Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

blog - Page 9

  • " Lettre d'amour en agonie."

    zStef-Serre-Che.jpgJ’ai rêvé de toi, dans ce qui sera probablement mon premier et dernier sommeil jusqu’à demain.

     


    Mon homme sacrifié.


    J'ai rêvé de toi, et comme d'habitude je ne voyais que tes yeux, aussi durs que des silex prêts à m’enflammer.

    J'entendais ta voix toute en nerfs, dérocher un cœur que d’un mot, d’un simple et sec mot, tu savais étriller comme on polit un gemme pour en ôter la patine.

    Je n'avais pas mal.

    Je connaissais la fin de l'histoire ; je savais que jamais je n'en finirai de débouler ce Golgotha de pierres noires au pied duquel tu ne cessais de me jeter.

    Mon homme martyrisé.


    Et ta voix au fond de mon sommeil dont l'accent musical ne dissimulait pas l‘amertume, me disait :


    « -Je n'arrive plus à te choper entre deux défonces ; c'est d'alcool et de coke dont tu as besoin pas de moi.»


    Je me suis réveillé moite et opprimé; cherchant dans le lit à mes cotés un corps à enlacer.

    Chris, n'importe qui ! Je n'ai trouvé que la fraicheur des draps d'ou montait un parfum familier.


    Foutue vérole; pourquoi faut il encore que tu m'embêtes ?

    Ne peux-tu achever de pourrir au fond du marécage ou je t'ai moi même couché ?

    Pourquoi surgis tu superbe et vengeur là ou je ne t'attends plus, paré de l'armure d'argent de Saint Michel, ta tête d'archange couronnée d'épines d'or d'ou dégoute le sang de mes mains ?


    Et ton visage que je cherche au fond de ma mémoire sans jamais le trouver ; ou alors si abimé, si chanci que je ne le reconnais plus.


    Est-ce un hasard si la seule photographie que je garde de toi te montre en combinaison de ski et bonnet ridicule au pied du Prorel à Briançon?

    Si je la regarde souvent cette photo, c’est parce qu'elle est la dernière sur laquelle tu portes encore au visage, cet air d’innocence, cet air d’insouciance, cet air de jeunesse enfin, de ceux qui croient aux rimes pauvres.


    Amour, Toujours.


    Les autres clichés montrent l'apparition de la lèpre qui peu à peu ronge tes joues, moisit tes lèvres, éteint tes yeux en escarboucles; le long pourrissement de tes illusions ; le chemin de croix vers la haine et l'oubli des serments.


    J'ai encore parfois de tes nouvelles ; de loin en loin.

    Les tapettes, toujours charitables ne me ménagent aucun détail.


    « - J'étais à Marseille, le week-end dernier. J’ai rencontré ton ex au « Cancan ». Il est superbe. Jamais je ne l'ai vu aussi épanoui, ça doit être le bonheur ! Bizarrement, il ne m'a pas demandé de tes nouvelles. Que veux tu un amour chasse l’autre. »


    Mais que m'importe ton bonheur si tu ne le tiens pas de mes mains d’illusionnistes; toi qui m'aimait tellement que tu pleurais au gâchis de ces années ou nous ne nous connaissions pas; toi qui disais " mon cœur " même lorsque tu pensais à mon corps; toi cet agneau changé en loup par la grâce de mes incantations; toi qui me pendis au gibet même que je te destinais.


    Etrangement, tu n’as jamais été plus présent dans ma vie que depuis que tu en es sorti.

    J'ai conservé comme des trophées, comme des reliques les quelques objets que tu as oublié dans ta fuite en avant.

    Une paire de Creeks déformée à force d’être portée mais que tu ne pouvais te résoudre à jeter puisque je te l’avais offerte; un tee shift des Chicago Bulls acheté dans Tribèca au sortir d'un Delicatessen ou une noire à chicots nous avait dit la mauvaise aventure dans un sabir vaudou semblable à un anathème; un CD d'Ute Lemper ironiquement intitulé "Crimes of the heart", une  première édition  de " Belle du Seigneur ", ce pavé d'amour fou dont jamais tu n'avais voulu connaitre la fin.


