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mick jaegger

  • " Le Mari de la femme de mon père."

    zzzzvania-1999.jpgComme je l’ai raconté, J’avais seize ans lorsque mon papa me présenta le morceau de banquise dont il était amoureux et qu’il entendait, la dame ayant des principes en dépit d‘une vertu à géométrie variable, épouser le plus rapidement possible.

    Depuis le départ de ma mère, loin de se convertir en moine Trappiste, papa, joli garçon en diable, narquois jusqu’à la rosserie, attachant, puisque plus estropié qu’il ne l’admit jamais par l’échec tonitruant de son premier amour, incapable dans le fond de tromper sur ses fêlures, ses failles, ses fissures les femmes qui l’aimèrent, moins encore que d’abuser son fils préféré , papa donc multipliait les aventures de plus ou moins d’importance s’attachant à ce qu’elles n’interfèrent jamais avec la relation passionnelle, fusionnelle, je m’autorise à l’écrire, quasi amoureuse qui nous unissait.

    Il y eut celles que je ne rencontrais pas.

    Il y eut celles que je croisais par hasard.

    Celle qui prenait au petit déjeuner du chocolat chaud et du bourbon dans le même bol.

    Celle qui aimait se promener nue chaussée d'escarpins à brides.

    Celle qui débarquait à trois heures du matin de quelque raout "mortel-chéri!", couverte de tant de joncaille et de pierres précieuses qu'on eut crut un arbre de noël, virait ses pompes et ses visons, descendait bières sur bières , retrouvant à mesure que l'ivresse la gagnait, un accent poissard qu'elle déguisait en suave zézaiement Créole depuis qu'elle carambolait dans la haute ,avant de s'endormir comme une masse sur un canapé qu'elle quittait aux heures blanches du petit matin, contrariée d'avoir fait poireauter son chauffeur Marocain, lequel puisque la sautant à l'occasion ne se gênerais pas pour la traiter de Mouquère de mauvaise vie.
    De la rue nous parvenaient le fracas de leurs disputes, parfois l'écho d'une baffe émietteuse de gemmes, larmes et pampilles que Madame et son singe récupéraient ensuite à quatre pattes sur le trottoir, tandis que planqués derrière des jalousies à demi closes, papa et moi pleurions de rire.

    Toutes étaient jolies, sophistiquées et parfaitement folles à lier.



    Il y eut Laetitia.

    Belle de cette beauté classique, lointaine, un peu figée des vedettes de cinéma, distante jusqu’au mutisme, pourtant habile lorsque l’on s’y attendait le moins à vous atteindre d’un carreau au cœur dont vous ne vous releviez pas, elle ne me plut qu’à moitié.

    Je ne la convainquis pas d’avantage.
    Elle se méfiait à raisons.

    D’instinct la prédatrice flairait l’ennemi, celui qui, au moindre faux pas, déclencherait la curée.

    Cependant, puisqu’apparemment, nous voulions tous deux le bonheur de papa, nous convînmes tacitement d’un pacte de non agression.
    Elle ne se mêlait pas de ma vie, je me fichais de la sienne pour autant qu’elle ne blessât pas papa.

    Du reste, il me faut admettre que c’est à Laetitia que je dois d’avoir rencontré un personnage dont l’influence marqua au fer mes années de pédé-ado-bringueur : son ex mari, bien que l’on ne présenta jamais Laetitia autrement que comme « la femme de Walter » et par contrecoup papa, plus amusé que véritablement agacé, comme « le mari de la femme de Walter ».

    Certains sont vedettes dans des films, Walter était vedette dans la vie.

    Avec cette désinvolture amusée, ce charme piquant, cette lucidité goguenarde de ceux à qui on ne la fait pas.

    Partout ou passait Walter, les portes les mieux gardées s’ouvraient, les échines ployaient, on lui donnait du " cher Monsieur " long comme l’instrument de travail à Rocco Siffredi, on recherchait sa compagnie.

    Pas spécialement beau, se targuant d’une « inculture encyclopédique », Walter possédait en revanche des manières exquises, une élégance naturelle laquelle négligeait la pose, un sens très sur de la mode, un bagout de bateleur, un humour meurtrier, la perversité d’un Valmont et la gentillesse sans calcul d’un véritable homme de cœur.

    Un extraterrestre, un ovni.

    A 17 ans, il réussit l’exploit de se faire virer du lycée français de Londres; à n’en pas douter, un cas unique dans les annales du vénérable établissement.

    A 18 ans, ce joli garçon dont la bisexualité affichée trop haut pour qu’elle n’abusât nul autre que lui-même, tapinait rue saint Anne à Paris.

