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guetta

  • " Paris Cinoche. "

    zzzzvania-paris.jpgJe suis né à Paris; j’y ai grandi.

    Partout dans la capitale je me heurte à des images, des souvenirs, des regrets aussi.
    Partout des parfums viennent me parler du passé.

    Une essence de Guerlain sur un manteau qui vous frôle, une odeur de vieux cuir à l'intérieur d'un taxi, les effluves d'un vin chaud à la cannelle au coin du comptoir , "Chez Georges", rue des Cannettes, le piquant poisseux des berlingots que l'on achetait dans les petites cahutes de bois vertes du Luxembourg.

    Paris de mon enfance entre le boulevard Exelmans ou nous habitions alors (David était notre voisin) et le parc Monceau ou résidaient mes grands parents et les trois jeunes sœurs de mon père.

    L’ambiance à la maison était à la guerre des nerfs. Mes parents ne s’aimaient plus; à supposer qu’ils se soient aimés un jour.

    Aux périodes de silence hostile succédait le terrible fracas de leurs dernières disputes. Tout cela ne m’empêchait pas de dormir puisque je ne les avais jamais connus autrement que dressés l’un contre l’autre, échangeant les sarcasmes, les piques au vitriol, les coups bas.


    En revanche, parc Monceau, l’atmosphère était aux rires, à l’impertinence, au joyeux bordel.

     Mes tantes, toutes blondes comme des soleils de Crimée, belles, légères, insolentes, avaient alors entre dix sept et vingt ans. Elles poursuivaient de vagues études qu’elles rattraperaient au pire un jour peut être, au mieux jamais, préférant enchainer les cœurs sans se soucier de les écharper, sous le regard complaisant d’un père qui leur prodiguait toutes les indulgences et celui toujours vaguement mélancolique d’une mère qui pour avoir fait se pâmer tout Paris en son temps, retrouvait dans leurs folies le goût perdu de sa propre jeunesse .

    Les fiancés défilaient comme en un quatorze Juillet perpétuel. De gentils voyous pourvoyeurs d’extases chimiques, des fils de famille soigneusement décoiffés, des étudiants en on ne savait trop quoi engoncés dans leurs petits costumes cintrés, des acteurs aboyeurs, un peintre qui ne peignait que des culs et tant de pianistes que l'on aurait put croire nos trois gracieuses toquées des coulisses de Pleyel.

    Du reste, on ne savait jamais très clairement qui était avec qui, tant les  « demoiselles avec ou sans ailes » comme elles se qualifiaient elles mêmes, mettaient de malice à se chiper, se prêter, s’échanger leurs amoureux respectifs.


    Le dimanche, lorsque le temps le permettait, nous déjeunions dans le jardin, au grand dam des voisins assourdis par le vacarme de volière qui régnait sous les tilleuls. Nous parlions tous en même temps sans prendre la peine d’écouter ce que racontaient les autres et ne consentions à nous taire que lorsque le pianiste du moment s’installait devant le demi-queue du salon. (il y avait toujours, parmi les convives, au moins un pianiste, et si par extraordinaire nous manquions d’hommes aux doigts d’or, papa s’y collait non sans s’être, au préalable, fait copieusement prier )

     Chacune des « demoiselles avec ou sans ailes » réclamait alors sa pièce favorite.

    Liouba, l’ainée, ne jurait que par la « Manon Lescaut » de Puccini et l’aria « Sola, perduta, abbandonata » de l’acte IV.

    Stassia la cadette préférait « la suite Bergamasque » de Debussy, dont le prélude tout en contrastes tranche avec l’humour du second mouvement et l’exquise tendresse du « clair de lune » qui lui succède.

    Enfin Sasha, la benjamine, n’avait de cesse qu’on ne lui jouât SON Tchaïkovski, à savoir l’Allegro non troppo e molto maestoso du concerto N° 1 pour piano et orchestre.


    « Mauvaise . Graine » quant à lui, plus habitué à la variété saturée de synthés des Golden 80th , écoutait ces merveilles d’une oreille maussade tout en se gavant d’Ouzvar de fruits séchés, sorte de compote très liquide à base de pommes, de poires, de pruneaux, de cerises et de raisins secs; et de Kissiels de lait à la cardamone, dessert utilisant la fécule de pomme de terre dont la consistance élastique et gluante ainsi que l’aspect louchement translucide aurait dégouté plus d’un gourmet; tant et si bien qu’il ne se passa pas un Dimanche sans qu’on le ramena vomissant tripes et boyaux, boulevard Exelmans.