    Jusqu'a mon deuil que je parfume à l'eau de " Toi "; une essence étrange et étrangère de fleurs blanches, de cédrat confit, de mousse verte, de poivre rouge; un puissant concentré de mélancolie dont je vaporise mes draps et mes oreillers.


    Pour être un peu moins seul.
    Pour être on peu plus triste.


    Sais tu qu’au temps de nos folies, pas un jour ne se passait sans que j'évoque avec terreur le moment ou nous cesserions de nous aimer?

    Je me rassurais du mieux que je pouvais en songeant que je me lasserais le premier, puisque de nous deux j'étais le futile, le volage, le volatil ; toi le concret, le terrien ; " le paysan " disait on dans ton dos, sur un ton de négligence enjouée qui cherchait à t'épingler tout en évitant de me blesser.

    J'avais le cœur et les poches percées, les mains d'un Christ au tombeau. A peine avais je obtenu ce que je convoitais que, déjà, je n'en voulais plus.

    Le désir me comblait d'avantage que la possession. Je donnais tout, je jetais tout, je ne m'attachais à rien de matériel, je ne m'économisais jamais dans quelque domaine que ce soit.

    Toi au contraire, tu engrangeais, tu thésaurisais, tu mettais en banque.

    Il me semblait que mon amour était un silo fêlé dont le grain s'écoulait lentement alors que tes greniers craquaient de tout leur bois, tant tu les avais emplis en prévision des jours difficiles.
    Et puis non, comme d’habitude, j'avais tout faux.


    Zéro pointé vers l’infini.


    Sait on jamais le jour et l'heure des adieux qui sonnent comme des au revoir, du dernier regard filant comme une truite argentée dans le tumulte d'un torrent, du dernier mot que l’on n’écoute pas; du dernier baiser que l'on ne goute pas?


    Tu partais quelques jours dans le midi visiter tes parents. Ta valise à tes pieds, tu m’as embrassé. Un baiser semblable à tous ceux que nous avions échangés, aussi nombreux qu'un peuple de colombes. Je t'ai rendu ce baiser sans y penser ou en pensant à autre chose ; à la légèreté estivale du petit matin, à cette semaine sans toi ou j'en profiterais pour ne rien faire de contraignant ni d'ennuyeux ; au poker que j'avais organisé pour le soir même, en cachette puisque tu détestais me voir jouer, aux cadors que j'y avais conviés, lesquels donneraient à la partie des allures Russes et mortelles.


    Notre dernier baiser, mon pauvre amour, ma flétrissure, résonne encore en moi de l'écho désespère d'un brelan contré par un full.


    Tu a passé ce seuil que tu ne franchirais plus jamais, les épaules un peu voutées mais le pas décidé.

    J'aimerais pouvoir écrire que tu t'es retourné pour caresser du regard et moi et le décor de nos années de passion, mais non, tu t'es épargné cette cruauté inutile.

    La porte s'est refermée sur mon bonheur avec un petit bruit métallique.


    Ta lettre est arrivée quelques jours plus tard, très triste et très marrante, à mon image plus qu'à la tienne.

    Je ne l'ai pas lue jusqu'au bout ; je la connaissais d'avance par cœur. A croire que je t'en avais dicté le moindre mot.


    J'ai éprouvé sur le moment un soulagement un peu lâche, un peu bête.

    Le film était terminé, la salle se rallumait, la vie reprenait ses droits.

    Je ne monterais plus nos escaliers la peur au ventre en me disant que si tu étais à la maison nous allions encore nous battre pour des broutilles ; que si tu n'y étais pas j'allais me ronger les sangs à échafauder des scénarios catastrophes qui te montreraient dans les bras d'un amant.


    Je savais, bien sur, que tu voyais quelqu'un depuis un moment. Tu ne me l'avais d'ailleurs pas caché, devant mon obstination à traquer des indices de roman policier dans la moindre de tes attitudes.

