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vie privée

  • " Les trois mères."

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    Profitant de l’absence de mon homme retenu Dieu sait ou, j’organisais, la semaine passée, un diner de « poufs » à l’intention de mes trois mères.

    « Mater Suspiriorum », la mère des soupirs.
    « Mater Tenebrarum », la mère des ténèbres.
    « Mater Lacrimorum », la mère des larmes.

    Vous savez désormais dans quel chaudron de sorcières Dario Argento puisa l’inspiration de sa célèbre –et très inégale –trilogie.

    Filles adultérines de Shakespeare et de Tchekhov, mes malheureuses tantes se virent échoir la tache impossible de m’élever correctement ce dont elles s’acquittèrent avec un amour infini et une totale absence de cervelle, me laissant croire longtemps que j’étais spécial – et sans doute l’étais je réellement-, bien supérieur au commun des mortels ; un roitelet encagé dont le bon-plaisir dépendait de son seul bon-vouloir; m'incitant à cultiver le caprice comme une vertu , l’ironie comme un art , l’insolence comme un devoir, les déviances en tous genres comme une forme absolue de la liberté.

    Bref, on peut dire sans trop se tromper que se fut dans les personnalités complexes de Liouba, Stassia et Sasha que Vania-Vassili-Stéfan pucha à pleins baquets les philtres noirs et roses d'ou émana dans d'obscurs parfums ,mi fauve , mi fleur « Mauvaise . Graine ».


    De mes tantes, vous connaissez déjà la reine mère, Liouba; fausse bourge croulant sous le fric et l’adoration d’un mari encore ébahit, vingt cinq ans après qu’elle daignât lui adresser la parole.


    A présent, j’aimerais vous présenter Stassia et Sasha.

    Stassia- Anastassia à l’état civil- c’est le mec de la famille.


    Une femme forte, directe, virile, une femme intelligente et abrupte.


    Au contraire de ses sœurs, obsédées par la mode, et bien qu'elle possédât des pièces de très haute qualité, Stassia ne prêtait pas trop d’attention à la manière dont elle s'habillait. Constamment sur le pied de guerre, elle répugnait à consacrer du temps au choix de ses vêtements, à assortir ses chaussures à son sac.

    Ainsi, il lui arrivait de porter un somptueux manteau de fourrure sur une jupe en maille et un cardigan, un jean râpé et un T-shirt en coton avec un sublime collier de perles.

    C’est une femme en action plus qu'une femme d'action


    Spécialisée en chirurgie vasculaire et thoracique, elle mène d’une main d’acier la clinique que nous a légué papy.

    Sans jamais se marier elle a eut deux garçons, de deux hommes différents.


    Elle les élève, les pauvres, comme elle gère ses affaires.

    Virilement !

    Du reste, elle réprouve à utiliser ce qu'on appelle les armes "féminines" : la fragilité, la douceur, le charme.


    Cependant, lorsqu’un garçon lui plaît, et l’amazone en fait une consommation digne d’un pédé, forcément, elle change de registre !

    Sasha –Alexandra à l’état civil- est comédienne.


    Elle cachetonne dans des films que personne ne voit jamais, joue dans des pièces undergrounds tellement ennuyeuses que le public, s’il y en a, s’immole par le feu avant la fin du Premier acte.


    Plus jeune, elle vécu quelques années en Italie ou elle devint vedette de "Fumetti", ces romans-photos à l'eau de rose dont la péninsule est friande.


    Anarchiste et mondaine, elle eut longtemps pour devise « La bombe à neutrons oui, mais pas sur « Fauchon » »

    Petite fille, elle était rêveuse, elle écoutait les autres, elle ne parlait pas.
    Autour d’elle chacun se montrait très volubile alors qu’elle, muette se cachait derrière son père et ses sœurs. Timide, elle aimait pourtant se déguiser, jouer à des jeux de société.

    Déjà, elle se trouvait partagée entre le rêve et l'envie de vivre.


    Sans doute est elle devenue comédienne pour combler le fossé séparant le monde qui l'entourait de celui qu’elle imaginait.

    Elle aussi à deux fils, aucun du même père.

    La semaine passée, donc !



    Au menu, outre notre sempiternel Caviar de la Caspienne et ses accompagnements, du sucré, rien que du sucré.


