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  • " Depression au dessus du jardin."

    zzzzzzzzzzzzzzzv-j-0215.jpgJ’ai changé, ne me déplaise !
    Enormément ! En peu de temps !
    Est à cause du passage périlleux à la trentaine ?

    Est-ce à cause de Christophe ? De notre relation désastreuse semblant ne vouloir ricocher que dans des directions défavorables ?

    Naguère , mon énergie , ma vitalité , mon intenable impudence , cette manière éhontée de ne pas tenir en place sans jamais chercher la mienne ,de semer des tempêtes pour un tout , pour un rien , pour un tout petit rien ; de vivre mes amours comme on force un blocus , de les immoler ces amours sur des buchers aux allures de gaillards feux de plages , ce sacré chambard accompagnant la désinvolture de mes envols vers d’autres bras , d’autres draps ,d’autres impostures ; faisaient de mon existence un déluge , un océan en furie.
    Déluge, j’en ai brisé des digues, j’en ai inondé des plaines, j’en ai submergé des montagnes, dévalé des précipices.

    Océan, j’en ais fait des vagues, toutes identiques, toutes différentes!
    Berceuses de barcasses, chavireuses de chalutiers, briseuses de cargos.
    Vous n'en avez pas passé une, que déjà, la suivante se pointe en rafale.
    Elle vous prend en traitre , elle vous soulève , elle vous élève vers ce que croyez être le soleil , elle vous attire puis vous repousse , elle vous enveloppe , elle vous borde , elle vous déborde , elle vous roule , elle vous boule , elle vous envoie valdinguer dans les abysses .

    Vous avez de l'eau dans les yeux et les oreilles, du sel vert et acide dans les narines, un bouquet d'algues pourries dans la bouche ; si vous ne vous noyez pas, Dieu est avec vous.

    Ou le diable, allez savoir !

    La vie ça s'appelle la maladie que j’ai attrapée en naissant.
    La vie magistrale. La vie plus grande que la vie !
    « Biger than life » en français tel qu'on le cause.
    La vie broyeuse d'autres vies. La vie exigeante, impitoyable, immense et animale.
    La vie torrentielle !

    Mais voici que les temps changent. L’océan est une flaque, le déluge une bruine, « Mauvaise. Graine » une épave.

    La vie , ma vie , cette vie , je la régurgite en un lent , long ,lancinant écoulement , une sanie noire et malsaine , qui me laisse faible, appauvri, vagissant comme au creux d'un berceau .

    Pourquoi on se lève, pourquoi on se couche, pourquoi on bosse, pourquoi on baise, pourquoi on baise plus ?

    Pourquoi fais-je semblant d’écrire ?

    Pourquoi ses longs yeux d’ambre liquide ce sont ils changés en deux petits lacs gelés, ternes, occultes ?

    Je fus , pour l'unique fois de ma vie , un petit ami parfait , un ami parfait , un amant parfait . J'ai enchanté ses nuits, ses jours et ses rêves. Je lui ai offert des voyages autour de mon lit, des bouquets de rire, de perles, de mots. Je l’ai consolé, je l’ai cajolé. Je l’ai rendu plus beau que beau. Je l’ai baisé à m'en peler la bite.

    Je fus le roi, le fou, l’illusionniste, l'esclave accroupi.

    Je suis une cloche !

    Ce soir, nous sommes passés à un poil de cul de la catastrophe, à un frisotis du dernier Bing Bang.

    Je le voyais venir et je serrais les poings.

    Cette douceur dans la voix, cette fièvre soudaine hachant son débit, ces hésitations, ces phrases qui finissaient en soupirs, cet abandon que je ne lui connaissais pas.

    Les mots qu'il n'osait prononcer déchiraient l'opacité de son silence.

    J'ai prié : pas maintenant, pas déjà, pas comme ça !
    Il a compris, je crois.

    Il a dit : « -Bon, je me couche, moi ! Dors bien fais de doux rêve !
    « _ Ok, bonne nuit.
    « _ Tu sais, je ....
    « _ Tais toi !

