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musique - Page 3

  • " Dernier été à Tanger"

    zzzzzzzz-art.jpgChris encore, Chris toujours !
    Si vous en avez assez de mes Chris par ci, Chris par là, vous pouvez bien me le dire, les commentaires servent à ça. Mais si je ne vous parle pas de Chris je vous parlerais d’autres garçons fondus dans le même creuset, alors autant vous entretenir de celui du moment.


    « Le garçon du moment » : Dieu que cette expression semble cynique.
    « Le garçon du moment » comme le dernier gadget de « Pif » ou le parfum du mois.


    La tendance actuelle, celle dont on sait bien qu’elle passera plus vite que le café, qu’elle sera remplacée par une autre, pas forcément plus agréable, pas forcément différente même, mais subtilement autre, suffisamment inhabituelle en tous cas pour qu’on lui trouve la fraicheur verte et moussue des sources vierges.
    Mes amants avaient tous les yeux obliques des poisson-chat, parfois le même prénom, du gout pour une certaine barbarie à face d’archange, des rébellions de poulains débâtés ; seul changeait le regard que chacun d’eux portait sur moi et qui me faisait me sentir dissonant, discordant, mais neuf et comme rajeuni.

    Du reste, je ne songe jamais lorsque je rencontre un homme : « Celui là sera mon dernier amour, mon dernier rêve sera pour lui ».

    Je trouve un peu sinistre de s’entendre dire « Je veux vieillir avec toi » même si l’idée de vieillir ensemble, à deux, cote à cote me parait belle en soi. A la limite je préfère la brutale franchise d’un « Nous ne vieillirons pas ensemble ! ».

    J’ai besoin de garder l’impression que ce qui existe aujourd’hui n’existera peut être plus demain. Cela me permet de rester ouvert, d’échapper à la pause, aux grandes attitudes mélodramatiques.

    En revanche il m’est arrivé d’aimer à nouveau un homme que j’avais aimé par le passé. J’ai besoin de penser qu’il reste toujours quelque chose d’un amour, en latence, en attente : une empreinte, une blessure, une braise.


    J’ai du désir pour Chris, parce qu'il est jeune, beau et intelligent. Cependant, très vite, je me suis rendu compte que cela ne me suffisait pas.

    En fait Chris ressemble au garçon opaque et lumineux que j’étais à son âge. Dire que je me retrouve à travers lui me semble toutefois un peu exagéré.

    C’Est d’avantage un parfum que je retrouve au travers de ses immenses ambitions, son appétit de conquêtes, sa détermination à avancer quoi qu’il lui en coute ; le parfum doux amer de mes rêves avortés.

    Jamais je ne lui avouerais qu’il ne peut me faire souffrir. Un homme qui ne peut pas vous faire souffrir, c'est un homme qu'on peut aimer mais avec une certaine limite, qui n'a pas d'emprise sentimentale sur vous.

    Alors, est ce là la pierre de touche d’un amour ?

     



    D’un autre coté la souffrance lorsqu’elle vous vient d’un homme aimé est une souffrance très particulière.


    « Souffrir par toi n'est pas souffrir" chantait Julien, voilà longtemps.


    Pour mesurer le degré de mon sentiment envers Chris , je suis bien obligé de reconnaître que je ne peux souffrir par lui, donc, par extension , que mon amour est limité.


    Nous nous sommes rencontrés en Sardaigne.
    Chris guidait un groupe de touristes Grands Bretons à la découverte du bassin Méditerranéen ; je profitais de quelques jours de vacances dans la jolie maison blanche et bleue du dernier mari de ma mère.


    Il n’y eut ni feu d’artifice, ni lâché de ballons, pas même un frisson d’aile dans un ciel dévoré de soleil. Juste une évidence, une simple et banale évidence.
    L’évidence que nous nous complétions parfaitement, que « nous allions bien ensembles » ; l’évidence que nous irions encore mieux ensembles une fois nus.


    Nous avons ri, nous avons bu, nous avons dansé, nous avons fait l’amour à nous en écorcher la peau puis Chris est parti pour Syracuse.


    On s’est dit ciao, c’était sympa et on s’appelle, promis !


    Personne n’y croyait réellement tant les amours de vacances ressemblent à des parenthèses enchantées que l’on referme en même temps que nos valises.


