Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • " Le Mari de la femme de mon père."

    zzzzvania-1999.jpgComme je l’ai raconté, J’avais seize ans lorsque mon papa me présenta le morceau de banquise dont il était amoureux et qu’il entendait, la dame ayant des principes en dépit d‘une vertu à géométrie variable, épouser le plus rapidement possible.

    Depuis le départ de ma mère, loin de se convertir en moine Trappiste, papa, joli garçon en diable, narquois jusqu’à la rosserie, attachant, puisque plus estropié qu’il ne l’admit jamais par l’échec tonitruant de son premier amour, incapable dans le fond de tromper sur ses fêlures, ses failles, ses fissures les femmes qui l’aimèrent, moins encore que d’abuser son fils préféré , papa donc multipliait les aventures de plus ou moins d’importance s’attachant à ce qu’elles n’interfèrent jamais avec la relation passionnelle, fusionnelle, je m’autorise à l’écrire, quasi amoureuse qui nous unissait.

    Il y eut celles que je ne rencontrais pas.

    Il y eut celles que je croisais par hasard.

    Celle qui prenait au petit déjeuner du chocolat chaud et du bourbon dans le même bol.

    Celle qui aimait se promener nue chaussée d'escarpins à brides.

    Celle qui débarquait à trois heures du matin de quelque raout "mortel-chéri!", couverte de tant de joncaille et de pierres précieuses qu'on eut crut un arbre de noël, virait ses pompes et ses visons, descendait bières sur bières , retrouvant à mesure que l'ivresse la gagnait, un accent poissard qu'elle déguisait en suave zézaiement Créole depuis qu'elle carambolait dans la haute ,avant de s'endormir comme une masse sur un canapé qu'elle quittait aux heures blanches du petit matin, contrariée d'avoir fait poireauter son chauffeur Marocain, lequel puisque la sautant à l'occasion ne se gênerais pas pour la traiter de Mouquère de mauvaise vie.
    De la rue nous parvenaient le fracas de leurs disputes, parfois l'écho d'une baffe émietteuse de gemmes, larmes et pampilles que Madame et son singe récupéraient ensuite à quatre pattes sur le trottoir, tandis que planqués derrière des jalousies à demi closes, papa et moi pleurions de rire.

    Toutes étaient jolies, sophistiquées et parfaitement folles à lier.



    Il y eut Laetitia.

    Belle de cette beauté classique, lointaine, un peu figée des vedettes de cinéma, distante jusqu’au mutisme, pourtant habile lorsque l’on s’y attendait le moins à vous atteindre d’un carreau au cœur dont vous ne vous releviez pas, elle ne me plut qu’à moitié.

    Je ne la convainquis pas d’avantage.
    Elle se méfiait à raisons.

    D’instinct la prédatrice flairait l’ennemi, celui qui, au moindre faux pas, déclencherait la curée.

    Cependant, puisqu’apparemment, nous voulions tous deux le bonheur de papa, nous convînmes tacitement d’un pacte de non agression.
    Elle ne se mêlait pas de ma vie, je me fichais de la sienne pour autant qu’elle ne blessât pas papa.

    Du reste, il me faut admettre que c’est à Laetitia que je dois d’avoir rencontré un personnage dont l’influence marqua au fer mes années de pédé-ado-bringueur : son ex mari, bien que l’on ne présenta jamais Laetitia autrement que comme « la femme de Walter » et par contrecoup papa, plus amusé que véritablement agacé, comme « le mari de la femme de Walter ».

    Certains sont vedettes dans des films, Walter était vedette dans la vie.

    Avec cette désinvolture amusée, ce charme piquant, cette lucidité goguenarde de ceux à qui on ne la fait pas.

    Partout ou passait Walter, les portes les mieux gardées s’ouvraient, les échines ployaient, on lui donnait du " cher Monsieur " long comme l’instrument de travail à Rocco Siffredi, on recherchait sa compagnie.

    Pas spécialement beau, se targuant d’une « inculture encyclopédique », Walter possédait en revanche des manières exquises, une élégance naturelle laquelle négligeait la pose, un sens très sur de la mode, un bagout de bateleur, un humour meurtrier, la perversité d’un Valmont et la gentillesse sans calcul d’un véritable homme de cœur.

    Un extraterrestre, un ovni.

    A 17 ans, il réussit l’exploit de se faire virer du lycée français de Londres; à n’en pas douter, un cas unique dans les annales du vénérable établissement.