    Du reste je l'avais deviné avant que tu ne le réalise toi même que celui ci ne serait pas une passade de quelques nuits.

    Il y a des choses que l'on sait d'avance parce qu’elles sont inscrites de toute éternité dans les étoiles du ciel comme dans la poudre des déserts; ainsi la certitude irraisonnable, irraisonnée que cet homme là, que je ne connaissais pas, dont j'ignorais et le prénom et le visage, t'arracherais à moi.
    Mais au fond, on ne meurt pas d'un cœur qui fane. Tu étais parti, grand bien me fasse. J'avais vingt cinq ans, un corps ferme et sain, les yeux du diable et les dents du bonheur.

    L'avenir souriait à travers mes sanglots.

    Très vite, trop vite, j'ai connu un autre garçon; plus beau que toi, plus brillant infiniment ; un garçon qui me convenais d'avantage puisqu'il me ressemblait. Il eut le mérite de m'aimer et le courage de me quitter au mobile qu'il n'était pas fait pour les ménages à trois et " téléphone-moi lorsque tu l'auras oublié ».


    J'ose espérer qu'il s'est lassé d’attendre.


    C'est alors que j'ai reçu le fameux « coup de buche dans une embuche », méchant, vicieux, à me mettre à genoux, les paumes au sol, un grand cri au ventre.

    Je t'ai cherché partout, ne t'ai trouvé nulle part.

    Tu étais sorti de ma vie par effraction pour n'y plus revenir.

    Tu coulais des jours, sans doute heureux, ailleurs, loin.

    Je t'avais perdu.


    J'ai continué à faire semblant, par habitude.


    On met un pied devant l’autre, on s'aperçoit, incrédule, que l'on avance; on rit trop haut, on parle trop fort, on embrasse qui l'on veut .On se montre gentil par je ne sais quelle ironie qui veut que plus l'on souffre plus le cœur soit bon. On jure que l'on aimera encore, demain, tout de suite, le premier qui passe, qu'il vous plaise ou non .On ne trompe personne.

    L'enveloppe est toujours belle, colorée, attrayante, mais sous un teint de soleil, l'hiver sévit.
    D’ailleurs, ce n'est pas un hiver que cachent mes oripeaux d'aimable noctambule, mais la plus délabrée des ruines.


    Qui donc a écrit " Il existe de beaux hivers, jamais de belles ruines " ?

    Et puis, il y a les souvenirs que l'on déterre à coups de pelle furieux comme on cherche un trésor. Eux aussi ont morflés les souvenirs, leurs teintes vives ont passées, certains se sont carrément effacés.


    Tu te souviens, toi, de la dernière fois que nous avons fait l'amour ?
    Est ce que tu savais, toi, que c'était la dernière fois ?


    Je ne me rappelle plus, je ne me rappelle pas.


    T'ais je aimé avec ferveur comme on étreint un corps mourant ou avec la légèreté insoucieuse de l'habitude ?


    Etait ce le jour, était ce la nuit, dans notre lit pendant un orage; dans les escaliers le dos meurtri par l’arrête des marches, au creux d'un vallon planté d'églantiers ?

    Avons nous rit, ensuite, pantelants et trempés ou avons nous cognés nos fronts, accolés nos visages, croisés nos regards avec cette fureur presque religieuse qui nous blessait parfois ?


    Je ne me rappelle plus, je ne me rappelle pas.


    Le plus difficile est de me dire que je te reverrais peut être un jour.

    J'évite la P.A.C.A, et si d'aventure je me vois obligé de m'y rendre, je tremble à l'idée qu'un hasard bête de la vie nous fasse nous croiser.

    J'ai peur de te revoir, de te trouver changé, embourgeoisé, repu, bouffi d'un bonheur tranquille et sans histoires, embaumé par ta réussite sociale, veule et enfin laid. J'ai peur des regrets.

    J'ai peur de devoir me dire que je me suis détruit pour toi et que ça n'en valait pas la peine.