    Puis contre toute attente Chris a appelé.


    Je négociais un contrat à Tanger, lui par un de ces hasards bêtes de la vie se trouvait à Rome.


    Il a dit :

    « -Ce n’est pas grave, je termine mon tour demain et rien ne m’oblige à rentrer de suite à Paris. Attend moi.


    J’ai dit : « Je t’attends. »

    On m’avait conseillé, dans Tanger, de passer par le très pittoresque Café Marhaba al Hafa.

    De sa terrasse en degrés, creusée à flanc de falaise, ou les chats paressaient parmi les fleurs sauvages, on apercevait la côte Espagnole.

    Naguère, le "Hafa", dont la particularité est de ne pas servir de Café mais uniquement du thé Marocain, accueillait aussi bien les Beatles ou les Rolling stones que Paul Bowles et Jack Kerouac.

    Aujourd’hui si l’on peut toujours se régaler d’un délicieux thé à la menthe sur ses tables dépareillées, on y vient surtout pour s’y procurer le meilleur cannabis de toute la côte.


    Chris et moi avons fait emplettes de quelques boulettes puis nous sommes remontés fumer tranquillement au bord du précipice.


    Chris a dit qu’il n’y avait rien devant nous, sinon le vide et la falaise.
    J’ai répliqué qu’au contraire, il y avait la mer, plus loin l’Espagne et encore plus loin l’Europe toute entière.


    Chris a secoué la tête tout en tirant sur son joint.


    « -Tu te trompes, il n’y a que le vide et l’attrait du vide. L’envie de se pencher jusqu'à ce que l’idée de tomber fasse mal.


    J’ai passé un bras affectueux autour de son cou, attiré sa tête blonde vers mon épaule.


    « -Et toi, qu’est ce qui te rattrapes dans ces moments là ? Ais je demandé d’une voix légèrement embrumée par le shit.


    Chris s’est dégagé un peu brusquement de mon étreinte protectrice.


    « -La même chose que toi V. Le fait de vouloir à nouveau ce vertige. » A-t-il répondu en me regardant bien en face.


    J’ai su alors, qu’en dépit de son jeune âge et de son inexpérience, celui là me devinais mieux qu’aucun de ses prédécesseurs n’avaient su le faire.


    Ce soir là, au bord de la falaise Hafa, moi qui n’ai connu d’autre vertige que celui des hommes et de la nuit, je me suis vu tomber comme en un tourbillon dans les yeux dorés du garçon qu’aujourd’hui encore je redoute d’aimer si peu, d'aimer si mal.

    JULIEN CLERC: " Souffrir par toi n'est pas souffrir"
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  • " Vynile Fraise: la B.O de ma vie"

    zzz-vania-guitare.jpg1978

    Élu entre Nixon le tricheur et Reagan le cabotin, Jimmy Carter, l’homme aux cacahuètes, parvient à convaincre Begin et Sadate de signer les accords de camps David.

     En France, Giscard s’invite à dîner chez les pauvres et donne asile à Neauphle-le-château, au redoutable ayatollah Khomeiny, expulsé d’Irak par Saddam Hussein.


    En 1978 comme aujourd’hui, on a le président qu’on mérite.


    1978

    la 16 500 000e et dernière « Coccinelle » sort des usines Volkswagen de Wolfsburg en Allemagne; Jacques Mesrine s’évade de la prison de la Santé; Claude François donne son dernier gala et Jacques Brel s’en va tutoyer l'éternité aux Marquises.

    1978

    Le pape Jean Paul 1er meurt dans de mystérieuses circonstances après 33 jours de pontificat, « Annie Hall » de Woody Allen triomphe aux oscars et Françoise Hardy écoute de la musique saoule à rouler par terre.

    1978

    Mes parents se marient dans la plus stricte intimité à la mairie du 16e arrondissement. Sur les photos ma mère arbore un tailleur crème, des yeux de démone et un ventre bien rond; mon père l’air éffaré d’un homme pris au piège.


    Ils ont tout juste 18 ans.


    1978

    Naissance de Josh Hartnett, Katherine Heigl et Gaël Garcia Bernal.