    J’ai quitté la chambre.

    Deux heures du mat et des minutes.
    Fin de partie au Sans-soucis !
    Au rez -de- chaussée j’ai récupéré une bouteille de Vodka, beaucoup de glace !

    A présent, gelé comme un coing, presque délivré de la conscience de mon corps, l'esprit en déroute, le cœur calebasse battant sous des paumes africaines, j’attends de sombrer dans ce « sommeil ivre » dont parle Rimbaud.

    En pure perte !

    A cette heure de la nuit et dans l'état ou je me trouve, j’oublie d’ordinaire la cause de mes tourments.
    Je me sens même, la plupart du temps, assez d'humeur à me lancer dans des digressions illuminées sur la vie, l’amour, la coiffure, le vin.

    Le point de non retour atteint, déjà en terre lointaine, les mots me viennent comme des chocs, pitreries, agressions, jetés battus, « je-t-ai-battu », hideuses têtes d'Iokanaan au poing sanglant de Salomé.

    La logique ainsi qu’un petit pantin désarticulé, funambule sur un fil ténu, tendu entre deux paradoxes. Les idées fusent, fusionnent, s'estompent aussitôt.

    Délire, verbiage, clairvoyance.

    Références aux princes de la cuite: Baudelaire, Apollinaire, Audiard, le grand serge!

    "Dépression au dessus d'un jardin
    Ton expression est au chagrin
    Tu as lâché ma main
    Comme si de rien n'était.
    De l'été c'est la fin
    Les fleurs ont perdu leurs parfums
    Qu'emporte un à un
    Le temps assassin."

    Gonflé d’importance, pédagogue sentencieux, je cherche à me convaincre, à coups d’aphorismes d'argile, que l'alcoolisme pas plus que l'amour n'a besoin de raisons. Que l'on cherche toujours des excuses plus que des explications. Que j’aime boire moins par goût de l'alcool que pour l'ivresse qu'il procure.

    Que je bois pour oublier.

    Oublier qui ? Oublier quoi ?

    Oublie-moi toujours, jamais je ne t’oublierais.

    Le crabe dans les vapes affute ses ciseaux. L'alcool sur la plaie fait comme du sel, il brule sans cautériser. Il n'a ni beauté ni bonté.

    Pouvoir thérapeutique ?

    A dose homéopathique, sans doute.

    Quatre verres de vin te feront le cœur sain, le sang fluide, les artères souples.

    Quatre verres de vins ? Cuite mesquine !

    Moi, je bois tel un soudard, pour la destruction et la gloire.
    Gloire des armes, gloire des larmes, gloire mensongère des tréteaux, gloire des fontaines et des Bacchantes, gloire chavirante des bateaux.

    Boire pour s’oublier, se transmuter, se transformer.

    En quoi ? En objet de risée, en dindons de farces bouffonnes ?

    C'est une maladie que l’alcoolisme, une maladie honteuse.

    Les cancéreux apitoient, les alcooliques prêtent à rire. Ils quêtent de l'amour et ne récoltent que des lazzis.

    Ce soir je pourrais tuer pour une déclaration d’amour !

    Une qui aurait de la gueule, de l’allure, du panache !

    Comprenez moi, je suis comme Sophie Marceau dans " La boum 13 : Romance à l'hospice ", je n'ai rien contre le fait qu'on me dise " je t'aime "; mais pitié Messieurs, un peu de classe, un peu d’audace, un peu d'originalité !
    Soignez le décor, soignez la présentation ; mettez un costard et genou à terre. Sortez les fleurs et les confettis, les revolvers et les couteau. CInvoquez les violons de Baudelaire, les orages furibards des sœurs Brontë, le technicolor flamboyant des mélos de la «  MGM  ».

    Ne le dites pas au téléphone.

    Encore moins par SMS.

    Surtout pas sur MSN.

    Par signaux de fumée, à la limite vous le pouvez.