    Moi je n'ai pas changé ou si peu. La futilité protège des outrages du temps. Je vais, adolescent, superficiel et léger et tant pis si depuis toi, je n'ai jamais aimé que toi.

    Lara Fabian: " Pas sans toi"


    podcast

  • " Le Mari de la femme de mon père."

    zzzzvania-1999.jpgComme je l’ai raconté, J’avais seize ans lorsque mon papa me présenta le morceau de banquise dont il était amoureux et qu’il entendait, la dame ayant des principes en dépit d‘une vertu à géométrie variable, épouser le plus rapidement possible.

    Depuis le départ de ma mère, loin de se convertir en moine Trappiste, papa, joli garçon en diable, narquois jusqu’à la rosserie, attachant, puisque plus estropié qu’il ne l’admit jamais par l’échec tonitruant de son premier amour, incapable dans le fond de tromper sur ses fêlures, ses failles, ses fissures les femmes qui l’aimèrent, moins encore que d’abuser son fils préféré , papa donc multipliait les aventures de plus ou moins d’importance s’attachant à ce qu’elles n’interfèrent jamais avec la relation passionnelle, fusionnelle, je m’autorise à l’écrire, quasi amoureuse qui nous unissait.

    Il y eut celles que je ne rencontrais pas.

    Il y eut celles que je croisais par hasard.

    Celle qui prenait au petit déjeuner du chocolat chaud et du bourbon dans le même bol.

    Celle qui aimait se promener nue chaussée d'escarpins à brides.

    Celle qui débarquait à trois heures du matin de quelque raout "mortel-chéri!", couverte de tant de joncaille et de pierres précieuses qu'on eut crut un arbre de noël, virait ses pompes et ses visons, descendait bières sur bières , retrouvant à mesure que l'ivresse la gagnait, un accent poissard qu'elle déguisait en suave zézaiement Créole depuis qu'elle carambolait dans la haute ,avant de s'endormir comme une masse sur un canapé qu'elle quittait aux heures blanches du petit matin, contrariée d'avoir fait poireauter son chauffeur Marocain, lequel puisque la sautant à l'occasion ne se gênerais pas pour la traiter de Mouquère de mauvaise vie.
    De la rue nous parvenaient le fracas de leurs disputes, parfois l'écho d'une baffe émietteuse de gemmes, larmes et pampilles que Madame et son singe récupéraient ensuite à quatre pattes sur le trottoir, tandis que planqués derrière des jalousies à demi closes, papa et moi pleurions de rire.

    Toutes étaient jolies, sophistiquées et parfaitement folles à lier.



    Il y eut Laetitia.

    Belle de cette beauté classique, lointaine, un peu figée des vedettes de cinéma, distante jusqu’au mutisme, pourtant habile lorsque l’on s’y attendait le moins à vous atteindre d’un carreau au cœur dont vous ne vous releviez pas, elle ne me plut qu’à moitié.

    Je ne la convainquis pas d’avantage.
    Elle se méfiait à raisons.

    D’instinct la prédatrice flairait l’ennemi, celui qui, au moindre faux pas, déclencherait la curée.

    Cependant, puisqu’apparemment, nous voulions tous deux le bonheur de papa, nous convînmes tacitement d’un pacte de non agression.
    Elle ne se mêlait pas de ma vie, je me fichais de la sienne pour autant qu’elle ne blessât pas papa.

    Du reste, il me faut admettre que c’est à Laetitia que je dois d’avoir rencontré un personnage dont l’influence marqua au fer mes années de pédé-ado-bringueur : son ex mari, bien que l’on ne présenta jamais Laetitia autrement que comme « la femme de Walter » et par contrecoup papa, plus amusé que véritablement agacé, comme « le mari de la femme de Walter ».

    Certains sont vedettes dans des films, Walter était vedette dans la vie.

    Avec cette désinvolture amusée, ce charme piquant, cette lucidité goguenarde de ceux à qui on ne la fait pas.