    Le 28 Octobre V.V.S.M voit le jour au milieu de la nuit dans une clinique du val de Grâce.

     L’enfant très velu, très laid est déjà insupportable.


    Sa mère jure sur la Bible, le Coran et la Thora qu’on ne l’y reprendra plus.

    Grâce à Dieu elle tiendra parole.

     


    1978

    Le disco jette ses paillettes sur les platines du monde entier.

    Au "54" ,à New York , la cocaïne tombe directement du ciel dans les narines de Bianca , Liza ou Liz.

    A Paris, mon père écoute le même titre en boucle tandis qu’il me change, me lave ou me nourrit.

    Quinze ans plus tard la découverte de mon orientation sexuelle l’étonnera à peine.


    On se demande bien pourquoi ?

    Donna Summer: "Mac Arthur Park"


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  • " Présentation des Musiciens"

    zzzzzzzzzzzzz-v-by-fx-08.jpgVoici un peu plus de deux ans, pourvu de cette «  mâle franchise » qui se pare du beau, du rude nom de gaillardise ainsi que d'une inconscience si absolue qu‘elle touchait au cynisme, j’avais entrepris la rédaction de mon premier blog, un ricanant et mélancolique chef d’œuvre de posture intitulé «  Mauvaise Graine et les Garçons ».

     

    Provisoirement immobilisé à la suite d’un accident de voiture survenu au soir de mon trentième anniversaire, je m’étais imaginé que le fait de  raconter mon quotidien au travers d'instantanés plus ou moins inspirés, s’il ne m’aiderait pas à y voir  plus clair parmi les fanfreluches et les tremolos dont j’aimais à orner ma personnalité schizophrène, du moins me permettrait il de tuer les lentes et pesantes journées de quasi solitude auxquelles mon plâtre me condamnait.

     

    J'avais démarré cette aventure dans le déni le plus achevé, l'idée fondatrice étant de raconter de légers, de  croustillants petits contes défaits, d’amusantes historiettes sur la vie d’une certaine frange du gay Paris.

     

    Bref, j'entendais, dans des détonations de champagne, dans le cliquetis argentin des paillettes, acoucher d'une baudruche toute amusée d'elle même mélant sur un air encore assez badin vacheries, sexe et Show Bizz !

     

    Or, je m'aperçus  très vite que ce verbiage, aussi fardé, poudré, camphré fut il, se résumait à la seule glorification d'un Moi  dont le mérite s'avérait inversement proportionnel à la bouffissure qui le tendait à le rompre.


     

    Du reste, je n'avais rien à révéler de bien palpitant. Ma vie s’énonçait agréable partagée entre un métier souvent casse burnes mais pour lequel je me passionnais et  un entourage non moins ratatineur de valseuses mais aveuglément dévoué à ma triste cause.

     

    De problèmes je ne me connaissais que ceux que je prenais malice à me créer.

     

    Né coiffé, une cuillère en argent dans la bouche, pas d'effort spécial à fournir pour atteindre les objectifs qu'a vrai dire je répugnais à me fixer, pas de malhonnêteté flagrante entachant le fil immaculé de mes jours, pas de grand crime à confesser, aucun point de vue original sur la marche du monde, je ne possédais en somme  qu'un grand cœur écharpé mais en voie de guérison.
    Le lot commun de tous les gays trentenaire pour peu qu'ils se soient écorchés l'âme aux aspérités de la vie et de la nuit.


    Ainsi, très vite, l’encre peina à couler.


    Les mots boitèrent et je buttais.


    Christophe était là, déjà,  qui me souriait.

     

    Il avait bien du mérite tant je montrais de constanceà invoquer les mânes de mes amours défuntes pour échapper aux faux semblants de celles à venir.


    J’avais compris alors, non sans efforts, non sans réticences, qu’ il me faudrait désormais  m’occuper à vivre, à aimer, à revenir aux sources du moi, du jeu, du nous, qu’ il faudrait que l'écriture me devienne accessoire ou mieux qu’elle finisse par m’encombrer. Or elle se voulait exigeante, la garce, elle me talochait, elle me talonnait, elle aurait aimé que je lui consacre des heures.
    L'existence impudique que je menais sur ce blog m’était apparue soudain en subtil décalage avec mon histoire, passée ou présente, comme une version plus nue, plus franche, plus abrupte de celle ci.

