer avant l’aube, moi. Il va falloir que tu me le paies très cher, le coup du Rocking-chair !