    A condition de vous appeler Sitting Bull, bien sur.

    Ah, vous vous appelez Christophe ?
    Glad to met You. My Name Is Graine, Mauvaise. Graine !

    Vous êtes un petit breton, fils de la pluie et des marées. Dans ce cas, donnez-vous un petit peu de mal.

    Faites rugir l’Atlantique, faites gueuler les goélands, chapardez les mots de Chateaubriand et faites m'en offrande.

    " Mon dernier rêve sera pour vous "

    Vous devez vous dire, elle est mignonne la « Mauvaise. Graine » ; mais c'est un truc de midinette que d'accorder tant d'importance à deux notes et demi de musique que certains vous chantent aussi souvent que " Bonjour comment ça va ? " dans une journée ; que de toute façon, il n'y a pas d'amour mais des preuves d'amour et patati et patalaire, l’infini à portée des caniches.

    Peut être avez vous raison.

    Moi, je suis persuadé qu’un " Je t'aime " n'est jamais innocent.
    C'est une balle de revolver qu'un " Je t’aime ».

    Ou il vous effleure sans vous blesser, ou il vous explose le cœur.

    Tant qu'a faire, s'il doit me tuer que se soit en apothéose.

    Je veux des fanfares et des vivats, des serpentins et des ballons, un ciel tonnant de 14 Juillet.

    Et tant pis si au fond, moi, je ne l’aime plus.

  • " Dernier été à Tanger"

    zzzzzzzz-art.jpgChris encore, Chris toujours !
    Si vous en avez assez de mes Chris par ci, Chris par là, vous pouvez bien me le dire, les commentaires servent à ça. Mais si je ne vous parle pas de Chris je vous parlerais d’autres garçons fondus dans le même creuset, alors autant vous entretenir de celui du moment.


    « Le garçon du moment » : Dieu que cette expression semble cynique.
    « Le garçon du moment » comme le dernier gadget de « Pif » ou le parfum du mois.


    La tendance actuelle, celle dont on sait bien qu’elle passera plus vite que le café, qu’elle sera remplacée par une autre, pas forcément plus agréable, pas forcément différente même, mais subtilement autre, suffisamment inhabituelle en tous cas pour qu’on lui trouve la fraicheur verte et moussue des sources vierges.
    Mes amants avaient tous les yeux obliques des poisson-chat, parfois le même prénom, du gout pour une certaine barbarie à face d’archange, des rébellions de poulains débâtés ; seul changeait le regard que chacun d’eux portait sur moi et qui me faisait me sentir dissonant, discordant, mais neuf et comme rajeuni.

    Du reste, je ne songe jamais lorsque je rencontre un homme : « Celui là sera mon dernier amour, mon dernier rêve sera pour lui ».

    Je trouve un peu sinistre de s’entendre dire « Je veux vieillir avec toi » même si l’idée de vieillir ensemble, à deux, cote à cote me parait belle en soi. A la limite je préfère la brutale franchise d’un « Nous ne vieillirons pas ensemble ! ».

    J’ai besoin de garder l’impression que ce qui existe aujourd’hui n’existera peut être plus demain. Cela me permet de rester ouvert, d’échapper à la pause, aux grandes attitudes mélodramatiques.

    En revanche il m’est arrivé d’aimer à nouveau un homme que j’avais aimé par le passé. J’ai besoin de penser qu’il reste toujours quelque chose d’un amour, en latence, en attente : une empreinte, une blessure, une braise.


    J’ai du désir pour Chris, parce qu'il est jeune, beau et intelligent. Cependant, très vite, je me suis rendu compte que cela ne me suffisait pas.

    En fait Chris ressemble au garçon opaque et lumineux que j’étais à son âge. Dire que je me retrouve à travers lui me semble toutefois un peu exagéré.

    C’Est d’avantage un parfum que je retrouve au travers de ses immenses ambitions, son appétit de conquêtes, sa détermination à avancer quoi qu’il lui en coute ; le parfum doux amer de mes rêves avortés.