    Infiniment embarrassante parce que touchée d' une lucidité dont je n'avais  pas toujours fait montre.

    Car enfin, admettez qu'il faut être gravement perturbé pour confier avec des mots choisis à de parfaits inconnus ce que l'on dit si mal à ces meilleurs amis ?

     

    J’avais donc cessé d’écrire du soir au lendemain, sans un avertissement, sans une explication, sans un adieu à mes lecteurs. Sans regrets ni  fanfares je m’étais engouffré dans ce qui sonnait comme la dernière grande histoire d’amour de ma vie.

     

    Christophe tel qu'en lui même enfin.

    Christophe le sublime, le magicien; Christophe l'alchimiste, l'envouteur; Christophe devenu l'unique objet de mes obsessions intimes comme la cause ultime de mes plus rudes navrances; Christophe le voleur envolé, clair regard d'or vert et sourire blanc.

     

    Dans le premier billet que je lui consacrais alors, je définissais Christophe du seul adjectif, qui me vint à l’esprit, un adjectif lapidaire et clinquant , dont l'écrasante hauteur me semblait en parfaite adéquation avec un orgueil du sang que trahissaient par touches discrètes, le timbre parfois trop appuyé de sa voix ou certains de ses gestes, tel ce revers de main vif comme un soufflet, par lequel il congédiait les importuns; orgueil du sang auquel j'attribuais, sans doute un peu vite, son mutisme polaire, ses fraîcheurs boréales, sa réserve, un rien boudeuse, un rien ennuyée et qu’il ne cherchait pas à travestir lorsqu’il s'engageait, d’un pas d’écrevisse, sur les chemins qu’à coups grossiers de machette je lui ouvrais, dés lors que ces sentiers d'infortune ne conduisaient pas au sacrifice noblement consenti de mon lit.


    Je le disais princier.

     

    En toute partialité, en toute immodestie.
    Prince des fleurs de Lys, proche parent de France, sans doute ne l’était il plus tout à fait, tant la race, une fois descendue des échafauds de la terreur avait mis de rage à remonter son prestige au prix de factions politiques douteuses, de volte-face, de trahisons et pire encore d’alliances boutiquières, néanmoins il restait aux derniers du nom encore suffisamment de sève, de finesse, de distinction supérieure pour imposer sans efforts notoires une prééminence qui les rangeaient à part du commun des mortels, tout en les figeant dans une pose qui bien qu’elle sentit un peu la poussière et le renfermé ne manquait ni d’allure ni de panache.
    Comme on ne prête qu’aux riches, on pardonne volontiers aux aristos de hausser un peu loin leurs cols à guillotine maintenant que les Altesses font la pige aux vedettes de Cinéma, maintenant que le enfants des tricoteuses et des accusateurs publics canonisent des dindes couronnées dont les brushings de premières vendeuses, les élégances tartignoles, les grâces trébuchantes, les éternelles conjonctivites accompagnent à ravir des destinées sentimentales de feuilleton télé.
    Au début de notre liaison, vaguement flatté de toucher au fait du Prince, je trouvais commode de réduire ce Christophe dont je ne parvenais pas à percer les brumes de silences, à son ascendance éminemment aristocratique.


    J’y mettais, il est vrai, une pointe d'ironie tout à fait mesquine, un peu à la manière d'un obscur hobereau au spectacle d'un courtisan, lorsque tout enrubanné de faveurs Versaillaises, tout agité de poudre et de parfums, ce dernier daignait souiller ses points de Venise et le rouge Cardinal de ses talons dans le bourbier des basses cours d'ou il tirait ses carrosses et ses colifichets.

    Si Christophe n’était pas le dernier à railler son nom à rallonge, la kyrielle de titres qu’il trainait à ses basques comme une charrette nuptiale éparpille son vacarme de boites de conserves, ses ancêtres dont les portraits s’exposaient dans les musées tandis que leur gloire et leurs méfaits n’en finissaient pas de ricocher, des pages des livres d’Histoire à celles des romans populaires, il y avait dans le dédain qu’il affichait pour sa particule une certaine part de vanité.
    Il en riait, certes, mais sans jamais laisser oublier qu’il en possédait une, comme il ne manquait pas de rappeler sous couvert de dérision, l’insolente devise familiale selon laquelle alors que le monde n’était pas encore monde, les siens, déjà portaient les ondes.