    A 18 ans, ce joli garçon dont la bisexualité affichée trop haut pour qu’elle n’abusât nul autre que lui-même, tapinait rue saint Anne à Paris.

    Il y venait en métro ; il en repartait en Rolls.

    A 19 ans, il s’envolait pour New York à la remorque d’une vieille pédale richissime folle de ses saillies quelles qu’elles fussent.

    En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire il devint un incontournable du mythique « Studio 54 ».


    Il y côtoyait sans s’émouvoir plus que de raison , Mick et Bianca Jagger, Elizabeth Taylor période « Sauvez Willy », Andy Warhol, Margaux Hemingway, Liza witz a « Z», Lauren Hutton, Grace Jones et une myriade d autres illustres inconnus.
    Camés jusqu’ aux sourcils, les beautiful peoples rivalisaient d’audaces et d'indécences.

    Walter n’était pas de reste. A l'image des 70’s, le faraud se voulait sex, drugs and glam.

    Rentré en France, Walter ouvrit, à 21 ans, sa première boutique de fringues. Puis il passa à la godasse.

    Il importa « Sartore » et découvrit « Stéphane Kélian ».

    Il participa aux nuits folles du « Palace », du « Privilège », du « Boys », du « Queens », échappa par miracle aux maléfices de la "Horse"
    , aux horreurs du Sida, perdit dans l’ouragan ses amis les plus chers (« Il ne se passait pas une semaine sans que nous n’assistions à un, voire deux enterrements », me confia t- il un jour.), épousa Laetitia puisqu’il avait besoin d’une jolie femme à ses cotés dans ses diners d’affaires; en divorça sans heurts deux ans plus tard lorsqu’il rencontra l’homme de sa vie.

    A quarante ans, fortune faite, il bazarda toutes ses boutiques et prit sa retraite.

    Depuis, il partageait son temps entre, Paris, la Sardaigne et Marrakech.

    L’année du mariage, 1994 donc, suite à une rupture très médiatisée une Chanteuse Célèbre avait tous les paparazzis de France et de Navarre à ses trousses.
    Laetitia, cadre chez Artmedia, en charge des intérêts de la vedette, lui proposa donc de nous rejoindre dans la belle villa art déco que Walter possédait à Porto Cervo et ou nous passions quelques vacances « en famille ».

    Bonne pomme le mari de la femme de mon père donna immédiatement son accord tout en confirmant ce dont nous nous doutions déjà, à savoir qu’il ignorait complètement qui était cette Chanteuse Célèbre.

    « -Et que fait elle dans la vie, cette petite ?
    « -Enfin, Walter, c’est l’étoile montante de la chanson française ! Tu ne peux pas allumer la radio, la télé sans l’entendre brailler.
    « -Oh tu sais moi, les chanteuses actuelles ....Elles ont toutes le même look ; elles chantent toutes pareil. Et puis, je n’aime que les chanteuses blondes et mortes : Dalida, Claude François, Sylvie Vartan.
    « -Beuh, elle n n’est pas morte la Vartan.
    « -Ah bon ! Elle devrait !

    Entre la chanteuse et son hôte, le courant ne passa pas immédiatement.

    Il était trop star, elle ne l’était pas assez.
    Il cherchait la lumière, elle la fuyait.
    Il ne comprenait rien à sa simplicité de solide fille du peuple. Elle réprouvait la sophistication de son mode de vie.

    Il lui reprochait de sortir diner sans maquillage, coiffée à la diable et vêtue comme une clocharde Roumaine. Elle s’indignait que chacune de nos soirées soient soumises à un protocole digne de la cour de Saint James.

    Bref, elle le trouvait puant, il la trouvait plouc.

    Néanmoins, pour le remercier de son hospitalité, elle l’invita (en VIP, ma chère, pass « all Access » compris) à la première de son spectacle à " l’Olympia ".

    Certains auraient tué pour être à la place de Walter. Lui, gavé de champagne et de petits fours, ronfla pendant toute la durée du tour de chant.

    Je le réveillais à la fin du show.

    « -C' est terminé ?
    « -C' est terminé !

    Il s’étira comme un gros matou matois dans une flaque de soleil.

    « - Bien, dans ce cas, allons complimentir !

    L’anecdote, pour insignifiante qu’elle soit résume bien le personnage.

    Je pourrais vous dire également que sans lui, je ne serais probablement plus de ce monde.
    Que privée de son affection chaleureuse, de ses attentions délicates, de ses conseils toujours opportuns, de sa protection occulte mon adolescence eut put tourner à la tragédie.

