Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

carrie bradshaw

  • "When in Rome....."

    z-roma-pioggia.jpgIl se dit qu’à Rome les bouches d’égout mordent les doigts des menteurs.


    Il se dit qu’à Rome les fontaines rient du long rire gouleyant des putes érudites qu'aimèrent les papes du Quattrocento.


    Il se dit qu'à Rome des chats, gras à lard, car nourris jusqu'à l'écœurement par les bonnes âmes du voisinage, vivent par centaines dans une maison située en plein centre ville entre les quatre temples de Largo Argentina.
    Il se dit qu’à Rome les statues parlent, les portes délivrent les secrets de sortilèges oubliés, les réverbères enchainent pour l’éternité le cœur des amants.

     
    Il se dit qu’à Rome il est possible de déguster des parfums au coin d’un bar comme chez nous des grands crus d’Alsace, de Bordeaux ou de Bourgogne.


    Il se dit qu'à Rome les garçons, Tifosi ou Vitelloni, sont plus beaux, plus chauds, plus accessibles que n'importe ou en Italie.

    Lorsque voici près de cinq ans, gonflé de condescendance imbécile; bedaine Flamande, teint fleuri et œil arrondi de satisfaction bovine, mon chef de service m’annonça, que j’étais muté à Rome, j’avoue que je fis un peu la gueule.

    Depuis des semaines, les cassandres des couloirs, plus visionnaires que la Pythie de Delphes, me faisaient espérer New York en sifflotant allégrement le thème de «Sex and the City» sur mon passage.

    Je m’étais imaginé au petit matin, sur le grand fleuve, un joli garçon à mon cou , assis sur un banc qui, peut être, n’existe pas; évoquant Dos Pasos et Woody Allen, tandis qu’au dessus de nous émergeait de la nuit comme un paquebot sort de la brume, l’armature fantastique du pont de Brooklyn .

    J’avais rêvé du Chrysler building, du Rockefeller center, d’une java sur Broadway; d'un pique-nique à Central Park ou d'un brunch à Soho, d'une virée au marché bio d’Union Square.

    Je me régalais d'avance, accompagnée de quelques grammes de caviar de la Caspienne, d’une tasse de « prince Vladimir » au subtil gout de vanille et d’épices dégustée au « Russian Team Room ».

     J’avais rêvé, Gershwin, d’une rapsodie en bleu; des empreintes laissées par Billie Holiday et Truman Capote dans ces clubs underground du lower East side ou se fumaient d'étranges cigarettes, d’un bar un peu bizarre sur Christopher street, peuplé de faux marins, de faux flics, de faux durs, de tendres voyous; d’une après midi shopping chez Bloomingdale’s en compagnie de Carrie Bradshaw ou Rachel Green.


    Bref, alors qu’il avait fantasmé la grosse pomme en paillettes, technicolor et cinémascope, on envoyait Lucifer se faire exorciser dans un champ d'Antiques ruines veillées par des curés et des cornettes.


    J’avais visité brièvement Rome avec ma classe de 2nde ou de 1ere quelques années auparavant et je n’en gardais pas un souvenir impérissable.

    Il y avait bien eut une cuite à l’Asti qui nous avait valu quelques fous rires et un joli teint d’épathiques pour le reste du séjour ; or cela nous nous étions tapé toutes les églises de la création, tous les vestiges du Palatin, du Capitole, les vastes tombeaux de la voie Apienne, les monastères de l'Aventin ; mangé des pizzas aigres et des pates collantes dans des trattorias qui sentaient la misère et passé de bien mauvaises nuits allongés sur d'austères lits de fer dont la plus sévère des casernes n'eut pas voulu, au premier étage d’une ancienne abbaye reconvertie en pénitencier pour adolescents sans doute parricides et que l'on n'avait plus dut chauffer depuis les jours empourprés ou les Borgia répandaient la luxure, l'inceste et le meurtre aux pieds du Saint siège.

    Pour faire bonne mesure, j’avais aussi sucé deux ou trois queues locales, mais on peut dire à ma décharge, plus qu’à celles de mes partenaires, qu’à l’époque je suçais volontiers, mal et un peu n’importe qui.


    Il va sans dire que je rentrais de ce périple un goût bien amer à la bouche.


    Depuis, j’avais souvent séjourné en Italie, principalement à Florence, ville musée dont je ne me lassais jamais et à Milan dont l’énergie, l’invention, la modernité convenaient plutôt bien à mon tempérament intrépide.


    De la ville éternelle, de ses sept collines, de son Colisée dont on ne finissait pas d’achever la restauration, de ses cascades de marbres et d’ors, de ses dômes et de ses cloches, de ses pourpres cardinalices, de ses papes grotesques, je ne voulais plus entendre parler.


    Je protestais auprès de mon chef de service.


    « -Je parle couramment Anglais; le bureau de New York m’eut mieux convenu ! »


    L'autre putain de sa race maudite - qu'il lui vienne la gratte, les bras courts et une paire de cornes au cul - balaya l’argument d’un geste vague de la main comme on chasse une poussière.


    « -Tout le monde parle couramment l'Anglais dans nos métiers. En revanche, rares sont ceux qui possèdent votre connaissance de la langue et de la culture Italienne. Vous aimerez Rome, vous verrez ! Il y fait toujours soleil. »


    Trois semaines plus tard je débarquais à Fiumicino sous un orage comme on en avait plus vu depuis Tibère l'ancien et prenais logis dans un appartement vaste et poussiéreux, Via Gregoriana, à deux pas de la Piazza di Spagna.


    Puis le soleil revint et je croisais sur le chemin du bureau un long manteau de daim crème porté par un garçon dont les souples cheveux bruns balayaient un front vaste, voilant parfois dans le vent de la marche l’éclat d’un regard, un peu oblique aux reflets de glacier. Une large besace en bandoulière, des rouleaux d’affiches plein les bras, au cou dans l’échancrure d’une chemise de fluide jersey une épaisse chaine d’argent aux maillons plats, il m’offrit d’un air de connivence un sourire enfantin qui semblait me vouloir du bien.


    Il n’en fallut pas plus pour que je tombe amoureux et de Rome et de Silvio.