    Mignardises, Baklavas, assortiment de Carolines, Florentins aux cerises et au gingembre, macarons, orangettes, sablés au citron, Muscadines, Diamants à la vanille et dentelles croustillantes au chocolat.



    Toujours au menu, ragots, potins, bouchées au vitriol, becquées à l’arsenic, goulées d’acqua-toffana.


    Pas d’alcool.


    Uniquement de la Vodka au piment et au miel, servie dans des dés à coudre que nous vidions d’un trait entre deux rosseries.


    Gavée de tisanes et d’ascèses, le corps et l'esprit purifiés, plus enragée encore que de coutume, Stassia rentrait à peine d’une cure Italienne.


    Trois semaines de retraite dans un monastère Lombard quelque part du coté de Brescia à bouffer du radis et à macérer dans la vase, tout cela pour le prix d'une Ferrari, il m'eut étonné qu'elle en sortit aussi jouasse que d'une soirée au « Baron ».

    Dès l’apéro elle commença son show.

    « -Mais quelle expérience fooormidaaaable ! Je me sens comme une ado, c'est dingue.

    « -Comme une ado ? Tu veux dire mal dans ta peau et ravagée par l’acné ?

     
    « -Je veux dire encore suffisamment vigoureuse pour claquer le beignet d'un grand cornichon irrespectueux lorsqu'il le mérite.


    Comprenons nous bien, j'aime mes tantes, je tuerais sans la moindre hésitation quiconque tenterait de leur faire du mal ; mais leur numéro de sœurs siamoises éprouvé, usé jusqu' à la corde, cette obstination qu'elles mettent à être toujours en représentation ; Liouba dans son rôle de grande bourgeoise enjouée, dépourvue du moindre état d’âme, Stassia en gloire du bistouri, ressassant à plaisir des histoires de bloc à vous dégouter à jamais de la bidoche ; Sasha en artiste maudite et spécialiste du Name dropping ,me font, je l'avoue doucement soupirer.

    Enfin, j'imagine que dans l’histoire, elles sont encore les plus à plaindre.

     

    Avoir élevé un énergumène de ma trempe ne doit pas être si facile à assumer.


    Déjà, à l’image de mon père, j’avais refusé de faire médecine et de reprendre la gestion de la clinique dont mon grand père et mon arrière grand père avant lui avaient construits l’excellente réputation.

    FLASHBACK :

    Liouba, paniquée

    : « -Mais qu'est ce que tu racontes à la fin ? Tu as perdu la tête. Tu es l’ainé des garçons, tu te dois de reprendre le flambeau.

    Moi, adolescent révolté sans aucun motif de révolte légitime

    : « - Si je reprends le flambeau, ce sera uniquement pour foutre le feu à cette putain de clinique.

    Stassia, calme et venimeuse

    : « - Putain de clinique qui soit dit en passant t'a permis de ne manquer de rien .Parce que si tu avais dut compter sur les singeries boulevardière de ton père pour manger du Caviar , tu n’en connaitrais toujours pas le gout ! Je crains que nous ne t’ayons trop gâtés mes sœurs et moi. Un corbeau ! Nous avons élevé un corbeau et aujourd’hui, il nous arrache les yeux.

    Sasha véhémente

    : « - Il a raison ce petit ! Fuck la tradition ! Vie ta vie mon chéri, ne te laisse influencer par personne!

     

    Stassia, furieuse

    : « - Toi la rouge, personne ne t’a sonnée ! Il reste une communiste sur terre, encore faut il que se soit ma sœur ! En plus comme exemple de réussite professionnelle tu te poses un peu là cocotte ! Tu as tourné dans quel bouche programme cette année ? Quelle famille ! On est vraiment bien montés !

    Moi goguenard

    : « - Plutôt, oui ! En tous cas mes amants ne se plaignent pas !

    Liouba, effondrée

    : « - Il est con ce gosse ! Tu le fais exprès ou tu as pris des cours ? Parlons peu, parlons bien ! Tu veux faire quoi à défaut de médecine ? Tu as bien, sinon une vocation, du moins une idée de ce qui te plairait ?

    Moi, parfaite tête à baffe

    : « - Nan, chais pas. Pour l'instant j'ai juste envie de m'éclater la mouette.