    Partout ou passait Walter, les portes les mieux gardées s’ouvraient, les échines ployaient, on lui donnait du " cher Monsieur " long comme l’instrument de travail à Rocco Siffredi, on recherchait sa compagnie.

    Pas spécialement beau, se targuant d’une « inculture encyclopédique », Walter possédait en revanche des manières exquises, une élégance naturelle laquelle négligeait la pose, un sens très sur de la mode, un bagout de bateleur, un humour meurtrier, la perversité d’un Valmont et la gentillesse sans calcul d’un véritable homme de cœur.

    Un extraterrestre, un ovni.

    A 17 ans, il réussit l’exploit de se faire virer du lycée français de Londres; à n’en pas douter, un cas unique dans les annales du vénérable établissement.

    A 18 ans, ce joli garçon dont la bisexualité affichée trop haut pour qu’elle n’abusât nul autre que lui-même, tapinait rue saint Anne à Paris.

    Il y venait en métro ; il en repartait en Rolls.

    A 19 ans, il s’envolait pour New York à la remorque d’une vieille pédale richissime folle de ses saillies quelles qu’elles fussent.

    En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire il devint un incontournable du mythique « Studio 54 ».


    Il y côtoyait sans s’émouvoir plus que de raison , Mick et Bianca Jagger, Elizabeth Taylor période « Sauvez Willy », Andy Warhol, Margaux Hemingway, Liza witz a « Z», Lauren Hutton, Grace Jones et une myriade d autres illustres inconnus.
    Camés jusqu’ aux sourcils, les beautiful peoples rivalisaient d’audaces et d'indécences.

    Walter n’était pas de reste. A l'image des 70’s, le faraud se voulait sex, drugs and glam.

    Rentré en France, Walter ouvrit, à 21 ans, sa première boutique de fringues. Puis il passa à la godasse.

    Il importa « Sartore » et découvrit « Stéphane Kélian ».

    Il participa aux nuits folles du « Palace », du « Privilège », du « Boys », du « Queens », échappa par miracle aux maléfices de la "Horse"
    , aux horreurs du Sida, perdit dans l’ouragan ses amis les plus chers (« Il ne se passait pas une semaine sans que nous n’assistions à un, voire deux enterrements », me confia t- il un jour.), épousa Laetitia puisqu’il avait besoin d’une jolie femme à ses cotés dans ses diners d’affaires; en divorça sans heurts deux ans plus tard lorsqu’il rencontra l’homme de sa vie.

    A quarante ans, fortune faite, il bazarda toutes ses boutiques et prit sa retraite.

    Depuis, il partageait son temps entre, Paris, la Sardaigne et Marrakech.

    L’année du mariage, 1994 donc, suite à une rupture très médiatisée une Chanteuse Célèbre avait tous les paparazzis de France et de Navarre à ses trousses.
    Laetitia, cadre chez Artmedia, en charge des intérêts de la vedette, lui proposa donc de nous rejoindre dans la belle villa art déco que Walter possédait à Porto Cervo et ou nous passions quelques vacances « en famille ».

    Bonne pomme le mari de la femme de mon père donna immédiatement son accord tout en confirmant ce dont nous nous doutions déjà, à savoir qu’il ignorait complètement qui était cette Chanteuse Célèbre.

    « -Et que fait elle dans la vie, cette petite ?
    « -Enfin, Walter, c’est l’étoile montante de la chanson française ! Tu ne peux pas allumer la radio, la télé sans l’entendre brailler.
    « -Oh tu sais moi, les chanteuses actuelles ....Elles ont toutes le même look ; elles chantent toutes pareil. Et puis, je n’aime que les chanteuses blondes et mortes : Dalida, Claude François, Sylvie Vartan.
    « -Beuh, elle n n’est pas morte la Vartan.
    « -Ah bon ! Elle devrait !

    Entre la chanteuse et son hôte, le courant ne passa pas immédiatement.

    Il était trop star, elle ne l’était pas assez.
    Il cherchait la lumière, elle la fuyait.
    Il ne comprenait rien à sa simplicité de solide fille du peuple. Elle réprouvait la sophistication de son mode de vie.