    Il y venait en métro ; il en repartait en Rolls.

    A 19 ans, il s’envolait pour New York à la remorque d’une vieille pédale richissime folle de ses saillies quelles qu’elles fussent.

    En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire il devint un incontournable du mythique « Studio 54 ».


    Il y côtoyait sans s’émouvoir plus que de raison , Mick et Bianca Jagger, Elizabeth Taylor période « Sauvez Willy », Andy Warhol, Margaux Hemingway, Liza witz a « Z», Lauren Hutton, Grace Jones et une myriade d autres illustres inconnus.
    Camés jusqu’ aux sourcils, les beautiful peoples rivalisaient d’audaces et d'indécences.

    Walter n’était pas de reste. A l'image des 70’s, le faraud se voulait sex, drugs and glam.

    Rentré en France, Walter ouvrit, à 21 ans, sa première boutique de fringues. Puis il passa à la godasse.

    Il importa « Sartore » et découvrit « Stéphane Kélian ».

    Il participa aux nuits folles du « Palace », du « Privilège », du « Boys », du « Queens », échappa par miracle aux maléfices de la "Horse"
    , aux horreurs du Sida, perdit dans l’ouragan ses amis les plus chers (« Il ne se passait pas une semaine sans que nous n’assistions à un, voire deux enterrements », me confia t- il un jour.), épousa Laetitia puisqu’il avait besoin d’une jolie femme à ses cotés dans ses diners d’affaires; en divorça sans heurts deux ans plus tard lorsqu’il rencontra l’homme de sa vie.

    A quarante ans, fortune faite, il bazarda toutes ses boutiques et prit sa retraite.

    Depuis, il partageait son temps entre, Paris, la Sardaigne et Marrakech.

    L’année du mariage, 1994 donc, suite à une rupture très médiatisée une Chanteuse Célèbre avait tous les paparazzis de France et de Navarre à ses trousses.
    Laetitia, cadre chez Artmedia, en charge des intérêts de la vedette, lui proposa donc de nous rejoindre dans la belle villa art déco que Walter possédait à Porto Cervo et ou nous passions quelques vacances « en famille ».

    Bonne pomme le mari de la femme de mon père donna immédiatement son accord tout en confirmant ce dont nous nous doutions déjà, à savoir qu’il ignorait complètement qui était cette Chanteuse Célèbre.

    « -Et que fait elle dans la vie, cette petite ?
    « -Enfin, Walter, c’est l’étoile montante de la chanson française ! Tu ne peux pas allumer la radio, la télé sans l’entendre brailler.
    « -Oh tu sais moi, les chanteuses actuelles ....Elles ont toutes le même look ; elles chantent toutes pareil. Et puis, je n’aime que les chanteuses blondes et mortes : Dalida, Claude François, Sylvie Vartan.
    « -Beuh, elle n n’est pas morte la Vartan.
    « -Ah bon ! Elle devrait !

    Entre la chanteuse et son hôte, le courant ne passa pas immédiatement.

    Il était trop star, elle ne l’était pas assez.
    Il cherchait la lumière, elle la fuyait.
    Il ne comprenait rien à sa simplicité de solide fille du peuple. Elle réprouvait la sophistication de son mode de vie.

    Il lui reprochait de sortir diner sans maquillage, coiffée à la diable et vêtue comme une clocharde Roumaine. Elle s’indignait que chacune de nos soirées soient soumises à un protocole digne de la cour de Saint James.

    Bref, elle le trouvait puant, il la trouvait plouc.

    Néanmoins, pour le remercier de son hospitalité, elle l’invita (en VIP, ma chère, pass « all Access » compris) à la première de son spectacle à " l’Olympia ".

    Certains auraient tué pour être à la place de Walter. Lui, gavé de champagne et de petits fours, ronfla pendant toute la durée du tour de chant.

    Je le réveillais à la fin du show.

    « -C' est terminé ?
    « -C' est terminé !

    Il s’étira comme un gros matou matois dans une flaque de soleil.

    « - Bien, dans ce cas, allons complimentir !

    L’anecdote, pour insignifiante qu’elle soit résume bien le personnage.

    Je pourrais vous dire également que sans lui, je ne serais probablement plus de ce monde.
    Que privée de son affection chaleureuse, de ses attentions délicates, de ses conseils toujours opportuns, de sa protection occulte mon adolescence eut put tourner à la tragédie.

    Je pourrais vous dire que je l’aime infiniment et que je ne le remercierais jamais assez.

    Mais vous commencez à me connaître.

    Vous savez à présent que je préfère souffler des paillettes et écrire sur du vent.