    Paris de mes premières sorties : le « Queen » alors temple des nuits gays , l’ambivalence des bains à l’époque des Guetta , le « Man Ray » ou il arrivait qu’on croisa Johnny Depp, les « Moscow’s mists », mélange écœurant de lait et de vodka que l’on buvait dans de longs verres givrés, les quêtes désespérées aux dealers qui nous amenaient , intrépides, inconscients, aux confins de Stalingrad, surnommé « Superdrog » puisqu’il était possible de s’y procurer toutes les saloperies illicites possibles et imaginables, les retours en taxi d'improbables banlieues, si saouls que l'on mettait souvent plus de dix minutes à donner son adresse au chauffeur .

    Paris de mes dégouts et de mes répugnances. Paris ou j'aime abandonner mes feux et mes bourrasques, mon âme endolorie. Autheuil me va bien lorsque j’ai le cœur gris.

    Comme le jeune Dutronc il m’arrive de ne plus aimer Paris.


    Paris parfois me pèse, Paris parfois m’ennuie.

    Paris a perdu ses odeurs de campagne, ses allures de village que l’on trouvait encore, il n’y a pas si longtemps, à nos vieux quartiers.

    Paris trop fardée, se parfume d'Orient. On croirait le Bosphore aux rives de la Seine.

    Paris des beaux quartiers, à force de retouches, n’exprime plus qu’une sorte d’effroi poli.

    Paris n'a plus d'esprit depuis que Madame Verdurin est devenue Princesse de Guermantes.

    Paris est tout petit et nos amours immenses. Paris ne sait même plus parler le parisien.
    Paris, ta tour prend garde, il vont l'enrubanner de torchons de couleurs et de quolifichets, comme le Pont Neuf, hier, qui par un beau parleur se laissa emballer.
    Paris tes élégantes s'habillent à Milan.

    On ré-enterre Saint Laurent place Saint Sulpice, juste sous les balcons de la reine Deneuve et Chanel s'affiche en personnage de fiction dans les cinémas.
    Paris n'a plus grand-chose à proposer.

    Régine a mangé son boa, Castel ne va pas bien, Le Queen, sans talent, singe le Palace, et ta revue, Paris, gambille en boitant.

    Paris rabâche les mêmes expos vues cent fois ici et ailleurs, Paris se veut Broadway et ne sait pas danser, Paris exhibe ses vieilles gloires sur ses scènes navrées, dépoussière Tennessee, Pagnol, notre Tchékhov, l’eternel Feydeau, l’insupportable Claudel.


    « Le soulier de satin », en version intégrale, court son marathon au théâtre de l’Odéon .

    Onze heures de franche rigolade, de comique vertueux.


    Pour citer Guitry au soir de la première :

    « Heureusement que nous n’avons pas eut droit à la paire!"

     

     

    Paris de mes premières amours, une garçonnière rue de Verneuil, des baisers sur un quai de Seine, une étreinte sous une porte cochère du boulevard de Rochechouart, une rupture gare de Lyon ( « si tu prends ce train , tu ne me reverra jamais »), un diner aux chandelles qui tourna au pugilat dans un resto proche de la rue de Turbigo, de la pluie et des larmes sous les marronniers de la place Dauphine……Du cinoche que tout cela, mais Est-ce ma faute si j’ai toujours vécu mes amours comme de mauvais films ?

     Paris, mon Paris, moi qui suis citoyen du monde et dans le fond si peu Français. Un Paris que je fantasme. Un Paris que je n’ai pas connu. Un Paris en noir et blanc et cinématographe. Celui de Janson, celui de Prévert, le Paris d’Audiard.

    Paris, une femme flânant sur le boulevard du crime, distinguée et familière, si Parisienne.

     Un peu Avenue Montaigne, un peu Courbevoie.
    Intense et grave comme une toile de Van Dongen; elle ne ressemble pourtant qu'à elle même.

     Poétique, voici le mot, étrangère au paradis, indifférente à l'enfer ; elle n'est pas belle, elle est vivante. On la devine amoureuse de l'amour plus que des hommes, ignorant le péché puisque " c'est tellement simple l'amour ». Simple comme bonjour, aimez moi, adieu. Simple comme une valse chaloupée sur trois notes, trois pas, trois battements d'un cœur que rien n’affole.

     Simple comme le regard clair de ses yeux noirs qui ne voient pas le mal.

    Arletty ! Lady Paname !

    Paris, une chanson. Un duo.

    Catherine Deneuve et Malcom Maclaren.

    « Saupoudrez pour finir de poussière de métro mais n’en prenez pas trop »

     

    Catherine Deneuve et Malcom Maclaren: " Paris"
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