    Il lui reprochait de sortir diner sans maquillage, coiffée à la diable et vêtue comme une clocharde Roumaine. Elle s’indignait que chacune de nos soirées soient soumises à un protocole digne de la cour de Saint James.

    Bref, elle le trouvait puant, il la trouvait plouc.

    Néanmoins, pour le remercier de son hospitalité, elle l’invita (en VIP, ma chère, pass « all Access » compris) à la première de son spectacle à " l’Olympia ".

    Certains auraient tué pour être à la place de Walter. Lui, gavé de champagne et de petits fours, ronfla pendant toute la durée du tour de chant.

    Je le réveillais à la fin du show.

    « -C' est terminé ?
    « -C' est terminé !

    Il s’étira comme un gros matou matois dans une flaque de soleil.

    « - Bien, dans ce cas, allons complimentir !

    L’anecdote, pour insignifiante qu’elle soit résume bien le personnage.

    Je pourrais vous dire également que sans lui, je ne serais probablement plus de ce monde.
    Que privée de son affection chaleureuse, de ses attentions délicates, de ses conseils toujours opportuns, de sa protection occulte mon adolescence eut put tourner à la tragédie.

    Je pourrais vous dire que je l’aime infiniment et que je ne le remercierais jamais assez.

    Mais vous commencez à me connaître.

    Vous savez à présent que je préfère souffler des paillettes et écrire sur du vent.

  • " Le jour, la nuit et les autres nuits."

    zzzzzzzzzzzzzzzzz-art-00000.jpgMon père s’est remarié l’année de mes seize ans, non sans avoir au préalable, en parfait homme du monde, sollicité mon consentement .

     


    Consentement que je mis, du reste, beau temps à lui accorder tant l’irruption d’une tierce personne dans le couple fusionnel que nous formions depuis le départ de ma mère me semblait halogène, barbare, contre nature.
     

    Nous parlâmes beaucoup, nous parlâmes longtemps, mon père arguant que puisqu’à présent j’avais un semblant de vie amoureuse, je pouvais admettre qu’il en ait une à son tour : que l’amour qu’il portait à cette personne blonde et glacéé n’enlevait rien à celui qu’il me vouait, bref soulevant tout un tas d’arguments, forcément sensés, que j’écoutais d’une oreille distraite tout en évaluant mentalement à quel prix je pourrais raisonnablement négocier l’abandon de mon droit de véto.


    Au terme de transactions que le plus pingre des usuriers eut trouvées mesquines, nous convînmes que je ferais bonne figure à ma future belle mère aux conditions expresses que l’on me laissât libre de sortir la nuit; quand bon me semblerait, doté, de surcroit, des subsides nécessaires à un train de vie qui me paraissait me revenir de droit divin.


    Mon père est un homme délicieux, un érudit, un artiste, un rêveur et vous l’aurez compris un grand naïf.

     A dix ans je quintuplais le montant de mon argent de poche en le battant régulièrement au poker; c’est vous dire à quel point il se complaisait dans un idéal étranger à toute réalité tangible.

    Dans le clair obscur de sa fantaisie, le monde de la nuit, auquel il me donnait plein accès, avait le velouté, la douceur, l’onctuosité d’un chocolat chaud.


    Je sais à présent, la trentaine et peut être la sagesse venues (j’entends ici les hyènes ricaner !), que naïf il ne l’était pas tant que cela. Simplement, il m’aimait suffisamment pour m'autoriser à commettre mes propres erreurs ; tout en sachant, quoi qu'il puisse arriver, qu'il serait toujours là pour me rattraper au bord des précipices.

     


    Tout cela pour vous expliquer que j’ai pris l’habitude de sortir très jeune et que, bien entendu, j’ai accumulées les conneries avec la parfaite régularité d’un métronome.
     

    Stupide, j’aimais à me prendre pour une sorte d acteur de vaudeville dont l’emploi eut été le gandin.
    Lucide néanmoins, je savais que je n'étais, en somme, qu’un rutilant piège à cons.
     