    Stassia, dans un grand élan de tragédie

    : « -Mais ce n'est pas un métier, ça !

    Aujourd’hui encore , Liouba et Stassia ne se sont pas faite à l'idée que je ne sois pas le professeur machin ; mais que voulez vous pour avoir été élevé dans le sérail , parmi les vapeurs d'éther et les mandarins , je sais que ce monde de sacrifices , de tension et de mort n'est pas le mien ; d'autant que dépourvu de la moindre compassion j'eus fait un médecin déplorable .


    En revanche, que je sois pèdè ne leur a jamais posé de problèmes ; Sasha parce qu'elle est la bonté et l'abnégation même ; les deux autres parce qu'elles trouvent cette originalité aussi tendance qu'un sac Birkin.

    Pourtant confrontées aux hommes de ma vie, Liouba et Stassia, au demeurant intelligentes, cultivées et sommes toute tolérantes se sont toujours comportées en parfaites imbéciles.

    Ainsi, Liouba ne peut s'arrêter de parler, ce qui ne serait pas si grave si elle n'enchainait les maladresses.

    Ainsi, Stassia, d'ordinaire fine conteuse, se contente de proférer des banalités avec l'embarras et le teint fleuri d'une charcutière en rupture de rillettes.


    FLASHBACK



    Liouba déguisée en chasse Espagnole un jour de Marie, sautoirs de perles, larmes de diamant, cabochons de rubis

    : « -Mon dieu, mais qu'il est beau !!! Il n'y a pas à dire, mon chéri, tu sais les choisir.

    (Sous entendu : Vous êtes, jeune homme le 4400 eme fiancé potentiel que notre neveu nous présente. Vos prédécesseurs sont passés plus vite que le café ; ne vous faites aucune illusion, votre règne sera court.)

    Stassia, à la recherche d'un intérêt commun

    : « - La médecine vous intéresse ? Non ! Ca m’aurait étonnée ! Oui, nous sommes médecins de père en fils dans la famille ! Enfin de père en filles, parce que les garçons, hélas…..Enfin, j’imagine que ce que je vous raconte ne vous intéresse pas !

    Liouba, en aparté, d'une voix de contralto qui doit s'entendre jusqu’à Courbevoie

    : « -Celui ci au moins est bien élevé.

    (Sous entendu : Vania a d'ordinaire du goût pour les voyous au point que je craignais, à chaque fois, qu'ils ne filent avec l'argenterie à la fin du diner. Franchement mon pauvre petit, je ne veux pas vous faire de peine, mais, vous n'êtes pas de taille.)

    Stassia, tatillonne

    « - Votre père est dans la carrière m’avez-vous dit ! Et votre maman ? Femme au foyer, bien sur ! Le syndrome de Wistéria lane en somme ….. Ah, vous avez trois frères ! Belle famille ! Tous du même père ?

    Liouba, insidieuse

    : "- Et que fait il dans la vie, ce grand garçon ? Guide accompagnateur trilingue, quelle bonne idée ! Vous ne devez pas souvent être chez vous ! Remarquez, Vania non plus !

    Sasha rêveuse

    « - J’ai couché avec un guide, une fois en Turquie ! Ce n’était pas terrible ! Le guide, pas la Turquie !

    Stassia, décidément obstinée

    : « - Vous chassez, bien entendu ! Non ? Comme c’est bizarre ! Oui, j’ai dit bizarre ! Vous savez que Vania adore chasser. . Ah, si, si je vous assure Vania est un chasseur émérite. Je dirais même une fine gâchette, n’est ce pas mon chéri ? La première fois qu’il a tirée, il n'avait pas huit ans.

    Moi, narquois

    : « -Tout de même pas ! J’ai connu mon premier mec à quinze ans !

    Liouba, perfide

    :"-Ne l’écoutez pas, cet enfant est idiot ! Personnellement, j’ai les armes à feu en horreur, mais il faut bien reconnaître qu’à toute chose malheur est bon. Au moins Vania est il capable de se défendre.

    (Sous entendu : A votre place j'éviterais de faire du mal à mon neveu à moins que vous ne teniez à vous faire exploser les rotules à coup de Beretta.)



    Mais comment doté d’une famille pareille voulez vous que je garde un mec?