    Je pourrais vous dire que je l’aime infiniment et que je ne le remercierais jamais assez.

    Mais vous commencez à me connaître.

    Vous savez à présent que je préfère souffler des paillettes et écrire sur du vent.

  • " L'embarquement pour Cythère."

    zvania-pensieri.jpg Je retournerais en Corse, tout à l’heure, au printemps.

    Dés que les journées seront molles et blanches comme du bronze que l’on brûle aux fourneaux des fonderies, les clartés du ciel à l’espérance, les vagues échouées contre les flancs des Sanguinaires doucement tiédies par le souffle de lave d’un volcan englouti; en regain, les bourgeons poreux comme des sexes aux bois fendus des vergers Balanins;  j’y retournerais ainsi que chaque année depuis plus de dix années, pour deux petits jours ou pour une grande semaine si on m’en laisse le loisir.

    Je mettrais mes pas dans la poussière de nos pas, Julien.

    Seul.

    Je n’irais pas en naufrage, triste et laid, accablé, au cimetière marin des amours mortes cueillir de mes mains nues ces orties blanches et qui ne me mordent plus de leurs acres dents vertes depuis que j’aime ailleurs.

    J’irais au contraire, souriant et libre, badaulant par des sentiers vifs ou fleurit, rose et émue , l’aubépine , la bruyère dont le ventre sec donne de jeunes pousses violettes mais pas de fruits, le Ciste aux vivaces ombrelles insouciantes et l’asphodèle en champs de chandeliers d'argent, j’irais embrasser la beauté du monde là ou elle est la plus belle, comme j’embrasse la beauté des hommes à l’endroit ou elle est nue, violente et charnue.

    De la Corse avant Julien, je ne connaissais que ce que les mauvais journaux en disent.

    Je la pensais hostile, dangereuse, aride, peuplée d’assassins errant dans des déserts de ronces et de femmes affligées, pleurant des cris de haine sous les pointes tragiques de leurs foulards de deuil, tandis que leurs doigts de harpies égrenaient des rosaires de malédictions.


    Sans faire l’effort de comparer, nous lui préférions la Sardaigne ou plutôt ce bout de Sardaigne qui de Palau à Olbia contourne la Gallura et dont Karim Agha Khan, que les Corses du reste à qui il s’adressa en premier avaient joliment renvoyé aux rousseurs Hollywoodiennes de ses fantasmes atomiques, entendit transformer dans les années soixante, en ghetto pour milliardaires, destiné à mettre au tapis un Saint -Tropez alors en plein essor.

    Saint –Tropez, nous n’y allions plus depuis que mes tantes, Liouba, Stassia, Sasha, pour une fois soutenues par la blonde idole d’acier me tenant lieu de belle mère, trouvaient la presqu’ile trop « plouc » pour leurs bikinis griffés et les babioles de chez « Cartier », ces ludiques « bijoux-de-plages », qu’elles exhibaient tintinnabulants d’or blanc, jaune, rose à leurs chevilles serviles de premières concubines.

    A la remorque d’un ami qui y possédait une maison nous avions atterris à Porto Cervo ou nous avions pris racine, ravis d’un changement à vrai dire peu notable, puisque le village n’était que le calque Italien, ni plus ni moins élégant, d’un Saint –Trop soudain livré aux barbares.

    « - Oui, c’est vrai, ça ressemble ! Mais ici tu vois, il y a Flavioooo ! concédait Sasha en multipliant des « O » ahuris de poisson lune à la fin du prénom.

    Flavio, c’était Briatore, un ancien moniteur de ski qui donnait depuis que la fortune et les industries Benetton lui avaient sourit, dans la formule 1, le foot Britannique et la pétasse de haut vol.


    Copropriétaire du « Billionaire », complexe prétentieux au luxe tapageur ou il fallait être vu lorsqu’on séjournait sur la Costa Smeralda sous peine de renoncer à toute existence sociale décente, Flavio avec tous ses « O » était devenu l’obsession d’une Sasha pourtant plus couguar que panthère, bien décidée à ancrer ses griffes laquées de « Rouge-Jungle » au plus profond du matelas de Dollars sur lequel reposait le play-boy.