    Jamais je ne lui avouerais qu’il ne peut me faire souffrir. Un homme qui ne peut pas vous faire souffrir, c'est un homme qu'on peut aimer mais avec une certaine limite, qui n'a pas d'emprise sentimentale sur vous.

    Alors, est ce là la pierre de touche d’un amour ?

     



    D’un autre coté la souffrance lorsqu’elle vous vient d’un homme aimé est une souffrance très particulière.


    « Souffrir par toi n'est pas souffrir" chantait Julien, voilà longtemps.


    Pour mesurer le degré de mon sentiment envers Chris , je suis bien obligé de reconnaître que je ne peux souffrir par lui, donc, par extension , que mon amour est limité.


    Nous nous sommes rencontrés en Sardaigne.
    Chris guidait un groupe de touristes Grands Bretons à la découverte du bassin Méditerranéen ; je profitais de quelques jours de vacances dans la jolie maison blanche et bleue du dernier mari de ma mère.


    Il n’y eut ni feu d’artifice, ni lâché de ballons, pas même un frisson d’aile dans un ciel dévoré de soleil. Juste une évidence, une simple et banale évidence.
    L’évidence que nous nous complétions parfaitement, que « nous allions bien ensembles » ; l’évidence que nous irions encore mieux ensembles une fois nus.


    Nous avons ri, nous avons bu, nous avons dansé, nous avons fait l’amour à nous en écorcher la peau puis Chris est parti pour Syracuse.


    On s’est dit ciao, c’était sympa et on s’appelle, promis !


    Personne n’y croyait réellement tant les amours de vacances ressemblent à des parenthèses enchantées que l’on referme en même temps que nos valises.


    Puis contre toute attente Chris a appelé.


    Je négociais un contrat à Tanger, lui par un de ces hasards bêtes de la vie se trouvait à Rome.


    Il a dit :

    « -Ce n’est pas grave, je termine mon tour demain et rien ne m’oblige à rentrer de suite à Paris. Attend moi.


    J’ai dit : « Je t’attends. »

    On m’avait conseillé, dans Tanger, de passer par le très pittoresque Café Marhaba al Hafa.

    De sa terrasse en degrés, creusée à flanc de falaise, ou les chats paressaient parmi les fleurs sauvages, on apercevait la côte Espagnole.

    Naguère, le "Hafa", dont la particularité est de ne pas servir de Café mais uniquement du thé Marocain, accueillait aussi bien les Beatles ou les Rolling stones que Paul Bowles et Jack Kerouac.

    Aujourd’hui si l’on peut toujours se régaler d’un délicieux thé à la menthe sur ses tables dépareillées, on y vient surtout pour s’y procurer le meilleur cannabis de toute la côte.


    Chris et moi avons fait emplettes de quelques boulettes puis nous sommes remontés fumer tranquillement au bord du précipice.


    Chris a dit qu’il n’y avait rien devant nous, sinon le vide et la falaise.
    J’ai répliqué qu’au contraire, il y avait la mer, plus loin l’Espagne et encore plus loin l’Europe toute entière.


    Chris a secoué la tête tout en tirant sur son joint.


    « -Tu te trompes, il n’y a que le vide et l’attrait du vide. L’envie de se pencher jusqu'à ce que l’idée de tomber fasse mal.


    J’ai passé un bras affectueux autour de son cou, attiré sa tête blonde vers mon épaule.


    « -Et toi, qu’est ce qui te rattrapes dans ces moments là ? Ais je demandé d’une voix légèrement embrumée par le shit.


    Chris s’est dégagé un peu brusquement de mon étreinte protectrice.


    « -La même chose que toi V. Le fait de vouloir à nouveau ce vertige. » A-t-il répondu en me regardant bien en face.


    J’ai su alors, qu’en dépit de son jeune âge et de son inexpérience, celui là me devinais mieux qu’aucun de ses prédécesseurs n’avaient su le faire.


