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dorian gray

  • " Le parfum écarlate des Catleyas. "

    zzzz-hubert.jpgJ’ai la nostalgie d’une époque que je n’ai pas connue, pas vécue.


    Celle des calèches et des voilettes, des Catleyas épinglés sur le grain d’un corsage, des fracs et des ombrelles, des guêpières, des falbalas, des interdits, des non-dits, des artifices.


    Les gilets de Brummell ; les boucles dorées de Dorian Gray, les collerettes du Gilles de Watteau, les talons rouges d’Oriane de Guermantes.


    J’ai trop lu et bien trop vite; dévoré que j’étais d’acquérir cette intelligence de l’histoire, cette « servitude volontaire » dont Proust écrit qu’elle est le « commencement de la liberté ».


    En plongeant dans la lecture d’auteurs « classiques », j’inventais ma propre modernité avec une réelle sincérité, comme si je trouvais dans l’admiration que je portais à ces maitres ce qui m’aiderait à devenir moi-même un géni de perversité.


    J’avais quinze ans, je crois, un amant aux mains douces, au corps, dur du double de mon âge ; un maitre lui aussi dont je ne doutais pas, que d’instinct déjà, je surpassais les talents.


    Je jouais à l’adulte, il jouait à l’enfant.

    Je lui offrais des pralines et des fondants ; il me donnait des livres et des parfums : Graham Green et Guerlain.


    Je porte encore aujourd’hui cette essence Orientale , toute vêtue d’écarlate , tête de Bergamote et d’Orange ; cœur d’épices et de Patchouli que doucement réchauffe un frisson de vanille porté par une note unique , tenue , tendue presqu’en apesanteur de cette écorce se bouleau que l’on nommait joliment durant les années folles « cuir de Russie » .


    Les parfums se souviennent pour nous ; les parfums se souviennent mieux que nous.


    J’ai depuis longtemps oublié le grain poli, serré, cendré – ou du moins il me plait à imaginer qu’il l’était, poli, serré, cendré ce fameux grain – de la peau de mon premier amant ; mais je garde intacte, plus étincelante, plus tranchante que le biseau d’un diamant ; les mémoires des aromes capiteuses au creux noirs de ses aisselles et sur son sexe ou buissonnières elles se jouaient de mes émois d’enfant impur.


    Du reste ces premières digressions, ces premières transgressions s’épanouissaient sous le signe du jeu puisque cet amant là était comédien.

    Il joue encore, je crois.

     Les faire valoir, les seconds couteaux.

    Il est « encore beau » comme l’on dit de ceux qui ne le sont plus vraiment.
    Je l’ai croisé il y a peu dans le hall d’un hôtel Romain et c’est lui qui ne m’a pas reconnu.


    J’ai aujourd’hui l’âge qu’il avait à l’époque et des amants trop jeunes pour moi .

    Des garçons bruns et dorés, des garçons bleus et blonds.

     Je les aime sans gourmandise, sans appétit.


    A vrai dire je ne les aime moins que je ne les exhibe, objets précieux qui iraient bien à mon statut social.

    Les bonnes chaussures, la bonne cravate, la montre « comme il faut », mauvais genre mais pas trop, du cashmere et de la soie en hiver ; des polos blancs et des pantalons de lin en été, des dessous chics un rien salope ; le garçon adéquat.


    Sois beau et tais-toi.


    Chris, mon préféré parce que le moins présent, lui, ne se tait pas.


    Il a lu Proust évidement et résume la « recherche » d’une phrase lapidaire :

    « -Mille pages pour expliquer que Tutuve encule Tatave, avoue que c’est un peu long. »

    Oui mon chéri, c’est un peu long !

     


    Du reste, j’aime à lui faire croire que notre relation aussi c’est un peu long……