    Dire qu’elle passait ses nuits au « Billonaire » serait un doux euphémisme tant la belle peinait à regagner la maison une fois l’aube venue. Car si Flavio Hé-Ho, Hé-Ho lui préférait à l’époque les courbes d’ébène de Naomi Campbell, une pompe à fric professionnelle hautaine comme une reine de Saba dont elle possédait certes l’allure de divinité Ethiopienne et les ruses vénéneuses mais point hélas la science ni même le gout des énigmes , Sasha n’en maigrissait pas de dépit pour autant , trouvant de fort salutaires consolations entre les bras de jeunes Romains que nous soupçonnions d’avoir pollués de leurs premiers émois les pages des « fumetti » dont ma tante avait été l’héroïne.

    Quant à moi, tellement cuit de soleil que l’on me croyait métis, j'entamais des recherches passionnantes en vue d'une anthologie de la verge Italienne, si appliqué, si concentré, si âpre à la tache qu’il arrivait parfois, de retour à Paris, que mes extases Franco-françaises sonnassent en clairon dans la langue de Dante. Je vous laisse imaginez l’ahurissement de mes amants Gaulois lorsque je les insultais, les encourageais, les suppliais dans un sabir mêlé de patois Sarde, de Calabrais et d’Argot Romagnole qu’ils prenaient, mon accent Transalpin flanchant sans doute dans l’effort et le plaisir, pour de l’Espagnol ou du Portugais.

    « Je n'ai jamais rencontré d'Italiens quelconques et incolores. Ceux que j'ai connus étaient, ou très charmants, ou ratés. », Écrivait en 1928, Sibylle Gabrielle Riquetti, dite « Gyp », et dernière des Mirabeau, dans ses « Souvenirs d’une petite fille ».

    Je doute cependant que cette aimable Comtesse à la prose abondante, à la fois niaise et piquante, aujourd’hui bien oubliée, n’ait guère rencontré d’Italiens à la manière dont je les rencontrais moi-même, encore que je me garderais soigneusement de la contredire.

    Du reste si j’avais oublié et depuis longtemps les « ratés » lorsque je rencontrais Julien, ce dernier, ennemi atavique des « colons Pisans et Génois », n’eut qu’à me prendre la main pour que j’oublie aussitôt et, du moins le croyais je, sans espoir de retour en arrière, les « charmants » et même les formidables.

    Comme il lui suffit de m’entrainer sur son ile aux splendeurs pour que je tombe immédiatement, irrévocablement, tragiquement en amour de cet éperon de granit jeté par un Dieu tout ébloui de sa propre création, dans l’encorbellement pâle, incertain d’une mer ou se miraient la nuit venue, toutes bruissantes d'orages, toutes brulées de soleil ces vagues étoiles de la grande Ourse que chante le poète

    .Antoine Ciosi: «  Le Pinzutu. » 
    podcast
     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • " Le jour, la nuit et les autres nuits."

    zzzzzzzzzzzzzzzzz-art-00000.jpgMon père s’est remarié l’année de mes seize ans, non sans avoir au préalable, en parfait homme du monde, sollicité mon consentement .

     


    Consentement que je mis, du reste, beau temps à lui accorder tant l’irruption d’une tierce personne dans le couple fusionnel que nous formions depuis le départ de ma mère me semblait halogène, barbare, contre nature.
     

    Nous parlâmes beaucoup, nous parlâmes longtemps, mon père arguant que puisqu’à présent j’avais un semblant de vie amoureuse, je pouvais admettre qu’il en ait une à son tour : que l’amour qu’il portait à cette personne blonde et glacéé n’enlevait rien à celui qu’il me vouait, bref soulevant tout un tas d’arguments, forcément sensés, que j’écoutais d’une oreille distraite tout en évaluant mentalement à quel prix je pourrais raisonnablement négocier l’abandon de mon droit de véto.


    Au terme de transactions que le plus pingre des usuriers eut trouvées mesquines, nous convînmes que je ferais bonne figure à ma future belle mère aux conditions expresses que l’on me laissât libre de sortir la nuit; quand bon me semblerait, doté, de surcroit, des subsides nécessaires à un train de vie qui me paraissait me revenir de droit divin.


    Mon père est un homme délicieux, un érudit, un artiste, un rêveur et vous l’aurez compris un grand naïf.

     A dix ans je quintuplais le montant de mon argent de poche en le battant régulièrement au poker; c’est vous dire à quel point il se complaisait dans un idéal étranger à toute réalité tangible.

    Dans le clair obscur de sa fantaisie, le monde de la nuit, auquel il me donnait plein accès, avait le velouté, la douceur, l’onctuosité d’un chocolat chaud.