     


    Pour couronner un peu plus son front à diadèmes, Chris est beau.
    Chris est beau et il s'en fiche.
    Ou du moins, disons qu'il n'en tire nulle vanité.

    Il a le triomphe modeste et l'âme charitable. Il porte cette beauté à la manière d'un bijou précieux dont il ignorerait la valeur. Jamais il ne l'utilise pour humilier ou brocarder qui que soit. Jamais il ne lui viendrait à l'idée d'en tirer avantage.
    Amateurs d‘Adam nus, de nombreux photographes, lui ont fréquement proposé de poser pour eux. Alors que n'importe quelle tapiole de base, folle de joie, se serait roulée dans la poussière en mugissant comme une sirène d’incendie; Chris, lui, se contente, très poliment mais non sans fermeté, de décliner l’invitation.
    Lorsque je l'interroge sur les raisons de ses refus, il me contemple avec un air d’incompréhension.


    « _ Ca ne m'aurait rien apporté, V. me dit il, marri que je sois trop bête pour saisir l’évidence.


    Chris n'est pas frivole.

    Chris est, ce que l'on appelle prosaïquement, une bien belle personne.

     


    Cherchez la faille, creusez, diguez, vous ne trouverez rien, sinon d'immenses qualités.

    Intelligent, probe, réfléchi, engagé, sérieux comme pape en Vatican ; ce gamin me désespère chaque jour d’avantage.

    Où sont les rudes scories des hommes que j'ai aimés avant lui ?
    Que sont devenus les gueules d'aboyeurs que je fermais d'un baiser ?
    Comme ils riraient, mes ogres cannibales, s’ils me voyaient aujourd’hui, moi qui n'aimais que les orages, croiser sur les eaux lisses d'un tiède conjungo en compagnie d'un petit garçon modèle que même la comtesse de Ségur eut trouvé trop sage.


    Enfin, lorsque je parle de conjungo, il ne faut rien exagérer. Chris habite chez ses parents près d’Opéra.

    J’habite un vaste appartement, un pâté de bâtiments plus au sud.


    Il vient parfois chez moi. Je ne vais jamais chez lui.


    « _ Cette affluence, proteste Chris. Je ne sais pas comment tu supportes tout ce passage.


    Parfaitement bien, jeune homme, n'ayez crainte.


    Mon appartement est connu dans Paris sous le nom d' " Auberge du 6eme bonheur ».
    La plupart de mes amis en possèdent la clé.
    On y entre comme dans un moulin. On y dort; on y dîne.

    On y séjourne trois jours ou trois mois.

    On y soigne ses peines de cœurs.

     On y cache ses liaisons.

     Il m'est arrivé de trouver des couples dans mon propre lit, occupés, vous vous en doutez, à jouer aux cartes, de parfaits inconnus dans ma salle de bain, de vieilles connaissances, oubliées depuis longtemps, assoupies sur mes canapés.

     

    J'adore cette ambiance brouillonne de perpétuelles vacances, ces va et viens incessants qui donnent à mes salons un air d’Italie.


    Chris, lui, ça l’emmerde.


    Sommes-nous pour autant si différents ?

    Et ne venez pas évoquer comme point de discorde les six années qui nous séparent. Après tout je possède de beaux restes, et croyez moi, Chris est passé maître dans l'art de s'en accommoder.


    Bref……


    Nous lisons Proust et « Voici ».
    Nous écoutons Rachmaninov et Mika.

    Nous aimons le silence des musées et la fureur des bordels.
    En revanche, là où il se montre calme, pondèré, serein; je me révèle volcan en perpétuelle éruption, grande gueule incapable de la fermer.
    Là ou il verse dans la mélancolie et la discrétion ; je m’épanche dans l’emphase et l’exubérance.
    Là où il est adulte, je suis enfant.
    Il a planifié son existence avec une rigueur effrayante, au point que je ne serais pas étonné qu'il ait déjà souscrit une convention obsèques.

    Je suis incapable de vous dire ce que je vais faire dans une heure.