    J'étais beau, je pense. En tous cas on me courtisait.

    Mais courtisé, ne l'est on pas toujours lorsqu'on a seize ans et qu'on manque de sérieux ?
    Chaque soir, à l’heure ou la ville mourait, a l'heure où la lune flambait, à l’heure où les folles se fardaient, j’abandonnais ma défroque ordinaire pour revêtir l'habit de lumière, le costume du matador.

     
    Les nuits Parisiennes étaient mon théâtre.


    Ce théâtre, je l’investissais à la hussarde.
    Je jouais large, je jouais ample, je jouais l'aisance et l audace; chaleureux, perceptif et sexy comme une pub pour des cigarettes Américaines.

    « Try a différent flavour »


    Le contraire en somme de ce que j’étais dans la vraie vie ou l’on me regardait comme une épure, un effrayant monolithe.

    J’ignorais d’ ou cela venait ni ou cela m'entrainerait, mais la plupart des gens m'estimaient incapable d'éprouver des émotions autrement qu’en une dérive immobile ; sans qu’elles ne m’affectent réellement. Sous mes néons de couleurs, en revanche, je déplaçais du vent, je semais des paillettes, je faisais du bruit et illusion, capturant mes victimes à mon grand rire avide, au feu de mes yeux lasers, qui les fusillaient à blanc, qui les fusillaient en bleu horizon.

     


    Mon infernale exigence me commandant d'aller toujours plus loin dans la surenchère, je forçais le trait jusqu’à m’extraire de moi même.

    Je me voyais alors comme si j'étais doté d un troisième œil ; plutôt je le voyais lui, « Mauvaise. Graine », qui existait de manière autonome tel un exorcisme ou une libération.

    Toute mon énergie nourrissait ce monstre, bouleversant d’ubiquité, et il m'arrivait parfois de me sentir bon pour la camisole. Mais, si les contraintes, ce bain de regards faussés, forcément faussés, dans lequel je m'ébattais soir après soir, étaient pénibles, le jeu en lui même me grisait avec la puissance d un alcool fort.

    J’éprouvais l'ivresse d'être exactement dans le rythme de la fête ; de faire corps avec elle, d’investir miraculeusement l’œil du cyclone, le cœur du maelstrom.


    Je décrochais alors, je décollais, je voyageais long distance au sein d une dimension physique, organique, intime.

     


    Et puis lorsque la sono se taisait, lorsqu’une à une les lampes se rallumaient, j'atterrissais toujours un peu en catastrophe, la tête tournée par mes sauts d'archange émerveillé.


    On est forcement déçu lorsqu’on est exigeant. On veut donner beaucoup pour recevoir beaucoup mais on ne trouve jamais dans cet échange que ce qu’on y a mis et parfois moins, comme s’il y avait eut évaporation.

     


    Très vite, je compris que le monde de la nuit n’était qu’une échappatoire. Je me promis de ne pas y faire de vieux os. Je passerai une saison en enfer, voire deux par gourmandise, mais la gourmandise tourna à la gloutonnerie et les mâchoires du piège se refermèrent sur moi. J’aimais bien mon personnage de « Mauvaise. Graine » et les nuits vieillissaient.


    Aujourd’hui encore il m’est plus facile de me définir comme « Mauvaise. Graine » que comme V.V.S.M.

    Momifié au sein d un milieu qui, pourtant, n’est pas le mien, je n existe plus que par référence.

    Le commerce du symbole marche encore très bien, sans doute l’avez vous remarqué. Il suffit de coiffer une couronne, de se fabriquer un masque plaisant, pour paraitre et tant pis si on oublie de projeter son être dans ce paraitre. On vie alors prisonnier d’une image fortement enluminée mais totalement désincarnée comme les vedettes du cinéma ou les demoiselles du rocher. On ne se reconnait plus.


    Alors on tente une nouvelle sortie d autoroute et évidement on loupe l’échangeur.