    Je sais à présent, la trentaine et peut être la sagesse venues (j’entends ici les hyènes ricaner !), que naïf il ne l’était pas tant que cela. Simplement, il m’aimait suffisamment pour m'autoriser à commettre mes propres erreurs ; tout en sachant, quoi qu'il puisse arriver, qu'il serait toujours là pour me rattraper au bord des précipices.

     


    Tout cela pour vous expliquer que j’ai pris l’habitude de sortir très jeune et que, bien entendu, j’ai accumulées les conneries avec la parfaite régularité d’un métronome.
     

    Stupide, j’aimais à me prendre pour une sorte d acteur de vaudeville dont l’emploi eut été le gandin.
    Lucide néanmoins, je savais que je n'étais, en somme, qu’un rutilant piège à cons.
     

    J'étais beau, je pense. En tous cas on me courtisait.

    Mais courtisé, ne l'est on pas toujours lorsqu'on a seize ans et qu'on manque de sérieux ?
    Chaque soir, à l’heure ou la ville mourait, a l'heure où la lune flambait, à l’heure où les folles se fardaient, j’abandonnais ma défroque ordinaire pour revêtir l'habit de lumière, le costume du matador.

     
    Les nuits Parisiennes étaient mon théâtre.


    Ce théâtre, je l’investissais à la hussarde.
    Je jouais large, je jouais ample, je jouais l'aisance et l audace; chaleureux, perceptif et sexy comme une pub pour des cigarettes Américaines.

    « Try a différent flavour »


    Le contraire en somme de ce que j’étais dans la vraie vie ou l’on me regardait comme une épure, un effrayant monolithe.

    J’ignorais d’ ou cela venait ni ou cela m'entrainerait, mais la plupart des gens m'estimaient incapable d'éprouver des émotions autrement qu’en une dérive immobile ; sans qu’elles ne m’affectent réellement. Sous mes néons de couleurs, en revanche, je déplaçais du vent, je semais des paillettes, je faisais du bruit et illusion, capturant mes victimes à mon grand rire avide, au feu de mes yeux lasers, qui les fusillaient à blanc, qui les fusillaient en bleu horizon.

     


    Mon infernale exigence me commandant d'aller toujours plus loin dans la surenchère, je forçais le trait jusqu’à m’extraire de moi même.

    Je me voyais alors comme si j'étais doté d un troisième œil ; plutôt je le voyais lui, « Mauvaise. Graine », qui existait de manière autonome tel un exorcisme ou une libération.

    Toute mon énergie nourrissait ce monstre, bouleversant d’ubiquité, et il m'arrivait parfois de me sentir bon pour la camisole. Mais, si les contraintes, ce bain de regards faussés, forcément faussés, dans lequel je m'ébattais soir après soir, étaient pénibles, le jeu en lui même me grisait avec la puissance d un alcool fort.

    J’éprouvais l'ivresse d'être exactement dans le rythme de la fête ; de faire corps avec elle, d’investir miraculeusement l’œil du cyclone, le cœur du maelstrom.


    Je décrochais alors, je décollais, je voyageais long distance au sein d une dimension physique, organique, intime.

     


    Et puis lorsque la sono se taisait, lorsqu’une à une les lampes se rallumaient, j'atterrissais toujours un peu en catastrophe, la tête tournée par mes sauts d'archange émerveillé.


    On est forcement déçu lorsqu’on est exigeant. On veut donner beaucoup pour recevoir beaucoup mais on ne trouve jamais dans cet échange que ce qu’on y a mis et parfois moins, comme s’il y avait eut évaporation.

     


    Très vite, je compris que le monde de la nuit n’était qu’une échappatoire. Je me promis de ne pas y faire de vieux os. Je passerai une saison en enfer, voire deux par gourmandise, mais la gourmandise tourna à la gloutonnerie et les mâchoires du piège se refermèrent sur moi. J’aimais bien mon personnage de « Mauvaise. Graine » et les nuits vieillissaient.


    Aujourd’hui encore il m’est plus facile de me définir comme « Mauvaise. Graine » que comme V.V.S.M.

    Momifié au sein d un milieu qui, pourtant, n’est pas le mien, je n existe plus que par référence.

    Le commerce du symbole marche encore très bien, sans doute l’avez vous remarqué. Il suffit de coiffer une couronne, de se fabriquer un masque plaisant, pour paraitre et tant pis si on oublie de projeter son être dans ce paraitre. On vie alors prisonnier d’une image fortement enluminée mais totalement désincarnée comme les vedettes du cinéma ou les demoiselles du rocher. On ne se reconnait plus.


    Alors on tente une nouvelle sortie d autoroute et évidement on loupe l’échangeur.