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" Le velour des vierges."

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Captif des bras de Julien, je m’arrondissais mollement dans la douceur Virgilienne, loin d’être servile ou même arbitraire, d’une paix succédant à d’horribles guerres.

Bercé de tendresses inouïes, j’y découvrais, dans un éclat glacé d’incrédulité, que d’avoir couché avec cent hommes ne me servait à rien depuis que j’en aimais un seul.


De ces amas de corps fermes et nacrés ne subsistait qu’un souffle fade de marais, une senteur écœurante de chairs tournées fumant ma peau à jamais souillée d’un grouillement de charogne!

Et j’avais beau, la laver cette peau, la poncer, la polir, l’étriller au sang , la baigner de musc et de lavande qu’elle gardait encore ses aromes d’infamie , à croire que l’on m’avait tiré , écorché , raclé à l’os d’un charnier de Bohème ou j’aurais croupi des jours durant, vagissant et plus qu’à demi mort, dans les humeurs intolérables des organes pourrissants et des fientes de corbeaux .

Jusqu’à mes baisers qui me semblaient sentir la pissotière alors que ceux de Julien embaumaient le buis et la Girofle, l’anis étoilé et la fleur d’amandier.


Il y avait eut tant d’hommes, mon Dieu, en si peu d’années.


Pas d’amour mais cette illusion creuse de l’amour qui légitime le sexe dans ses aberrations tellement crues, tellement brutales, tellement délicieuses, qu’elles vous font pleurer de regrets lorsqu’elles passent au rang de souvenirs sublimes.

Des tocades, des foucades.

Des coups de têtes grimés en coups de cœur.

« Le Pacha », ses yeux pales et ébahis ou perçait lorsqu’il les posait sur moi une lueur vacillante comme un repli de flamme sur sa mèche et qui était de l’incompréhension ou du chagrin, je ne sais pas, ses mains épaisses de marinier à gréer toutes les voiles, sa queue sombre et recroquevillée contre le gras blanc de la cuisse ou battait bleue et fragile une petite veine.

Franck que j’avais cru aimer parce que, peu respectable lui-même, il ne me respectait pas. Franck son visage de magazine, un peu « Lui », un peu « Elle », ses allures de tapiole d’autant plus Parisiennes qu’il débarquait de Clermont-Ferrand, Franck, démon par chacun chevauché , à l’âme mesquine et aux envies malsaines dont les scories expulsées sur l’enclume à coups sourds de marteau contaminaient qui l’approchait de leurs éclats de métal infectés , Franck qui visait les penthouses dorés des beaux quartiers alors que ses appétits de flétrissures allaient le conduire dans les caves tristes et sales des productions « Citébeur ».

En sommes qu’avais-je de mieux à offrir à Julien qu’un corps, certes appétissant, mais passé par tant de mains qu’il s’en était fané comme l’étoffe d’un veston rongée jusqu’à la trame à force d’être porté ?


Les richesses d’un esprit que j’ornais chaque jour d’avantage, tombé que j’étais dans la passion des grimoires et des rimes ?

Julien, me semblait il, n’en avait que fiche, lui dont l’intelligence, froide, précise, analytique faisait l’admiration de tous, lui qui ne cessait de nous éblouir par la finesse de ses raisonnements, la rondeur de sa faconde, l’étendue de sa culture au point que je me demandais s’il ne m’eut pas préféré sot, Béotien, incompréhensif, mais point trop obstiné tout de même, afin de me former à l’image de ses idéaux.


Car non content d’avoir trainé mes précieuses dans tous les paddocks pourris de la capitale, de ne correspondre que d’assez loin, de nuit et dans le brouillard, aux critères physiques dont on le disait friand, je me permettais d’apporter mes contradictions morveuses dans des débats aussi étincelants qu’argumentés auxquels six mois plus tôt je n’aurais compris que pouic.


Ainsi, par exemple, je ne voyais pas d’intérêt à l’histoire telle qu’elle était enseignée dans les écoles, les collèges, les lycées et soutenaient que les enfants, de quelque horizon social et culturel qu’ils viennent n’avaient pas besoin de se farcir des hiéroglyphes Egyptiens, la chute de Sparte ou les armes de la Macédoine pour appréhender rationnellement le monde dans lequel ils vivaient ce à quoi, « Beau. Masque » répliquait que l’on ne peut vraiment savoir ce que l’on est si l’on ignore d’où l’on vient.

Bien heureusement et même si Julien fut de tous les hommes qui marquèrent ma vie celui avec qui je communiquais, j’échangeais, je partageais le plus, nous ne gaspillions pas nos jours à examiner, améliorer, détruire, reconstruire les systèmes passés, présents et à venir.

Nous vivions à pleins poumons, aussi naturellement, aussi insoucieusement que nous respirions.

Nous riions aux larmes de nos mots d’enfants ivres de vin, de sève, de scintillante jeunesse, nous blaguions à tous propos, le plus volontiers hors de propos, nous badinions follement, nous regardions le défilé des garçons au printemps des avenues en nous disant que, finalement, ils étaient bien jolis mais que, l’un pour l'autre, l'autre pour l'un, nous étions mieux encore !


Nous sortions beaucoup, au théâtre, au cinéma, à l’opéra, dans les diners et les salons, chichement dans les boites ou dans les bars, nous recevions nos amis, nous cuisinions, nous faisions du sport et nous affrontions aux cartes ou aux échecs.

Nous voyagions chaque fois que nous en avions l’occasion.

Et nous faisions l’amour sans nous lasser jamais, tant l’amour avec Julien était simple, naturel, enjoué, frais, pétillant, solaire enfin, décrassé de toutes gènes comme de toutes pudeurs, privé de ses ombres violentes, mauvaises , obscènes détournant le relief des corps des éclatantes lumières, des neuves beautés, des sublimes puretés qui ne craignent pas de payer au plaisir le prix qu’elles doivent payer, si bien que sous des caresses inédites ou la douceur des mots comptait autant que celle des gestes, ma vilaine peau de débauché, ma peau de repenti , ma peau de pénitent vibrait affolée des limpidités sanguines du clair velours des vierges.

Commentaires

  • Avec de telles senteurs dans ses baisers, il devait être Marocain ton Julien... ah Julien, rien que ce prénom est un appel à l'ivresse de l'amour et au sexe qui devient finalement autre chose que primaire... je souris quand je lis tes envolées romano-lyriques... non par moquerie, mais parce que cela me ramène à tant de choses de ma propre existence. PS. Je crois que ce Franck n'était pas de Clermont-Ferrand en fait... mais de la Loire. Bises

  • Qu'importe d'ou venait Franck, l'important c'est ou il se trouve aujourd'hui. Et surtout qu'il y reste!
    Bises

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