    Ce soir là, au bord de la falaise Hafa, moi qui n’ai connu d’autre vertige que celui des hommes et de la nuit, je me suis vu tomber comme en un tourbillon dans les yeux dorés du garçon qu’aujourd’hui encore je redoute d’aimer si peu, d'aimer si mal.

    JULIEN CLERC: " Souffrir par toi n'est pas souffrir"
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  • " Rechutes névrotiques."

    zzzzzvania-dior.jpgA mon rictus mauvais, il devient extrêmement clair que « Monsieur de… » Va se prendre un pavé dans la barbe.
    Motif de la punition : son refus de s’habiller sous prétexte que seuls « les ploucs se déguisent en pingouins pour diner. »


    Il gamine, l’adorable !
    Il donne dans le caprice vétilleux, la volte face candide.
    Il narquoise, aussi, l’effronté!


    Caustique, un tantinet provocant.


    « - Tu es beau comme un livre d’images, mon ange ! Tu rends hommage à Stendhal ou à Jeanne Mass, là ? » Nargue t'il en reluquant ma sublime panoplie rouge et noir.


    Je t'en foutrais des livres d’images !

    La Bible, version Gustave Doré, tu vas te la bouffer, histoire d'en voir de plus près les enluminures! Et si je me sens d'humeur je rajouterais au compte quelques coups de grolle dans le train en guise de bénédiction Urbi et Orbi !

    C’est donc en jeans informes et T-shirt délavé, barbe rude sur menton rond, cheveux coiffés aux doigts, que "Monsieur de...", sans pour autant se départir de son grand air Régence, dinera.


    De là à imaginer qu’il finirait à peu près nu …..

    J’ignore ce qui se passe dans sa caboche, mais il me fait des rechutes névrotiques en série ces jours ci, le "Cricri d’amour" !

    La faute au picolo, parait il !

    Moi je veux bien ; mais ce ne sont pas deux coupes de champ' en apéro, une quille de rouquin au cours d’un diner dont les seules entrées suffiraient à nourrir Al-Genaïna et ses faubourgs pour les trente années à venir, une lichette de « Parfait Amour » histoire de faire glisser les agapes ; qui me le rendent plus schlass qu’un équipage de matelots Polonais dans la plus pourrie des basses villes de la plus crapuleuse des garnisons portuaires.

    Ou alors il biberonne en cachette, je ne vois pas d’autre explication !


    Dans un premier temps, « Monsieur de … » a le Jaja folâtre.
    Primesautier.
    Un rien mutin, à peine trivial.


    Ca vous lèche la joue, ça vous bave dans le cou, ça vous papouille, ça vous gratouille l'entrecuisse, ça défait, d’un doigt malicieux, le nœud de cravate que vous avez mis trois heures à réussir, ça vous glisse des salaceries dans le creux de l’oreille en oubliant de baisser le ton de façon à ce que toute l’assistance puisse en profiter !
    Je vous jure, seuls les malheureux en coma dépassé au dernier étage de l’Hôpital Princesse Grace méconnaissent encore les brusques envies de sucette surprise que manifeste l’infâme entre le homard et la gelinotte.


    Vous croyez que ça embarrasserait la compagnie, vous ?


    Pensez donc !
    C’est au contraire la surenchère dans l’égrillard, l’escalade dans le graveleux, la grimpette dans le grivois.


    On naufrage dans le salé, le plébéien, le gras du bide !
    Quatre vingt chasseurs, ourdés au douze degrés, s’en payeraient des roseurs de premières communiantes.

    Dandy romantique en redingote sable, camélia crème à la boutonnière, l’œil un peu au loin comme s’il visualisait des féeries dans la moire des baies vitrées, le sublime cousin détaille avant la nuit ne pète en feux d'escarboucles, les quinze manières différentes de se faire plaisir avec un Fleshlight.

