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san crisogno

  • "Premiers pas dans la mafia"

     

    zzzzzzzzzzzzzzzzartfxm09.jpgS’acclimater en pays étranger, même lorsque vous en connaissez parfaitement la langue, l’histoire et la plupart des coutumes n’est pas forcément une situation de tout repos. Il vous faut, outre composer avec cette nostalgie insidieuse que l’on nomme « mal-du-pays »; mais que je qualifierais plus justement, pour l’avoir pratiquée au-delà du raisonnable, de « mal-des-vôtres » ; trouver rapidement vos repères géographiques, sociaux, professionnels; vous faire votre petite place au sein d’un environnement qui jusque là c'est raisonnablement passé de votre encombrante petite personne; tout en sachant que quoi que vous fassiez vous y resterez, fut ce au terme de longues années; irrémédiablement méconnu , irrémédiablement différent, exotique aux yeux des locaux, et parfois même regardé comme potentiellement néfaste .

     

     

    Si de plus vous êtes un pédésexuel à faire passer Dame Elton John pour le champion du monde de la chatte fourrée, votre intégration dans une société latine, machiste, catholique, apostolique et forcément Romaine n'en sera que moins aisée.


    Ma première surprise fut de constater que mes nouveaux bureaux, mes nouveaux collègues ne différaient guère de ceux que je venais de quitter. On traitait Via della Ferratella in Laterano, à peu de chose près, les mêmes dossiers que boulevard Malesherbes, on y commentait les mêmes coucheries, on y assassinait ses rivaux avec la même férocité, et si le café – Italie oblige – y était meilleur, la déco élégante et froide ne variait pas d’un iota.

    Seule différence notable, alors que l’agence de Paris regorgeait d’aimables tapioles au verbe leste et aux cravates colorées, celle de Rome semblait n’employer que des hétéros, exception faite d’une gouine revêche et osseuse pour laquelle tout ce qui portait pénis méritait la mort par le pal, demoiselle qui en dépit des trésors de charme que je déployais pour l’amadouer me demeura hostile jusqu’à mon départ.


    Je passais donc les premiers temps de mon séjour en compagnie d’arrogants petits coqs parlant ballon et nichons, de jeunes mamans préoccupées par l’éducation de leur marmaille et pire que tout, d’entremetteurs des deux sexes bien décidés à fourguer le nouveau venu – un beau parti murmurait on – à quelque Bovary Italienne sèche comme une fleur d’aubépine entre les pages d’un roman .


    Ma libido d’ordinaire enthousiaste ayant eut la courtoisie de s’inscrire aux abonnés absents, je jouais donc les males dominants, barbe d’aventurier , sourire de pirate et pectoraux saillants, poussant le vice jusqu'à courtiser une graphiste qui n’avait, la malheureuse, rien à faire de mes attentions, me désolant de ses dédains sur un air de Lamento dés que je rencontrais une oreille compatissante; jusqu’à ce qu’un beau matin ou un vilain soir, certains picotements, certaines raideurs au niveau de mon entre jambe ne viennent me rappeler que j’avais vingt six ans, une bonne santé, un sexe indéniablement masculin dont je pouvais user autrement que pour uriner; sexe qui, est il besoin de le rappeler; ne consentait à s’ériger en colonne Trajane qu’en présence d’anatomies,elles mêmes, incontestablement masculines.

    Je compris qu’il était temps pour « Mauvaise. Graine » d'ôter son masque grotesque de Fascio Mascio afin d’endosser sa panoplie pourpre et or de « matador-mi amor-mis à mort » avant d’aller bruler ses ailes guillochées d’argent aux lampions bigarrés illuminant les nuits pédoques de la capitale de l’Empire.


    N’ayant jamais été féru des lieux de drague dont le coté clandestin , honteux , voire malsain me répugnait, pas plus que d’ étreintes mesquines torchées à la « vite fait-mal-fait »; je me dispensais d’aller trainer mes escarpins Gucci dans les jardins du Monte Caprino , ou sur la plage du Buco, au bien nommé lieu-dit « Settimocielo », et décidais de faire mon entrée dans la pédésphère Romaine par la grande porte, même si pour l’atteindre je choisis d’emprunter la discrète antichambre d’un bar feutré, intime et chaud repéré sur le net .

    Ironie du sort ou malice assumée, les païens, les débauchés, les libertins, les sodomites en somme, avaient choisis de s’installer non loin de l’église San Crisogno édifiée au Ive siècle de notre ère et que l’on considérait comme le plus ancien site de culte de la ville. J’avouerais franchement, puisque « Mauvaise. Graine » je suis, que l’idée de me livrer à cent turpitudes à l’ombre d’un lieu saint entre tous, me mettait dans une joie féroce.


    Comme vous pouvez-vous en douter, une « Mauvaise. Graine », ça soigne ses apparitions aussi me précipitais je chez une esthéticienne qui me fit la peau aussi lisse, aussi veloutée que le derrière pommelé de ces chérubins imbéciles, aux ailes froufroutantes et aux mines équivoques volant par nuées au plafond de la Sixtine , puis chez un dentiste du cabinet duquel je ressortis avec un sourire que l’on ne pouvait contempler sans lunettes noires sous peine de voir sa rétine irrémédiablement endommagée.


    Se posa ensuite, devant un dressing plein à craquer de fringues griffées, l’inévitable et grave question du « keske-j’vais-mettre ? J’ai-rien-à-me-mettre ! » .
    Comment s’habille-t-on pour prendre d’assaut la ville éternelle lorsque l’on sait que les Romains, et à plus forte raison les pédales Romaines, sont des toxicos de la mode ?

    Chic et choc ?

    Chic et toc ?

    Chic et salope ?

    Salope très salope et pas chic du tout ?


    Je ne sais plus pour quelle tenue j’optais mais ce fut un V beau comme un camion de pompiers qui un soir de Mai, le joli Mai, poussa la porte du « Garbo », Vicolo Santa Margherita, dans le quartier du Trastevere ce lacis de ruelles traçant son réseau serré derrière la piazza Sidney Sonnino; un V qui ignorait encore au moment ou il pénétra dans le bar que ses amours Transalpines ne porteraient jamais et pour jamais que l’unique prénom de Silvio.