    « - La vie est unetrajectoire rectiligne . Aime t il à répéter.


    (La tienne peut être, poussin ! La mienne n'est que circonvolutions.)


    Il est terrifié à l'idée de prendre une mauvaise décision et de se retrouver à l'heure du dernier bilan encombré de regrets.
    Mais, que connaît-il, enfin, au charme des regrets, aux possibilités infinies cachées derrière ses portes que l’on a choisi un jour de laisser fermées et devant lesquelles on ne peut passer sans que l’imagination ne s’enflamme et un délicieux pincement au cœur ?

    Que sait il de l'amère beauté des " si j'avais su «, " si j'avais pu " et " si c'était à refaire " ?
    J"ai de beaux souvenirs et des regrets magnifiques.


    « - Mais quand te décideras tu à devenir raisonnable ? Me demande t il régulièrement.
    Comme d'habitude je m'en tire d'une pirouette.
    « - Quand on me clouera au sapin de l’enterrement.
    Il cache son visage dans ses mains.


    Atterré !


    Alors, me direz vous, que faisons nous ensemble ?
    La réponse est simple.
    Je le fais marrer, il me fait bander.
    Je suis le clown blanc de sa piste aux étoiles ; il est l'illusionniste de mon ciel de lit.
    Je sais que ce n'est pas suffisant, que l'on ne battit pas une vie sur des rires et des râles.
    Nous avons tenté cent fois de rompre le lien d'acier ténu, qui nous uni l’un à l’autre.
    Sans grande réussite, à vrai dire.
    Nous nous quittons toujours un peu en froid, vaguement boudeurs mais pas vraiment séparés.

     

    Du reste, nous nous quittons de moins en moins.

     

    C’est enfin à Christophe que l’on doit mon retour au sein de la blogosphère -et certains d’entre vous le voueront probablement en raison de cette atteinte au bon goût, à des gémonies susceptibles de faire passer le supplice du pal, ce petit jeu qui commence si bien mais qui fini si mal, pour un interlude Virgilien -  .

     

    Ainsi, le week -end dernier, privé de mes précieuses que j’étais allé saintement baigner aux rives miraculeuses d’une  Méditerranée aussi azurée qu’un manteau de Marie, ceci  dans l’espoir hélas déçu de les débarrasser d’un début de flétrissure somme toute très banal à mon âge, dans mon état et à l’heure qu’il est, Christophe ne trouva-t-il rien de mieux à faire pour tromper son ennui - et sans doute pour éviter de me tromper moi-même avec le premier miroir à putain venu- que de relire mon ancien blog.

     

    « - Tu sais, finalement, ce n’était pas si mal ce que tu écrivais, me dit il dés mon retour, avec au visage un air d’angélisme qui lui eût valut une canonisation immédiate s’il n’avait ouvertement et sans la plus pauvre pudeur revendiqué d’un penchant déplorable mais que je me gardais bien de déplorer pour certains vieux beaux toutefois équipés d’accessoires encore en état de marche.

     

    J’en étais resté cois tant par le passé j’avais eût à redouter les franches moqueries dont mon camarade de jeu se plaisait à accabler une prose «  aussi cambrée dans sa vanité qu’un pied de marquise dans son soulier de satin. »

     

    « - Tu devrais continuer, ajouta t’il sans même se marrer. Ca t’éviterait de penser à mal lorsque je quitte Paris.

     

    J’objectais piteusement, une fois ma voix retrouvée, que de penser constamment à lui, qu’il se trouve dans la pièce voisine ou à Tombouctou n’était pas penser à mal, qu’en conséquence  débordant d’une légitime félicité au creux de ses bras je ne voyais pas la nécessité d’encombrer la pédésphère des récits extatiques d’un bonheur qui du reste ne se raconte bien que lorsqu’il est perdu.

     

    Christophe avait souri finement tout en ébouriffant d’une paume tiède et humide les poils de mon torse nu.

     

    « - Heureux ? Toi ? Comme si tu pouvais le rester bien longtemps ! Ecris mon amour ! Ecris pour toi, écris à propos de nous. Ecris en souvenirs de nous, écris  pour  lorsque heureux nous ne le serons plus. »

     

    Véronique Sanson: "Amoureuse".

     


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