    (Commentaire de Chris à mon intention : « Je suis sur que tu en connais plus de quinze toi, salope ! »)



    Nue sous l’écume dorée d’une résille de métal et de soie, une grande statue d'Abyssinie que l'on pensait miséricordieusement muette avant qu'elle ne se mette à égrener des rosaires de conneries, se demande, sans même se marrer, si elle ne serait pas un peu lesbienne puisqu'accro à la jouissance clitoridienne, laquelle comme chacun sait enlève de l'importance aux hommes.

    (Etonnement du futur ex homme de ma vie : « Elles sont QUE clitoridiennes les lesbiennes ? »)

    Mais le pire vient d’une sorte de long glaïeul fanant, vraisemblablement dépucelé par Monsieur frère du Roi dans les jardins du Palais Royal, qui, sur l’air connu du « c-était-mieux-avant »,radote ses frasques sépia à la belle époque des bordels pour garçons chers au Baron de Charlus, des vespasiennes ou l'on draguait dans des vapeurs d'égout , du grand cirque travesti déroulant ses serpents de plumes irisées sur la scène d'« Arthur »,des tangos interlopes découpant leurs ombres chavirées contre les laques rouges de la « villa d’Este ».

    (Irritation de la barbaque givrée assise à mes cotés « Il va fermer son claque merde, « Jurassic Park » ! Il nous joue quoi là ? L’amour au temps des brontosaures ? »)



    Le reste des convives présente peu d’intérêt.


    Une bande de cancanières encore pire que moi, capables de raconter que j’ai tourné hétéro, d’aller colporter cette ignominie dans Paris, partout, comme ça, juste pour nuire !


    Elles jacassent entre elles, embrouillaminis de cocus, peines de fion et gigolos venus du Danube.


    Il ressort de leur babil que ça prostipute toujours pas mal le long de la Riviera, même si les ragazzi, farabutti et autres mascalzone Pasoliniens se sont vus détrôner par des Apollons Bulgares, des cuirassiers de Moravie, des hercules tartaro-mongols.


    Le nec plus ultra de la bogossitude cosaque.


    Un peu Michel Strogoff, un peu Prince Muichkine.
    Moitié Attila, moitié Folle de Chaillot.


    En matière d’Orientalisme de pacotille, je ne redoute nulle concurrence. Aussi deviens-je, une fois le sujet des singeries slaves lancé, l'arbitre révéré du débat.


    Que ces braves gens prennent la Volga pour le Danube, l’Oural pour les Balkans et Tatiana Boulanova pour Sylvie Vartan passe encore, mais qu’ils mélangent, dans un grand élan d’Orthodoxie les bordels de Riga, les fastes de l'Ermitage et les pèlerinages à Nijni Novgorod laisse songeur.


    Pourtant, c’est sans réel déplaisir que j’allume ma lanterne magique, que j’enrubanne d’images d’Epinal la pesanteur nantie de cette fin de festin.
    Samovars et Blini de la Maslenitsa, Balalaïkas et mazurkas, toques de loutres et troïkas, aubes cristallines et fleurs de givre, Raspoutine, Jivago, Katia Dolgorouki ; un dernier été à Tsarskoïe Selo, façades bleues, robes blanches à guipures ; le charnier d’Iekaterinbourg, du sang sur la neige, des loups dans les champs de pavots.

    Tout un amphigouri de symboles éculés, d’icones plastifiées ; une vaste bimbeloterie pour kermesse aux frileuses étoiles tels que depuis près de dix ans j’en imagine pour des touristes avides de clichés.

    Profession de foi, l’Evasion avec un « E » majuscule.


    Substitut, l’aventure avec un « a » qui s’accommode d’une minuscule.


    Toujours abuser du folklore, toujours laisser entendre à son auditoire ce qu’il a envie d’entendre.

    S’éloigner des rivages familiers mais pas trop. Rester dans la limite rassurante des eaux territoriales. Offrir l’océan Indien en bocal, les dômes du Kremlin sous cloche de verre, l’Afrique en réserves, Venise sous forme de Mariland culturel auquel ne manque que les pitreries des dauphins.


    Voilà pourquoi on trouve des piscines sur les plages.

    Et l’authenticité dans cette affaire ? A quoi bon, plus personne ne s’en souci de l’authenticité ! Le public ne désire être surpris que par ce qu’il attend !


    Bref je dégoise mon couplet policé en mode pilote automatique face à une assemblée conquise d’avance.


    C’est beau comme une chanson d’Hélène Segarra, paroles et musique.

    Du reste la vieillasse pamoise dans l’Astrakan, le Taffetas, l’Organdi, se rêve en impératrice écarlate, Marlène guerrière cravache comprise. Elle se souvient d’un Moujik d’opérette qui l’aimât, au siècle passé, dans les coulisses d’un cabaret Russe de la butte. Il avait des mains de batelier et les lèvres douces. Une bite énorme aussi sans doute, mais elle ne s’en rappelle plus. En revanche, elle n’a pas oublié l’odeur des fards et de la poudre de riz, les trainées de « Bronzor », ce fond de teint pour le corps, qu’il laissa sur sa peau, ni l’accent ensoleillé de l’imposteur lorsqu’oubliant de rouler les « R » il se révéla aussi Marseillais que la Bonne Mère.


    Elle en pleure d’attendrissement l’ancêtre ! On peut la comprendre ! Soixante seize carats. Son amour est mort, ses amis, son chien aussi et elle-même ne se sent pas très bien.

    Seules subsistent les étreintes tarifées, vénéneuses, potentiellement mortelles, qu'elle s'en va mendier auprès d'arsouilles à la gueule cassée et aux pieds nus, de louches milords la Violette et autres maraudeurs du clair de lune. Et inutile de ricaner les filles, vous y viendrez toutes !!!!!!


    Le « Cricri d’amour », ça lui bousille le système nerveux ce quart d’heure mélo. Aussi pour détendre l’ambiance , il ne trouve rien de mieux à faire que de pousser le volume de la sono à fond et d’ improviser un petit strip tease devant une cheminée ou il se serait roti les fesses si on y avait allumé un feu .


    Rien de bien méchant au demeurant, rayon Chippendales on a déjà vu moins balourd et plus bandant.

    Il faut dire que de la viande saoule s’empêtrant dans ses vêtements et s’emmêlant les cannes aussi Grand Siècle que soient ces dernières ; prête d’avantage à rire qu’à fantasmer.


    Et l’on s’étonnera ensuite que je ne sois pas tout à fait terrassé d’amour….


    En même temps j’imagine qu’il doit être salement paumé pour se livrer à toutes ces pitreries, lui d’ordinaire tellement réservé.


    Mais salement paumé pourquoi ? Je n’en ai pas la plus pauvre idée !
    On dira, comme en début de billet, que c’est la faute au picolo….


    Les réponses aux questions que je ne me pose pas me viendront plus tard dans la nuit, après une virée expresse dans une boite de Nice ou se déroulait une soirée déambulateurs et cartes vermeil, de la bouche même du petit frère de Chris, alors que ce dernier, affalé sur la banquette arrière baigne dans son vomis et un sommeil fiévreux.
    Hubert, vingt ans, des longs yeux affligés de lama, une virginité inattaquable pour cause de sexualité incertaine ; cet air navré de fin de sève que l’on trouvait naguères à certaines belles du Sud soignant leurs névroses de fleurs exsangues à coups de " Mint Julep ", dans la moiteur caraïbes du « vieux carré », pas la moitié d’un con pour autant .


    « - Il faudrait que vous parliez un peu, mon frère et toi.
    « - On ne fait que ça, parler. Parler de quoi d’ailleurs ?
    « - De la fin de votre histoire, par exemple !


    Immense silence, immense moment de solitude.


    Au dessus des collines, entre les bois noirs des citronniers, sur l'étain navré d'un coin de mer, la nuit rosit comme si elle avait quelque chose à se reprocher.


    La fin du monde est pour Demain, un petit garçon me l’a dit.


    Il n’y a plus qu’à s’asseoir et à attendre.